La Belgique force les jeux vidéo à s’adapter à sa loi ! Certains sont même bannis s’ils ne se plient pas aux règles, pourtant, Genshin Impact est passé entre les mailles du filet.
En France, les loot boxes font polémiques. Trop addictives pour certains, trop aléatoires pour d’autres, les critiques fusent lorsque l’on parle de ces "machines à sous" au contenu surprise. Dans mon pays, la Belgique, nous n’avons pas ce problème. Pourquoi ? Parce que les loot boxes sont purement et simplement interdites ! Overwatch ou bien Lost Ark, beaucoup de titres ont dû être modifiés afin de sortir dans mon plat pays. La cause : la loi d’avril 2018 qui protège les mineures face aux jeux de hasard. Celle-ci stipule l’interdiction, aux moins de 18 ans, de tout jeu qui propose des contenus aléatoires achetables uniquement avec de l’argent réel.
La loi d'avril 2018 ne date pas d'hier. L’organisme qui a aidé à sa création, c’est la commission des jeux de hasard (CJH). Celle-ci date des années 1999. À l'époque, il faut savoir que tous les types de jeux de hasard sont formellement interdits et par conséquent illégaux en Belgique (paris sportifs, loterie, etc). Malheureusement, de plus en plus de jeux de hasard clandestins étaient organisés. C’est afin de réguler tout cela que la commission est née. Cette organisation a notamment participé à l’interdiction des publicités incitatives, mais aussi à la limite d’âge pour les loteries et les casinos, fixée respectivement à 18 et 21 ans dans le pays.
2018, année charnière
En Belgique, les « loot boxes » sont considérées comme des jeux de hasard et les titres qui les utilisent sont par extension illégaux. Mais, même si la loi n'est censée s'appliquer qu'aux mineurs, il est très difficile d'interdire quoi que ce soit pour une seule partie de la population, surtout lorsqu'il s'agit de jeux vidéo sur téléphone, tablette ou encore PC. La Belgique, ne disposant ni des technologies ou des moyens nécessaires pour vérifier systématiquement l'âge de chacun, a préféré appliquer l'interdiction à tous les habitants, quelque soit leur âge. La commission des Jeux de Hasard (CJH), qui cherche à protéger les joueurs mineurs du pays de ces machines à sous, a également décidé de prioriser le dialogue au lieu de démarrer des poursuites judiciaires envers les entreprises de jeux vidéo, déjà très ancrées en Belgique. Par conséquent, plusieurs jeux particulièrement connus ont dû modifier leur fonctionnement.
Quelques victimes de 2018
Overwatch premier du nom a par exemple dû revoir entièrement sa copie, passant d'un système de loot box à acheter avec de l'argent réel à un "casino" gratuit via des missions. Mais certains jeux en ont décidé autrement, comme la licence FIFA, désormais appelée EA sports FC. L'éditeur du jeu a simplement décidé de supprimer les achats en ligne depuis la Belgique. Seul un VPN pourra permettre aux joueurs de ce pays d'acheter des loot boxes, ici sous forme de paquets de cartes, au coeur du mode Ultimate Team.
Pour se conformer à la loi Belge, deux autres solutions existent, mais elles sont un peu plus extrêmes. L'une d'entre elles consiste à interdire le téléchargement du jeu dans tout le pays. C'est ce qu'il s'est passé pour Lost Ark, sorti en 2022. Malgré les plaintes, le jeu n'a pas été modifié et a été interdit en Belgique comme au Pays-Bas. L'autre et dernière option est encore plus simple, mais onéreuse. Il suffit de ne pas modifier son jeu mais de payer une amende de 800 000 euros. Rocket League (pour ne citer que lui) fait partie de ceux qui ont fait ce choix, permettant aux Belges de continuer à acheter des loot boxes.
Des gachas protégés ?
