Depuis toujours, les bactéries et virus viennent de sous nos pieds et s’il fallait plutôt regarder au-dessus de notre tête, à 400 km. C’est bien l’ISS qui pose question aujourd’hui avec une bactérie unique.
Une bactérie unique à l'intérieur de l'ISS
Faire des expériences dans l’Espace est un rêve devenu réalité grâce à la Station spatiale internationale (ISS). Malgré son environnement hautement contrôlé, caractérisé par la microgravité, des niveaux accrus de CO2 et un rayonnement solaire intense, des micro-organismes occupent une niche unique. Ces habitants microbiens jouent un rôle important dans la santé et le bien-être des astronautes à bord. Parmi eux, une bactérie suscite un intérêt particulier : Enterobacter bugandensis. Principalement présente dans des échantillons cliniques, y compris dans l’intestin grêle humain, on lui attribue également des caractéristiques pathogènes, pouvant conduire à une multitude d'infections.
Contrairement à leurs homologues terrestres, les souches d'Enterobacter bugandensis de l'ISS ont développé des mécanismes de résistance qui les classent dans le groupe pathogène ESKAPE, reconnu pour sa redoutable résistance aux traitements antimicrobiens. Au cours de la mission de suivi microbien MT-1 d'une durée de deux ans, 13 souches d'E. bugandensis multirésistantes ont été isolées à divers endroits de l'ISS. Une étude approfondie a été menée pour comprendre les subtilités génomiques de la souche à bord de l'ISS par rapport aux souches terrestres, en se concentrant plus particulièrement sur celles associées aux infections cliniques.
L'étude dévoile les trajectoires évolutives de gènes clés, contribuant notamment aux adaptations et à la résistance potentielle aux antimicrobiens. L'hypothèse centrale de cette étude était que les contraintes de l'environnement spatial, distinctes de celles rencontrées sur Terre, pourraient être à l'origine de ces adaptations génomiques.
Une vrai différence par rapport aux souches terrestres
À partir de la base de données publique GenBank du National Center for Biotechnology Information, 211 génomes identifiés comme E. bugandensis ont été obtenus et analysés. Parmi ceux-ci, 12 provenaient de trois emplacements différents à bord de l'ISS lors du premier vol de la mission MT-1 : quatre de la zone de contrôle de l'air (AC), un du simulateur d'exercice avancé à résistance variable et sept du compartiment de déchets et d'hygiène.
Une comparaison approfondie de l'ensemble des génomes a révélé que les souches de l'ISS forment un groupe distinct de celles présentes dans d'autres environnements et hôtes terrestres. Notamment, une souche, AR1358 provenant de l'hôpital Sir Run Run Shaw de Zhejiang, en Chine, se regroupait étroitement avec les isolats de l'ISS dans tous les arbres phylogénétiques. Alors une contamination potentielle déjà sur Terre ?
Les chercheurs ont également observé des variations génétiques significatives entre les souches de l'ISS et leur homologue terrestre le plus proche, AR1358. Ces variations comprenaient des milliers de mutations ponctuelles uniques et d'autres types de modifications génétiques. Ces résultats suggèrent que les souches d'E. bugandensis de l'ISS présentent des différences génétiques notables par rapport à leurs homologues terrestres.
L'analyse a permis d'identifier et d'annoter chacun des 211 génomes/MAG. Cette analyse a révélé un ensemble important de gènes codant pour des protéines, dont un nombre relativement plus élevé dans des catégories telles que le transport et le métabolisme des acides aminés et les facteurs de transcription chez les souches de l'ISS. Ce qui pourrait expliquer leur plus grande résistance.