Le 2 avril 1994 sortait au Japon un épisode qui allait marquer durablement la saga Final Fantasy. Trente ans après, cet opus reste plus culte que jamais et surtout immortel par la justesse de son gameplay et de son histoire. Joyeux anniversaire, Final Fantasy VI.
Lorsqu'on demande à un fan de Final Fantasy quel est son épisode préféré, ce sont souvent les mêmes noms qui ressortent. La majeure partie du temps, Final Fantasy VII et Final Fantasy X reviennent sans trop de surprises, car ils ont été le premier contact avec la série pour de nombreux joueurs, surtout en Occident.
Pourtant, ces épisodes ont leurs détracteurs et ne font pas toujours l'unanimité à propos de tel ou tel point. En revanche, s'il y a bien un opus qui met tout le monde d'accord et qui ressort quasiment systématiquement lorsqu'on demande de faire un top 3 des meilleurs FF, c'est bien Final Fantasy VI. En ce 2 avril 2024, le titre de Square Enix fête ses trente ans et c'est l'occasion idéale de revenir sur ce qui rend ce volet si unique, au point d'avoir un statut inégalable dans la saga.
Voir Final Fantasy VII Rebirth sur Amazon
Le dernier développement paisible d'un Final Fantasy
Pour bien comprendre à quel point FFVI est important, il est nécessaire de remettre les choses dans leur contexte. Au début des années 90, Final Fantasy est déjà une série populaire et bien installée. Avec l'arrivée de la Super Famicom, Squaresoft va offrir à la console de Nintendo d'excellents jeux de rôle. Tout d'abord, Final Fantasy IV marque un tournant par la saga avec l'introduction de la jauge ATB qui bouleverse les combats qui passent du tour par tour au temps réel. Dans la foulée, Final Fantasy V reprend cette mécanique pour la combiner avec un système de jobs encore plus poussé que Final Fantasy III. Grâce à ça, le jeu est devenu l'un des épisodes préférés des joueurs japonais, que l'on n'a malheureusement pas connu chez nous à l'époque. C'est donc fort de sa popularité et dans un contexte qui lui est très favorable que débute la production de FFVI.
Pour sûrement la dernière fois de la saga, Final Fantasy VI a eu droit à un développement sans problème majeur, ce qui est suffisant rare pour être souligné. Il faut dire que comparé aux épisodes précédents, celui-ci a bénéficié d'une équipe d'environ 50 à 60 développeurs, ce qui est énorme pour un jeu de la Super Famicom. Et pourtant, la production était tellement dans les temps et dans leur budget que l'équipe a décidé d'ajouter au dernier moment le World of Ruin, ultime partie du jeu avant le boss final qui n'était pas prévu au départ. Aujourd'hui, on imagine mal FFVI sans cette section crépusculaire qui donne une aura unique à l'expérience. Pour autant, ne vous trompez pas, le développement n'a pas été une promenade de santé puisqu'il a fait l'objet de longue période de crunch, surtout vers la fin de la production à cause des nombreux bugs qu'il a fallu retirer. Mais si cet épisode marque un tournant dans la saga d'un point de vue du développement, puisque la plupart des opus suivants auront des gestations compliquées, FFVI est aussi un changement majeur au niveau de la direction de la série.
Final Fantasy VI est le premier volet de la franchise à ne pas avoir été directement réalisé par Hironobu Sakaguchi, son créateur. Certes, il reste très impliqué dans son rôle de producteur, mais c'est un certain Yoshinori Kitase, alors field planning et scénariste sur FFV, qui va le remplacer dans la chaise du réalisateur. C'est à partir de ce moment-là qu'il prendra de l'importance au sein de la saga, étant par la suite réalisateur de FFVII, FFVIII et FFX, puis producteur des FFXIII et du projet de remake de FFVII. Autant dire que Kitase est devenu une figure incontournable de la série à partir de Final Fantasy VI et qu'au moment de son départ, Hironobu Sakaguchi l'a en quelque sorti désigner comme "héritier" légitime. Mais ce n'est pas le seul qui a pris du galon avec cet épisode, puisque Tetsuya Nomura, le character designer iconique de la franchise, a aussi commencé à prendre en importance avec FFVI. En plus de sa patte, l'artiste s'est occupé du développement de certains personnages et donc du scénario, chose dans laquelle il sera encore plus impliqué pour l'épisode suivant. Et justement, s'il y a bien un point par lequel brille FFVI, c'est son histoire et ses personnages.
