Vous avez forcément déjà entendu parler de la fusion nucléaire. Ces réacteurs censés nous fournir l'énergie de demain sont loin d'être prêts et plusieurs défis majeurs se dressent face à la communauté scientifique. L'un d'entre eux se nomme tritium.
Le tritium et la fusion nucléaire : état des lieux
Dans la nature, le tritium est rare. Très rare. En effet, cet isotope radioactif de l'hydrogène peut se trouver dans les couches supérieures de l'atmosphère en raison de l'interaction entre les rayons cosmiques et les noyaux des gaz atmosphériques, mais cette production naturelle est très modeste. Pour être précis, moins de 10 kilogrammes sont produits chaque année dans l'atmosphère terrestre.
Vous vous en doutez, le tritium disponible sur notre planète n'est pas entièrement d'origine naturelle. Les essais nucléaires atmosphériques réalisés entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 1980 ont déversé quelques dizaines de kilogrammes de cet isotope dans les océans. Les réacteurs nucléaires de type CANDU, des dispositifs à eau lourde sous pression développés au Canada, en produisent également. Chaque réacteur de 600 MW génère environ 100 g de tritium par an, ce qui nous donne une production annuelle globale d'environ 20 kg.
L’Union Européenne forme une alliance de pays incluant la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée-du-Sud, la Russie et les USA sous la bannière ITER, ou Réacteur Thermonucléaire Expérimental International. Le centre de test se trouve en France, à Cadarache. Concrètement, le projet est de créer une alternative au nucléaire que l’on connaît en réalisant non pas une fission de noyaux d’atomes, mais, vous l'avez compris, une fusion de noyaux. Et les deux éléments aptes à cette fusion ne sont autres que le deutérium et… le tritium. Comme nous venons de le voir, le tritium est très rare, mais le peu de tritium accumulé dans le monde suffit pour que ce réacteur expérimental de fusion nucléaire dispose de ce dont il a besoin tout au long de sa durée de vie opérationnelle, d'environ quinze ans.
Une fois transformé en plasma et porté à plusieurs centaines de millions de degrés, la fusion de deux éléments dégage de l’énergie et cette énergie peut être convertie en électricité. Pour l'instant, la fusion nucléaire est loin d'être au point. Ceci étant dit, les scientifiques poussent déjà pour mettre sur pied un projet post-ITER, appelé DEMO. Le projet DEMO propose de dégager une puissance de 500 MW pendant 4 minutes, ce qui est équivalant aux centrales électriques d'aujourd'hui. Après DEMO, si tout se passe comme prévu par les ingénieurs, viendront les premières centrales à fusion commerciales. Problème : chacun de ces réacteurs du futur aura besoin de 100 à 200 kg de tritium par an, il est donc clair que nous allons avoir besoin de bien plus de matière que les 20 pauvres kilos produits chaque année sur Terre.
Une solution pour produire du tritium en grande quantité ?
Et si les futurs réacteurs de fusion nucléaires étaient capables de générer eux-mêmes tout le tritium dont ils auront besoin pour fonctionner ? Cette ambition folle est portée par la pupart des chercheurs qui bossent sur ces questions hautement techniques. Les réacteurs expérimentaux JET à Oxford, en Angleterre, et JT-60SA à Naka, au Japon, servent à tester cette nouvelle innovation. Si tout fonctionne comme prévu, l'approvisionnement externe en tritium sera minimal et limité à des moments très précis de la durée de vie des réacteurs à fusion nucléaire.
Très bien, mais comment est-il possible qu'un réacteur produise autant de tritium ? On vous explique. Sur le papier, ce que les scientifiques comptent faire est simple : ils placent du lithium dans le manteau qui tapisse l'intérieur de la chambre à vide du réacteur de fusion. Pour quoi faire ?
- L'un des sous-produits de la fusion nucléaire est un neutron libéré avec une énergie d'environ 14 MeV.
- Lorsqu'une de ces particules frappe un des atomes de lithium dans le manteau de la chambre, elle modifie sa structure.
- Cela produit un atome d'hélium, qui est un élément chimique inoffensif... et un atome de tritium.
Bien entendu, même si on peut résumer le procédé en 3 petits points, sa réalisation est extrêmement complexe. D'une part, il est essentiel que le taux qui relie les neutrons à haute énergie produits lors de la fusion et les atomes de tritium générés dans les parois de la chambre à vide soit idéal. D'autre part, il faut résoudre le problème du transport du tritium de l'endroit où il est généré à l'endroit où il sera consommé, ce qui n'est pas une mince affaire car c'est un gaz qui se disperse facilement, surtout à haute température. Croisons les doigts pour que la régénération du tritium dans ITER se passe bien.