Alors que les comédiens de doublage sont actuellement en campagne active contre les intelligences artificielles, la firme américaine Hasbro a sauté le pas : la nouvelle saison de la série My Little Pony est désormais doublée par une IA. Et ça fait vraiment peur !
L’intelligence artificielle menace de très nombreux emplois et si vous pensiez que les métiers créatifs étaient à l’abri de la révolution qui se joue en ce moment, vous êtes sans doute loin du compte. Cela fait déjà plusieurs semaines que le Syndicat français des Artistes interprètes et l’association professionnelle LESVOIX sont entrés en guerre contre l’émergence d’une tendance inquiétante : celle qui consiste à utiliser des voix de synthèse pour doubler des films et des séries.
Dès l’année dernière, des comédiens de doublage se sont montrés étonnés, pour ne pas dire choqués, par le fait que certains de leurs contrats précisaient que leur voix pouvait être utilisée pour de futurs projets en lien avec l’intelligence artificielle. Beaucoup ont refusé de travailler dans ces conditions, mais cela n’a malheureusement pas freiné la tendance.
Mon Petit Poney à la sauce AI
Ces derniers jours, un constat a été fait par des amateurs de doublages, mais aussi par des professionnels. La deuxième saison de la série My Little Pony : raconte ton histoire, spin-off de la série d’animation My Little Pony, a attiré les oreilles les plus expertes. En effet, les connaisseurs trouvaient les doublages français étranges, en total décalage avec ceux de la première saison. Et pour cause : il s’avère qu’ils ont été réalisés à l’aide d’un procédé impliquant l’intelligence artificielle.
Bien que les épisodes de cette saison soient disponibles sur YouTube depuis le début de l’année pour certains, cette situation était relativement passée inaperçue jusque-là. My Little Pony cible les jeunes enfants qui ne sont pas sensibles à ce genre de détails, mais compte tenu des débats actuels, les fans adultes ne se sont pas laissé piéger très longtemps.
Vous pouvez comparer la vidéo plus haut, qui est de la 2e saison et donc qui est doublée à base d’IA, et la vidéo ci-dessous, issue de la 1ère saison et donc doublée par de vrais comédiens.
Une décision économique d’Hasbro
Lors d’un événement organisé par l’association belge BELVA, qui lutte activement contre la place prise par l’IA dans le milieu du doublage, Matthieu Meunier, qui double le personnage de Hitch dans la série, a confirmé la situation. Lisant un message envoyé par une personne travaillant chez Hasbro, il révèle que l’entreprise de divertissement traverse une crise économique qui l’a obligée à tailler dans ses budgets.
« Fini les acteurs et actrices voix off, tous est généré par IA pour les enfants », résume-t-il, ajoutant que tous les pays sont concernés en dehors des États-Unis. « On le ressent avec la série “Raconte ton histoire” saison 2, où tout est plat, il n’y a plus d’émotion dans les paroles. »
Une situation dont se féliciterait Hasbro, société détentrice des droits de My Little Poney, puisque ce choix représente de grosses économies. Et tant pis pour la qualité…
Une situation qui inquiète le monde du doublage
Sur X, le comédien Lilian Azemon exprime son inquiétude : « Le doublage est fait par une IA et outre le fait que ce soit nul (pour l’instant) je vois que ça ne fait AUCUN bruit », explique-t-il. Certaines personnes lui répondent que même si elles trouvent effectivement le doublage mauvais, elles n’auraient jamais pu imaginer qu’il s’agissait du travail d’une intelligence artificielle.
Aux États-Unis, les comédiens de doublage sont aujourd’hui protégés contre ce genre de situation. Lors de la récente grève massive à Hollywood, la question de l’utilisation de l’IA dans l’audiovisuel est rapidement arrivée sur la table. De quoi permettre au SAG-AFTRA, le plus gros syndicat américain représentant 160 000 professionnels des médias et artistes, de les protéger, au moins pour le moment.
En France ou en Belgique, la situation est encore très précaire. Une pétition #TouchePasMaVF a été mise en ligne et elle rassemble déjà plus de 130 000 signatures. Une action de soutien qui n’est pour l’heure que symbolique, mais le débat continue.