Longtemps obnubilée par la 3D stéréoscopique, la firme de Kyoto a failli vivre un cauchemar quand elle est enfin parvenue à exaucer son rêve. Avec la 3DS, Nintendo dispose d’une machine longtemps désirée offrant une 3D “en relief” spectaculaire sans compromis technique. Mais quand la console portable arrive dans les boutiques, les joueurs détournent le regard. Les parents de Mario prennent alors des décisions drastiques.
Sommaire
- 3DS : des promesses qui dépassent les bornes… de l’écran
- Pas de précipitation sur le relief
- Nintendo ne casse pas la baraque, mais le prix
- 3DS, 2DS, 1DS… SWITCH !
3DS : des promesses qui dépassent les bornes… de l’écran
Plusieurs mois avant sa révélation officielle, celle qui doit succéder à la populaire Nintendo DS – et à tous ses modèles – fait parler d’elle dans les sites web du monde entier. Dès la fin de l’année 2009, certains sites et journaux spécialisés assurent que c’est Nvidia qui s’occupe de son microprocesseur. Il faut attendre le mois de juin 2010 pour s’apercevoir que cette piste est fausse, quand bien même un prototype signé par le géant de la technologie aurait bien existé. Il se murmure aussi que cette mystérieuse portable aurait, à l’instar de sa grande sœur, deux écrans, dont un tactile. Ce concept qui a fait le charme de la Nintendo DS semble être la chasse gardée du constructeur nippon. Peut-il en être autrement ? Avec plus de 125 millions d'exemplaires vendus au moment de la propagation de ces rumeurs, la Nintendo DS vient de dépasser les ventes de la Game Boy (118 millions) et s’apprête à rattraper une PlayStation 2 en tête du classement (144 millions). Il serait inconscient de réinventer une roue qui ne tourne que trop bien.
Officialisée le 23 mars 2010 dans un communiqué de presse, la future console portable de Nintendo a un nom, la 3DS, et elle sera capable d’afficher de la 3D stéréoscopique sans que l’utilisateur n’ait à porter de lunettes ! Ce qu’il faut se remémorer, c’est qu’à cette période, la 3D “en relief” est à la mode. Pour rappel, sorti à la toute fin de l’année 2009, le long-métrage en 3D Avatar (de James Cameron) provoque un raz-de-marée historique dans les salles obscures et propulse cette technologie sous le feu des projecteurs. Dans les mois qui suivent, les constructeurs de téléviseurs lancent des modèles d’écrans 3D adressés au grand public que les magasins n’hésitent pas à exposer afin de provoquer le “wow effect”. En 2010, la 3D stéréoscopique est partout, et tout indique que Nintendo a misé sur le bon cheval pour convaincre à la fois les joueurs et les technophiles.
Présentée au monde entier lors de la conférence E3 de Nintendo du 15 juin 2010, la petite console fait forte impression. Les journalistes qui réussissent à s’en approcher sont bluffés. Avec sa petite taille, sa rétrocompatibilité, son poids plume, son accéléromètre/capteur gyroscopique, sa caméra autorisant des expériences en réalité augmentée et son StreetPass (échange de données à distance, même quand la console est en veille), la 3DS a, de l’avis de tous, tout pour s’imposer. Il y a néanmoins un acteur majeur de l’industrie qui est dubitatif : Sony. Chez IGN, John Koller, le chef du marketing et du hardware de la firme aux Etats-Unis, estime que malgré un concept “intéressant”, la 3DS va se heurter contre un mur démographique. “Des enfants de 8 et 9 ans jouant en 3D, c'est un peu exagéré compte tenu de l'état actuel de nos recherches” lâche-t-il. La 3D stéréoscopique serait-elle mauvaise pour les enfants ? L’idée commence à germer.
La 3D est un sujet important pour nous, elle a un attrait universel. Nous avons fait de nombreuses tentatives jusqu'à présent. Nous avons essayé à l’époque de la NES puis avec la Virtual Boy, mais même après cela, nous avons tenté de faire de la 3D à plusieurs reprises, bien que ces tentatives n'aient pas été annoncées. Nous espérons que cela fonctionnera cette fois-ci. Shigeru Miyamoto et Satoru Iwata, Iwata Asks, juin 2010
Pas de précipitation sur le relief
Pour monsieur et madame tout le monde, la 3DS ne ressemble qu’à une simple évolution de la DS. Le gabarit de la console se rapproche de celui d'une DSi, avec 13 petits grammes en plus et surtout deux écrans de dimension différente. Celui du haut, qui affiche une résolution de 800x240 (400 pixels par œil pour la 3D) est environ 15 % plus grand que celui du bas. La nouvelle console a aussi un stick analogique au-dessus de la croix directionnelle. Le design de la machine fait donc penser à nouveau modèle de DS, DS qui seulement 10 petits jours avant l’annonce de la 3DS (en Europe) accueille un nouveau membre dans la famille avec la DSi XL.
Les joueurs ont-ils pensé que la 3DS n'était qu’un nouveau modèle de DS ? Lorsque la machine sort officiellement au cours du premier trimestre de l’année 2011, c’est la douche froide pour la firme de Kyoto. Que ce soit au Japon, en Amérique du Nord ou en Europe, les chiffres se révèlent être sous les objectifs initiaux fixés par l’entreprise. En effet, 3,61 millions d’unités sont vendues durant les premières semaines, alors que le groupe comptait atteindre les 4 millions. Le patron de Nintendo évoque alors les effets du tremblement de terre qui a secoué le Japon en mars 2011, mais aussi le fait que certains joueurs condamneraient à tort la console sans avoir pris le temps de l’essayer dans de bonnes conditions.