Final Fantasy VI, une collection de moments cultes
Final Fantasy VI nous présente un monde où la magie n'existe plus suite à une terrible guerre tandis que la technologie prend de plus en plus d'importance, notamment sous l'impulsion d'un Empire aux volontés expansionnistes. C'est dans ce contexte que l'on va suivre un groupe de résistants qui vont faire face à cette menace, ce qui va évidemment les conduire à sauver le monde. Sur le papier, le scénario de FFVI est assez classique, avec une confrontation entre un Empire et des rebelles, chose que l'on voit régulièrement depuis FFII. Mais en réalité, c'est surtout par ses moments et ses personnages que cet épisode se démarque des autres.
Si le tout réussi à être cohérent grâce au travail de Sakaguchi et Kitase, Final Fantasy VI est surtout une collection de passages forts et variés qui ont conféré un statut culte à cet opus comme le château de Figaro, l'empoisonnement de Doma, les souvenirs de Terra et évidemment la scène de l'opéra, moment le plus iconique de cet épisode. Ces séquences sont d'autant plus marquantes qu'elles passent par le prisme du gameplay. Si l'opéra demande aux joueurs d'apprendre le texte et les déplacements, le temps mort obligatoire à la fin de la Forêt des illusions est une brillante idée pour représenter le deuil de Cyan suite aux décès de sa famille. Et puis, que dire de la tentative de suicide de Celes qui reste l'un des moments les plus forts du jeu, à la fois car il représente parfaitement le désespoir de la situation, mais aussi parce qu'il s'agit d'un acte que l'on ne voit quasiment jamais de la part d'un personnage principal dans un jeu vidéo. D'ailleurs, ces moments ne seraient pas si forts si le travail sur les protagonistes n'était pas aussi soigné.
Final Fantasy VI marque un tournant pour la saga car il est le premier à proposer un personnage principal féminin... mais cette affirmation est fausse. Certes, Terra figure sur la jaquette et le logo du jeu, c'est le premier personnage que l'on contrôle et pourtant, on ne peut pas dire que FFVI a un "personnage principal" et c'est bien sa grande force. En réalité, Final Fantasy VI nous fait suivre un groupe de protagonistes, la Résistance face à l'Empire, dans lequel la majeure partie des membres sont tous aussi importants les uns que les autres. Terra, Locke, Edgar, Sabin, Cyan, Celes, Setzer : difficile de dire entre toutes ces figures laquelle sort le plus du lot tant ils ont tous droits à leur quart d'heure de gloire. Et même si certains sont plus mis de côté que d'autres comme Gau, Relm ou Strago, FFVI donne vraiment la sensation d'incarner un groupe de personnages où chacun apporte quelque chose à l'ensemble. Et c'est d'autant plus vrai que cela traduit dans le gameplay.
Le joyau du jeu de rôle de l'ère Super NES
Dans Final Fantasy VI, chaque personnage a une "classe" qui lui est imposé, mais qui lui donne accès à une jouabilité unique. L'exemple que l'on cite toujours, c'est évidemment Sabin qui correspond à un moine, mais dont les techniques demandent d'entrer une série de touches pour être activé, exactement comme dans un jeu de combat. Ainsi, chaque personnage a sa particularité et surtout des mécaniques bien pensées ce qui leur confère un charme unique. Cependant, il est tout de même possible de leur faire apprendre des magies grâce aux Espers que l'on débloque dans la seconde partie du jeu. Tout cela mis bout à bout donne lieu à l'un des meilleurs gameplays de la série par son inventivité et sa variété. Pour cette raison, FFVI est souvent qualifié d'un des meilleurs jeux de la Super Famicom et c'est encore plus vrai d'un point de vue technique.