Pourtant, certains "gachas" excessivement connus (où le principe de loot box est au coeur de l'expérience) ont réussi à contourner la loi Belge, sans pour autant tomber dans la fraude ou l’illégalité. L’un de ces jeux est Genshin Impact. Phénomène mondial du jeu vidéo depuis la pandémie, celui-ci ramène énormément d’argent chaque mois à son développeur, Hoyoverse. Il a généré 68 millions de dollars en mars 2024, faisant de lui le deuxième jeu mobile le plus rentable du mois. Nous sommes en droit de nous poser la question : est-ce que les Belges ont participé à cet exploit ? La réponse est oui, car Hoyoverse a trouvé des solutions pour prospérer dans le pays, sans payer d'amende ou modifier sa poule aux oeufs d'or.
Et par quelques idées, il s’agit en réalité de deux. La première : une monnaie de transition. Dans la plupart des jeux, nous achetons directement la loot box qui nous intéresse. Mais dans Genshin Impact, nous achetons des cristaux spéciaux qui peuvent servir à tirer un prix au sort ET également (et c'est là le plus important) des packs pour améliorer nos personnages ou divers objets. À titre de comparaison, lorsque vous allez dans un casino, c'est comme si vous ne mettiez pas directement vos pièces dans la machine et que vous achetiez d'abord un jeton valable pour un ensemble d'activités.
Grâce à cela, l’argent réel ne sert pas uniquement la dimension aléatoire du jeu. Donc puisque le jeu ne vend pas que du hasard, celui-ci rentre dans une zone floue que la loi ne couvre pas vraiment. Des jeux comme Fire Emblem Heroes ou encore Final Fantasy : Ever Crisis ne possèdent pas ce système d'achat plus polyvalent et sont impossibles à télécharger en Belgique.
Une subtilité capitale
La seconde idée, plus complexe, concerne la notion même d'aléatoire dans les loot boxes. En effet, un système est en train de se démocratiser dans un grand nombre de divertissements : la "Pity". Elle permet aux joueurs d'obtenir quelque chose de très (très) rare de manière garantie, après un certain nombre de tirages au sort. Ce nombre varie en fonction des jeux, et peut même changer au fil du temps via des mises à jour. Pour la loot box la plus importante de Genshin, lors du 80ème tirage, vous avez par exemple 100% de chance de tomber sur un personnage 5 étoiles (les plus rares). Le reste du temps, vous avez seulement 0,6% de chance. À noter qu'il y a plusieurs loot boxes, ici appelées les "Bannières", qui possèdent chacune une Pity spécifique.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'avec la Pity, Genshin "casse" l'aléatoire de la loot box en assurant aux joueurs d'obtenir, après un certain nombre de tirages, le personnage ou l'objet dont ils rêvent. Et de ça découlent deux avantages : ça devient légal aux yeux des autorités Belges (ce n'est pas systématiquement de l'aléatoire pur et dur) et, surtout, ça en fait un système plus incitatif que la moyenne. Car oui, si vous êtes à 20 tirages d'atteindre le 100% de chance d'avoir du cinq étoiles, vous allez bien remettre une pièce dans la machine ? D'ailleurs, pour reprendre l'exemple cité plus haut, 80 tirages ne vous garantit pas de décrocher le personnage ou objet phare mis en avant sur chaque Bannière. Une fois à 80, vous avez une chance sur deux : ce sera soit le gros lot, soit un autre héros ou item 5 étoiles. En revanche, si vous tentez 160 fois votre chance, alors vous serez sûr et certain d'avoir la récompense ultime.
Cela brise complètement le côté aléatoire des jeux de hasard ! Vous imaginez si vous étiez sûr à 100% d'obtenir le jackpot au casino après avoir tourné la roulette un certain nombre de fois ? Ou après tel nombre de parties de poker ? Eh bien, c'est ce système-là qu'Hoyoverse a choisi pour ses jeux. Toutes ces subtilités, naturelles pour les joueurs de ces titres, ont permis à l'entreprise chinoise de contourner les lois belges et hollandaises. Son dernier titre, Honkai Star Rail, applique d'ailleurs ces systèmes savamment pensés et est, lui aussi, disponible en Belgique et aux Pays-Bas.