Les débuts compliqués du hardware conçu par les parents de Mario sont en fait engendrés par une multitude de causes. Il y a tout d’abord des doutes sur l’identité de la console (nouveau modèle de DS ? Vraie nouvelle machine ?), l’autonomie loin d’être fameuse, mais aussi le fait qu’il soit difficile de “vendre” l’effet 3D dans les publicités. En outre, l’argument principal de la machine – la 3D stéréoscopique – est rapidement pointé du doigt par des parents inquiets de voir leur progéniture se casser les yeux. À la suite de plusieurs mises en garde, Nintendo est contraint d’avertir les parents de ne pas laisser leurs enfants de moins de six ans s’amuser avec l’effet 3D activé. On a connu mieux comme publicité ! Heureusement, il est possible de retirer le relief grâce à un curseur situé sur le côté de la bête.
La portable arrive également sans killer-app, sans Mario/Luigi, sans Zelda, quand bien même le remake d’Ocarina of Time aurait été annoncé. Mais surtout, les temps ont changé depuis les ventes insolentes des Game Boy, Game Boy Advance et autres Nintendo DS. Un nouveau concurrent majeur est en train de s'immiscer dans toutes les poches de la population avec ses free-to-play dont tout le monde parle : le smartphone.
Nintendo ne casse pas la baraque, mais le prix
Vendue en France au prix conseillé de 249,99 euros (mais trouvable à 219,99 euros dans la plupart des grandes chaînes au moment de sa sortie), la nomade est chère, d’autant plus que les jeux coûtent entre 40 et 50 euros. Si Nintendo ne peut plus faire grande chose sur la 3D déconseillée aux plus jeunes, sur l’essor du smartphone, sur l’absence de titres majeurs et sur son nom qui peut porter à confusion, le géant japonais a d’autres cordes à son arc. Face à des ventes qui ne correspondent pas à ses espérances, Nintendo décide de rogner ses marges. Souvenez-vous, en 2002, Microsoft avait baissé le prix de la Xbox seulement cinq semaines après son lancement européen raté et avait fourni deux jeux pour dédommager les premiers acheteurs. La firme de Kyoto adopte la même stratégie.
Alors que certaines enseignes américaines multiplient déjà les offres promotionnelles sur la 3DS afin de combler les ventes mitigées, l’entreprise japonaise opte pour une baisse de prix officielle spectaculaire, moins de 5 mois après l’arrivée de la 3DS. Au Japon, la portable voit son tarif passer de 25 000 à 15 000 yens. Aux Etats-Unis et en France, la sanction est la même avec un prix passant de 249,99 à 169,99 dollars/euros. Afin de faire passer la pilule aux premiers acheteurs, la firme de Kyoto met au point “le programme ambassadeur”, permettant aux early adopters de bénéficier de deux fournées d’une dizaine de jeux chacune, à télécharger sur sa petite console.
10 jeux NES arrivent donc au mois de septembre 2011, avec Balloon Fight, Donkey Kong Jr., Ice Climber, Mario and Yoshi, Metroid, NES Open Tournament Golf, Super Mario Bros., The Legend of Zelda, Wrecking Crew et Zelda II : The Adventure of Link. Puis 10 jeux GBA apparaissent en décembre 2011, avec Fire Emblem: The Sacred Stones, F-Zero: Maximum Velocity, Kirby et le Labyrinthe des Miroirs, Mario Kart : Super Circuit, Mario vs. Donkey Kong, Metroid: Fusion, The Legend of Zelda: The Minish Cap, WarioWare, Inc. Mega Mini-Jeux, Wario Land 4 et Yoshi's Island: Super Mario Advance 3. Histoire de caresser les premiers acheteurs dans le sens du poil, Nintendo fournit également un “certificat ambassadeur” virtuel qui ne sert finalement pas à grand chose, sinon bénéficier d’une distinction. Dès la fin de l’année 2011, les ventes de 3DS décollent enfin. La baisse de prix ainsi que l'arrivée de gros jeux tels que Super Mario 3D Land et Mario Kart 7 lancent définitivement la machine.
3DS, 2DS, 1DS… SWITCH !
Au cours de ses années de bons et loyaux services, la Nintendo 3DS a connu plusieurs déclinaisons : Nintendo 3DS XL (juillet 2012), Nintendo 2DS (privée de l'effet 3D, octobre 2013), New Nintendo 3DS/New Nintendo 3DS XL (février 2015) et New Nintendo 2DS XL (juillet 2017). Du côté des jeux, les plus gros succès de la console sont Mario Kart 7 (18,71 millions), Pokémon X/Y (16,45 millions), Pokémon Soleil / Lune (16,18 millions), Pokémon Saphir Alpha / Rubis Omega (14,27 millions), New Super Mario Bros. 2 (13,34 millions), Super Mario 3D Land (12,70 millions) ou encore Animal Crossing : New Leaf (12,55 millions).
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Malgré une domination des smartphones et la sortie de la PlayStation Vita, la Nintendo 3DS est tout de même parvenue à se vendre à plus de 75 millions d’exemplaires. Certes, le score est moins incroyable que celui de la Game Boy (118 millions), la Game Boy Advance (81 millions) et la Nintendo DS (154 millions), mais il reste tout de même impressionnant compte tenu de l’évolution du marché. Pour le moment, la firme de Kyoto semble en avoir terminé avec les hardwares 100 % nomades, le groupe ayant rencontré un succès monstrueux avec le format hybride. Au moment où nous écrivons ces lignes, Nintendo a vendu plus de 139 millions de Switch dans le monde, ce qui fait de la console une des machines les plus distribuées de l’histoire du jeu vidéo.