Deux mois après la sortie en France de Spy x Family : Code White, c’est une autre série animée japonaise adaptée d’un manga qui arrive dans les cinémas de l’Hexagone. Dès le 12 juin prochain, les amateurs de volley-ball pourront regarder en salles obscures le film Haikyû : la Guerre des Poubelles. J’ai pu aller voir le film en avance et je vous livre mon ressenti sur ce long-métrage qui est, pour moi, dans la continuité de la série animée.
Haikyû, l'un des rois du manga de sport de la dernière décennie
Haikyû, c’est peu l’un des phénomènes mangas/animes de ces dernières années. Bien qu’il reste dans l’ombre de productions plus grands publics telles que Demon Slayer, l’Attaque des Titans ou encore Spy x Family, c’est un challenger qu’il ne faut pas oublier. J’en veux pour preuve l’un de mes collègues. Loin d’être versé dans tout ce qui touche de près ou de loin la japanimation, seules deux œuvres l’ont séduit : Dragon Ball à l’époque, ce qui commence à faire loin, et Haikyû.
Le manga, écrit par Haruichi Furudate et publié dans le Weekly Shonen Jump, débute en 2012. C’est en s’inspirant d’œuvres contemporaines grand public que l’auteur arrive à faire de sa bande-dessinée un carton. Le dessin sert le spectaculaire et l’intrigue a tout de certains codes du nekketsu : Hinata Shouyô est un jeune garçon naïf qui rêve de devenir l’un des meilleurs joueurs de volley-ball malgré sa petite taille ; son premier rival devient son compagnon de route ; et ses capacités physiques se révèlent en cours de route à travers ses matchs et des entraînements intensifs.
Un synopsis qui suffit à séduire les lecteurs sur l’archipel nippon et même dans le monde. En 2014, probablement dû à la sortie à la sortie de la première saison de l’adaptation animée, le manga est le troisième le plus vendu de l’archipel. Une prouesse qu’il réédite avec, en 2020, une quatrième position (qui coïncide avec la fin du manga). En 2023, ce sont plus de 60 millions d’exemplaires qui auraient été tirés. À titre de comparaison, c’est plus que Prince du Tennis, Gintama… et autant que Berserk ! De manière générale, plus de 50 millions d’exemplaires tirés, c’est déjà colossal. 'Pour le manga de sport, l’exemple le plus parlant reste Olive et Tom / Captain Tsubasa qui n’a pas atteint le 100 millions d’exemplaires et plafonne à 90 millions', soit autant que Jujutsu Kaisen''.
Un succès commercial que l’on peut partiellement expliquer par l’engouement du Japon pour le Volley : des médailles d’or (surtout chez les femmes) à différentes éditions des jeux olympiques à la fin des années 60. Le pays se prend alors au jeu avec plusieurs œuvres, et en France c’est à partir des années 80 avec Jeanne et Serge que l’engouement se mesure. Plusieurs décennies plus tard, Haruichi Furudate relance cet enthousiasme avec une œuvre qui reprend les codes modernes du shônen tout en restant grand public.
Dans un second temps, c’est aussi l’adaptation animée qui donne une seconde jeunesse à l’œuvre tout en la rendant séduisante. Un constat que l’on peut faire au bout des quatre saisons diffusées entre 2014 et 2020, mais aussi avec le film Haikyû : la Guerre des Poubelles.
Haikyû : la Guerre des poubelle est suffisamment bien pour qu'oon en mérite plus
Parce qu’en effet, Haikyû : La Guerre des Poubelles est littéralement dans la continuité des saisons précédentes. On assiste à la rencontre, lors du tournoi national de printemps, au match entre Karasuno et Nekoma. Les deux villes affichent chacune un animal totem dû à leur patronyme : le corbeau pour Karasuno (Karasu) et le chat pour Nekoma (Neko). Ayant autrefois des résultats déplorables synonyme de bas du classement, les deux équipes se retrouvent pour les huitièmes de finale du tournoi d’où cette “guerre des poubelles”.
Malgré une rapide scène d’introduction rappelant la rencontre entre Shouyô et Kenma, les présentations ne sont pas faites. S’il n’est pas nécessaire de se refaire l’intégralité de l’animé avant d’aller voir le film tant les visages et les histoires de chaque personnage reviennent vite, j’avoue que je reste tout de même perplexe sur la capacité des non-initiés à saisir tout ce qui se passe à l’écran. Loin d’un Spy x Family : Code White ou même de The First Slam Dunk, Haikyû : la Guerre des Poubelles est moins appréciable pour ceux ne connaissant pas la série. Le film s’adresse moins au grand public mais affiche tout de même d’autres points forts.
Outre ce caractère excluant mis à part, Haikyû : la Guerre des Poubelles demeure un très bon film. Dans la continuité de la série, il remet en avant les qualités qui contribuent à son succès. Si le film (qui constitue une première partie aux phases finales du tournoi) ne couvre que le match entre Nekoma et Karasuno, il reste impressionnant de maîtrise dans son rythme. Il alterne avec une grande efficacité les moments intenses durant le match avec les séquences Slice of Life (Tranche de vie), intrinsèquement plus calmes. J’avoue avoir été surpris par l’inégalité de la qualité de la réalisation et de l’animation par moment, sans que ça ait drastiquement changé mon visionnage. Mais il est vrai que passer d’une vue à la première personne, intense, à une perspective prise loin du court à de quoi surprendre.
Une fois sorti de la salle, j’avoue être resté sur ma faim. Avec une telle maîtrise du rythme de sa narration, le film donne envie de voir plus de points disputés et plus de séquences lentes s’intéressant aux personnages. Parce qu’avant tout, la force d’Haikyû réside, un peu comme Olive et Tom selon moi, non pas dans la retranscription de son sport mais dans l’écriture de ses personnages. Il n’y a pas que les protagonistes qui valent le coup d’être suivis. Chaque joueur présent sur le terrain a une histoire qu’il raconte grâce à sa façon de jouer au volley. Chacun, à leur manière, vit le match. Quelque chose que l’on ressent grâce à la qualité de la production. Les doubleurs ont fait un travail remarquable sur l’intensité des voix. La bande-originale se rapproche des mangas plus classiques du genre, notamment avec la combinaison violon et tambour. Par moments, j’avais l’impression de regarder My Hero Academia !
S’il fallait donc résumer Haikyû : la Guerre des Poubelles en quelques mots, je dirai que l’adaptation en film aurait dû mériter plus. Les amateurs initiés de la série animée ou du manga passeront sans aucun doute un bon moment, grâce à la qualité de la production et le rythme maîtrisé de la narration. D’autant qu’on retrouve cet intensité propre aux mangas du genre, avec la valorisation des efforts et du dépassement de soi. À l’inverse, il est certain que les néophytes risquent de passer à côté de certaines subtilités indispensables à l’appréciation du film, et justement sur ces valeurs transmises par Haikyû. C’est donc rater l’essentiel, puisque c’est, à n’en pas douter, l’une des raisons majeures qui a poussé l’œuvre au sommet.