Il m’aura fallu du temps mais j’ai enfin trouvé la réponse et une manière de consommer les jeux vidéo qui me sied le mieux. Une réflexion que j’ai entretenue avec moi-même pendant plusieurs années sur les jeux service. Et j’ai eu le déclic en en apprenant plus sur la philosophie de Nintendo.
Cet article est un billet d’opinion. Il est par nature subjectif et ne représente donc pas l’avis de la rédaction de JV.
Des GAAS relaxants et addictifs
Depuis plusieurs années, j’ai une relation de je t’aime moi non plus avec ce que l’on appelle les jeux en tant que service (ou GAAs en anglais). Ce sont des jeux, le plus souvent en ligne, qui renouvellent leur expérience avec du contenu et mises à jour réguliers. Parmi les plus connus, on peut citer Fortnite, Call of Duty ou encore League of Legends. Plus récemment, ce sont Suicide Squad, Helldivers 2 ou encore Palworld qui ont fait parler d’eux. En bref, ces jeux sont pensés pour divertir les joueurs sur le long-terme… voire jusqu’à l’éternité. Une manière pour les éditeurs de rentabiliser les coûts tout en fidélisant une base de joueurs. Ce ne sont plus les ventes de jeux qui importent, mais bien le nombre d’individus qui jouent.
Lorsque l’on est amateur de jeux vidéo, il n’est pas rare d’avoir un ou deux GAAS dans sa ludothèque. J’ai moi-même parlé en début d’année de mon jeu préféré de tous les temps qu’est World of Warcraft. J’y explique qu’il agit comme une sorte de jeu à tout faire, dans lequel je trouve la plénitude peu importe ce que j’y recherche. Une zone de confort virtuelle qui me soulage. J’ai pourtant une consommation intense du jeu : je peux y passer deux semaines d’affilée à base de dix heures par jour. Un comportement qui s’éloigne de celui qu’on trouve dans le mode de consommation d’un GAAS.
Pour parler à nouveau ce sentiment de confort que je peux avoir, c’est à n’en pas douter Hearthstone.qui fait office de candidat idéal tant il a rythmé mes journées. Le jeu de cartes développé par Blizzard (ceux-là même derrière World of Warcraft) m’a apporté, à plusieurs reprises, mon moment détente de la journée. Il faut dire qu’au-delà de la sensation d’être pénard en jouant à un jeu que je connais et qui me plaît, les injonctions pour y revenir sont nombreuses. Quêtes à faire chaque semaine voire chaque jour, événements limités ou cosmétiques à récupérer… La peur de louper un truc rôde inconsciemment dans les cerveaux.
Le GAAS, mauvais pour la santé
J’imagine que cette situation, beaucoup de joueurs la vivent. Certains l’assument, d’autres moins. J’ai pendant très longtemps fait partie de la première catégorie : pourquoi avoir honte de passer du temps sur un jeu vidéo que l’on aime après tout ? Toujours est-il que le cerveau humain a besoin d’être stimulé s’il ne veut pas dépérir et j’ai eu le sentiment qu’il fallait que je passe à autre chose. Non pas qu’Hearthstone m’a lassé : je pourrais y retourner avec plaisir à n’importe quel moment de l’année ! Mais c’est comme avoir à chaque repas ta nourriture préférée. Quand bien même cela te provoque du plaisir, on veut retrouver ce sentiment avec autre chose. L’envie de la découverte apparaît. Personnellement, c’est grâce à la philosophie de Nintendo que j’ai eu le déclic. Shigaru Miyamoto, l'une des figures célèbres de Nintendo (créateur, entre autres, de Mario et Zelda) explique pourquoi il ne veut pas faire de MMO :
Il y a quelques années, lorsque les MMORPG étaient à la mode, je ne voulais pas en faire un. Comme je me lasse facilement des choses, je ne veux pas continuer à créer un seul jeu.