Si la saga Final Fantasy rime avec graphismes impressionnants dans la tête du grand public, ça n'a pas toujours été vrai. Durant l'ère Super Famicom, on ne peut pas dire que la franchise brillait visuellement jusqu'à l'arrivée de FFVI. Final Fantasy IV était un jeu aux graphismes Famicom porté sur Super Famicom tandis que Final Fantasy V s'en sortait mieux, notamment au niveau de ses sprites, même si certains environnements restaient sommaires. Mais avec Final Fantasy VI, Squaresoft a mis le paquet pour proposer l'un des plus beaux jeux de la console, si ce n'est le plus beau. C'est simple, toutes les textures sont hyper détaillées et profitent d'un pixel art d'une grande finesse, chose que l'on retrouve aussi pour les sprites des ennemis. Les personnages gagnent également en expression grâce à des animations supplémentaires par rapport aux opus précédents. Ainsi, Final Fantasy VI pousse la Super Famicom dans ses derniers retranchements et cela se ressent même jusqu'aux musiques.
Comme la majeure partie des jeux de la franchise, on retrouve évidemment Nobuo Uematsu aux musiques de Final Fantasy VI. Avec cet épisode, le compositeur a relevé de nouveaux défis en composant un opéra pour la séquence du même nom avec Celes, mais aussi en créant un morceau de plus de dix-huit minutes pour le combat final. Au-delà de ça, puisque tout FFVI repose sur ses nombreux personnages, chacun a droit à un thème iconique pour les rendre encore plus identifiables et attachants pour les joueurs. En même temps, il y a de quoi être surpris de voir Shadow, un ninja, avoir droit à un thème inspiré des westerns spaghetti. Même en termes de sonorité, on sent une véritable expertise de la puce audio de la console vu que tout sonne bien moins électronique que sur les premiers FF sur Famicom. En résulte l'une des meilleures bande-son de la franchise, ni plus, ni moins.
Pour les trente ans, un remake de Final Fantasy VI ?
Au-delà de toutes les qualités qu'on vient de vous citer, ce qui fait que Final Fantasy VI est un jeu aussi culte c'est d'être à la fois le meilleur représentant de son époque tout en marquant la fin d'une ère, puisqu'il est le dernier épisode de la série en pixel art et à sortir sur une console Nintendo. Même trente ans plu stard, FFVI continue de faire parler lui. La preuve, le titre est ressorti dans une version remise au goût du jour avec la collection Final Fantasy Pixel Remaster ce qui reste le meilleur moyen d'en profiter et de le découvrir aujourd'hui. Et si Final Fantasy VI revenait en grande pompe ?
Dans le cadre de la promotion de Final Fantasy VII Rebirth dont il est producteur, Yoshinori Kitase est revenu sur l'hypothèse d'un remake de Final Fantasy VI similaire à celui de FFVII. Pour son réalisateur de l'époque, un tel projet prendrait 20 ans tant le travail est colossal pour adapter ce jeu de l'ère Super Famicom avec nos codes actuels. Cependant, on peut imaginer une autre forme remake que celui de Final Fantasy VII Remake et Rebirth avec leur formule de AAA et leurs graphismes réalistes. Depuis plusieurs années maintenant, les rumeurs autour d'un remake de Final Fantasy IX se font de plus en plus pressantes et semblent indiquer que le projet serait plus proche du matériau de base, ce qui demande un travail moins conséquent. Alors pourquoi ne pas imaginer un remake de Final Fantasy VI en HD-2D à la Octopath Traveler comme Dragon Quest III HD-2D Remake ? Seul le temps nous le dira. En attendant, joyeux anniversaire à Final Fantasy VI, à jamais immortel.