À une époque où les dragon punch de Street Fighter II frappaient les salles d’arcade, quelques mois avant que le titre de Capcom ne pose ses lightning kick sur les Super Nintendo du monde entier, des étudiants japonais réussirent l’impossible. En domptant les capacités techniques de la NES, ils ont infligé un uppercut tellement puissant que Nintendo a décidé de les prendre sous son aile afin de les aider à transformer leur démo en véritable jeu.
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Pas de bras, mais le poing levé !
Il y a un jeu sorti sur NES, sur la console virtuelle de la Wii, la 3DS, la Wii U et qui est récemment arrivé dans l’offre Nintendo Switch Online que vous ne connaissez sûrement pas. Pourtant, il a repoussé les limites techniques de la Famicom et a prouvé au monde entier qu’il était possible de concevoir un vrai bon jeu de versus fighting sur 8-bits. Ce soft, c’est Joy Mech Fight, sorti uniquement au Japon le 21 mai 1993. Ce qui est certain, c’est que les premières minutes en sa compagnie ne permettent pas d’identifier ce pour quoi il restera dans les esprits des passionnés. Après une courte scène cinématique d’introduction où l’on voit deux scientifiques assister à la création d’un robot, les écrans qui s’enchaînent – titre, modes de jeu, carte du monde, choix du personnage – brillent plus par leur simplicité que par leur recherche graphique. C’est lorsque le premier combat en 1v1 débute que Joy Mech Fight impose le respect.
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Avant que Street Fighter ne mette les poings sur les hits en matière de versus fighting, les rares jeux de combat 1v1 sur NES, en vue de profil, disposaient d’un gameplay assez pauvre. Des titres tels que Karate Champ, Yie-Ar Kung Fu, Karateka ou encore Tenkaichi Bushi Keru Nagūru s’attaquaient avec courage au genre en se heurtant aux nombreuses limitations de la machine de Nintendo. Mais Joy Mech Fight va contourner les problèmes avec astuce et talent. Sa philosophie est aussi claire qu’avant-gardiste : il est plus important de miser sur le gameplay que sur le réalisme si la technologie ne permet pas de livrer des résultats probants. Or, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les développeurs qui se lancent dans le fighting game sur 8-bits utilisent des combattants humanoïdes, c’est-à-dire qu’ils ont des bras et des jambes. Joy Mech Fight, lui, propose quelque chose d’original afin d’apporter une solution aux carences d’affichage de la console – qui peine à montrer de grands sprites – en supprimant les liaisons entre le buste et les membres. À l’instar de Rayman, les protagonistes du soft ont des mains et des pieds qui virevoltent autour du corps.
Cette technique de sprites (bras/mains/pieds) à gérer autour d’un buste donne l’opportunité aux développeurs d’afficher et d’animer de manière fluide de grands personnages tout en libérant de la mémoire, ce qui permet d’intégrer le nombre impressionnant de 36 combattants. Les concepteurs ont également pu s’inspirer de ce que faisait Street Fighter 2 en livrant un gameplay riche avec 6 mouvements de base, 4 coups spéciaux, des projections, des techniques secrètes ou encore de l’étourdissement si trop de coups sont encaissés… Le tout à exécuter via les deux petits boutons de la manette de la NES. Et le pire, c’est que la maniabilité est bonne ! En outre, Joy Mech Fight se paye le luxe d’inclure un tutoriel bien fichu, où les attaques sont montrées en démo et où les boutons du pad sont placés à l’écran. Une première !
Graine de champion
Bien que l’équipe créditée soit le département Research and Development 1 (R&D1) de Nintendo, ce ne sont pas les têtes pensantes habituelles que nous retrouvons à l’origine du projet. À la base, Joy Mech Fight n’est qu’une démo concoctée par deux étudiants japonais, Koichi Hayashida et Koichiro Eto, produite pendant un séminaire de développement de jeux organisé par Nintendo (les Nintendo-Dentsû Seminar). Quand la firme de Kyoto découvre ce projet alors intitulé Battle Battle League, elle décide d’offrir un contrat au talentueux duo afin qu’il puisse en faire un jeu complet. Le tout sous la supervision de Gunpei Yokoi, le célèbre inventeur de la Game Boy, s’il vous plaît. Joy Mech Fight devient la deuxième tentative de Nintendo dans le monde des jeux de combat après Urban Champion en 1984, lui aussi sorti sur NES.
Si nous retirons les remerciements spéciaux, 8 personnes sont créditées à la conception du soft. Joy Mech Fight est d’ailleurs le premier jeu sur lequel elles ont travaillé. La grande majorité des membres de l’équipe ne fera pas une longue carrière dans le monde du jeu vidéo et travaillera sur des titres plutôt confidentiels tels que Monster Rancher, Ultraman Invaders, Chocobo Racing, à l’exception du sound designer Hideaki Shimizu qui fait ses armes sur Joy Mech Fight et que nous verrons au générique de plus d’une trentaine de productions Nintendo. Koichiro Eto, lui, ne continuera pas son aventure dans l’univers vidéoludique. Koichi Hayashida, de son côté, deviendra le programmeur principal de Super Mario Sunshine, puis réalisera Super Mario 3D Land ainsi que Super Mario Galaxy 2. Toujours chez Nintendo, il a récemment sorti Super Mario Bros. Wonder où il est crédité au game design. Oui, on peut dire que Joy Mech Fight lui a ouvert des portes.
Si vous souhaitez constater par vous-même ce que ce jeu de combat de robots a de si spécial, et si vous voulez aider le Dr Little Eamon à déjouer les plans du Dr Ivan Walnach, vous pouvez le faire aisément en prenant votre Switch et en consultant le catalogue NES de l’offre Nintendo Switch Online. Joy Mech Fight s’y trouve depuis la fin de l’année 2023.