Les idées reçues en matière d’écologie numérique sont loin d’être toutes fondées. Et l’une d’elles continue à persister, même si elle a été remise en question il y a de ça plusieurs années.
Notre utilisation frénétique des nouvelles technologies se frotte parfois à notre éthique vis-à-vis de l’environnement. Et par conviction, ou simplement par envie de se donner bonne conscience, on fait parfois des choix qui peuvent s’avérer surprenants.
Au milieu du mois de mai, l’Arcep a publié l’édition 2024 de son baromètre du numérique. « Cette nouvelle édition interroge les utilisateurs sur leurs pratiques pour réduire l’empreinte environnementale du numérique », explique l’organisme. Et on y trouve certaines informations très instructives.
Les Français et la sobriété numérique, un vaste sujet
Les résultats du baromètre montrent notamment qu’en moyenne, les foyers français hébergent dix écrans : trois smartphones, deux TV, deux ordinateurs portables, une tablette, une console portable ou encore une montre connectée. Mais tous ces appareils sont loin de servir, puisqu’un quart ne serait tout simplement pas utilisé. « environ 70 millions d’appareils seraient donc susceptibles d’être reconditionnés ou recyclés », en déduit l’Arcep.
Les Français sont de grands consommateurs d’appareils connectés. Mais face aux considérations environnementales, comment agissent-ils ? C’est l’un des autres sujets intéressants du baromètre : un graphique présente les moyens d’action les plus courants des Français pour réduire leur empreinte numérique.
On constate que le tri et nettoyage régulier de ses mails est l’action la plus mise en œuvre, bien loin devant le fait de limiter le nombre d’équipements numériques, de limiter sa consommation de données ou encore de favoriser l’achat des produits reconditionnés.
Supprimer les mails inutiles serait donc la solution favorisée par les consommateurs pour réduire leur empreinte numérique. 71% des personnes interrogées indiquent le faire régulièrement. Hélas, cette action est plutôt inutile.
Ça ne sert à rien de vider sa boîte mail
Si l’on doit largement la propagation de ce mythe à Mike Berners-Lee, le frère de Tim Berners-Lee considéré comme le créateur d’Internet, il a cependant été remis plus d’une fois en question. Mike Berners-Lee a d’ailleurs fini par mettre des pincettes à ses calculs, 10 ans après la sortie de son ouvrage How Bad Are Bananas?: The Carbon Footprint of Everything, dans lequel il évoquait l’empreinte carbone des mails stagnants dans les messageries des internautes.
Dans un article publié en janvier 2023, le site The Conversation remettait aussi en cause l’efficacité de la suppression des mails. Après tout, les datacenters fonctionnent en permanence avec une consommation d’énergie variable en fonction des périodes de pointe. « Que le courriel soit envoyé ou pas, les réseaux utiliseront à peu près la même quantité d’énergie », explique le média.
En outre, même si l’on compte environ 22 milliards de mails légitimes envoyés chaque jour, et 122 milliards de spams quotidiens, tout cela ne représente en réalité que 1% du trafic Internet mondial. À titre de comparaison, les plateformes de streaming en représentent aujourd’hui environ 82%.
Seulement, voilà : en pratique, il est plus simple de supprimer régulièrement une poignée de mails inutiles que de sacrifier une soirée Netflix & Chill. Il s’agit davantage d’un geste symbolique qui donne bonne conscience, que d’une action réellement utile pour l’environnement. Pour réduire son empreinte numérique, mieux vaut donc réfléchir davantage à notre manière de consommer des appareils high-tech ainsi que des services en ligne réellement gourmands en ressources.