Le sentiment du travail accompli. Mieux encore, celui du travail terminé. Sans que j’arrive à mettre les bons mots dessus, quelque chose m’a toujours gêné dans la consommation de GAAS. Ce sentiment de n’en jamais voir le bout. En réalité, ce type de jeux ne semble apporter aucune satisfaction particulière à personne. Que ce soit du côté des développeurs qui ne voient jamais la fin de leur projet et les empêchent de passer à autre chose. Idem pour les joueurs, enfermés dans une espèce de spirale isolante. Or, voir les crédits de fin qui déroulent sur son écran , ça provoque quelque chose. C’est le moment où l’on prend du recul, c’est le moment où l’on se donne un avis. C’est le moment où l’on va se regarder droit dans l’âme. Où l’on va être honnête en se posant la question “Alors, qu’est-ce que ça a provoqué chez moi ?” Et, quelque soit la réponse, c’est une partie de nous-même que l’on découvre. On est donc forcément changés. Souvent un peu, parfois passionnément. De quoi être dans un autre état d’esprit à chaque fois. Un sentiment que, personnellement, je valorise, et ne retrouve pas dans les GAAS.
Les propos de Shigeru Miyamoto sont aussi très intéressants parce qu’il s’en dégage une philosophie qui est mesurable. Depuis ses débuts avec le jeu en ligne (paru avec Mario Strikers Charged Football en 2006), Nintendo n’a jamais eu cette approche jeu-service. Oui, de nombreux titres Nintendo bénéficient de contenus supplémentaires. Mais ce sont des contenus supplémentaires qui viennent proposer une expérience en plus à un contenu qui est déjà fini. Ces DLC sont, eux aussi, considérés comme des produits finis. Ils sont, avec Nintendo, la matérialisation d’idées qui ne rentraient pas dans les jeux originaux. Une philosophie partagée par Hidetaka Miyazaki, le président de FromSoftware.
De manière paradoxale, c’est quelque chose qu’une partie des joueurs reprochent à Nintendo. Par exemple dans le cas de Smash Bros et de Mario Kart qui ne bénéficient pas de serveurs online à la qualité proportionnelle à l’amour que leur portent leurs communautés.
Avoir le cerveau oxygéné
Nintendo agit dans la lignée de ses idées depuis sa création en 1889 : c’est avant tout une entreprise créée autour d’un jeu de cartes et qui fait du jeu son principal business. Et on ne peut pas trop dire que ça lui porte préjudice. Il est le constructeur à avoir le plus de jeux vidéo s’étant distribués à plus de 20 millions d’exemplaires. La créativité semble ne jamais se tarir chez Big N. La preuve avec le merveilleux Super Mario Bros. Wonder. Une créativité qui vient d’un état d’esrpit rechargé régulièrement, ainsi que la possibilité de faire appel à de multiples cerveaux issus de projets différents.
C’est donc en observant l’application de cette philosophie, efficace au demeurant, que j’ai essayé de l’appliquer à moi-même. Adieu mon “moment Nutella” de la journée avec mes petites parties d’Hearthstone. Désormais, je me force à choisir chaque jour un autre repas sur la carte. De quoi pouvoir rattraper ma longue liste de jeux en retard. Grâce à ça, j’ai pu, à mon rythme, avec une session par jour, finir à 100% Hades et me rendre compte de ses faiblesse. Avec un niveau par jour, j’ai pu me rendre compte de l’excellence de Celeste et des chefs d’œuvre que sont les Bioshock (enfin, surtout le 1 en réalité). En somme, vivre des expériences toutes uniques qui arrivent à me changer.
Je n’ai donc plus qu’un seul plat à ma disposition mais un buffet à volonté. Pourquoi s’enfermer dans une seule zone de confort virtuelle quand on peut en découvrir plusieurs ? S’il y a bien un pouvoir que nous donne le jeu vidéo, c’est d’avoir plusieurs vies. Alors autant en profiter. Parce que c’est comme cela que l’on profitera du mieux de la nôtre.