Rappels autour de l'hydrogène et... de ses couleurs

Cet article est technique, alors commençons par rappeler certaines bases. L'hydrogène est l'élément le plus commun, le plus simple et le plus léger de l'univers. En raison de sa haute réactivité, il est cependant rarement obtenu et manipulé seul. En général, on combine l'hydrogène avec d'autres éléments pour former des composés tels que l'eau, les hydrocarbures et d'autres composés organiques et inorganiques.

L'hydrogène est également un vecteur énergétique, à ne pas confondre avec une source énergétique. Une source d'énergie comme le charbon, le pétrole, le gaz, l'uranium ou le soleil est une ressource naturelle exploitable dont la fonction est de fournir de l'énergie sous sa forme brute. Un vecteur énergétique comme l'air comprimé, le carburant, l'hydrogène ou l'électricité est une forme d'énergie déjà transformée qui permet le stockage et le transport de cette énergie.

En tant que bon vecteur énergétique, l'hydrogène s'insère parfaitement dans la quête contemporaine d'énergies alternatives. Ainsi, on extrait de hydrogène de différentes manières, certaines étant plus propres que d'autres. C'est ici qu'interviennent les couleurs de l'hydrogène. On classe l'élément par couleurs, en fonction de la matière première à partir de laquelle il est obtenu et des émissions de dioxyde de carbone associées à son extraction.

Du plus polluant au plus durable :

• Hydrogène noir ou marron : extrait en gazéifiant le charbon.
• Hydrogène gris : extrait par reformage du gaz naturel.
• Hydrogène jaune : extrait de l'eau par électrolyse, en utilisant de l'électricité provenant du réseau électrique.
• Hydrogène bleu : extrait du gaz naturel, mais contrairement à l'hydrogène gris, le CO2 généré pendant le processus est capturé, utilisé et stocké au lieu d'être libéré dans l'atmosphère.
• Hydrogène turquoise : extrait du gaz naturel, mais par un processus appelé pyrolyse du méthane, qui décompose le méthane en hydrogène et en carbone solide au lieu de CO2, évitant ainsi l'émission du gaz à effet de serre.
• Hydrogène rose : extrait de l'eau par électrolyse, mais en utilisant de l'électricité provenant de l'énergie nucléaire.
• Hydrogène vert : également extrait de l'eau par électrolyse, mais en utilisant de l'électricité provenant de sources renouvelables (énergie solaire, éolienne ou hydraulique). Il est produit de manière décarbonée.

Le type le plus commun et le plus économique est le gris, mais le monde entier se tourne vers l'hydrogène vert. C'est le grand pari de l'Union européenne, avec l'Espagne en tête de sa production. Nous avons collectivement besoin de l'hydrogène vert pour laisser derrière nous le gaz naturel, mais il y a un problème : il coûte huit fois plus cher.

Une nouvelle couleur de l'hydrogène monte en puissance

Dans la liste ci-dessus, il manque une couleur : le blanc. L'hydrogène blanc, parfois également appelé hydrogène doré, désigne l'hydrogène qui se trouve libre dans la nature. L'hydrogène blanc se forme par certains processus naturels, tels que la réaction de l'eau aux processus de serpentinisation dans les roches de la croûte océanique, la décomposition de certaines roches sédimentaires contenant du fer, l'électrolyse naturelle (appelée radiolyse) et la dégazéification du manteau terrestre.

Jusqu'à présent, on pensait que l'hydrogène pur à l'état naturel était extrêmement rare. Cependant, le Service géologique des États-Unis (USGS) prédit désormais qu'il y aurait jusqu'à cinq milliards de tonnes d'hydrogène naturel situées dans les profondeurs de la Terre. Selon Science, il y a suffisamment d'hydrogène naturel dans le sous-sol pour couvrir la demande humaine pendant des milliers d'années.

Bien évidemment, il y a un "mais". Pas de chance pour nous, la majeure partie de ces réserves est probablement inaccessible pour l'Homme. Néanmoins, une petite partie de ce trésor enfoui pourrait suffire à déclencher la fièvre de l'or de l'hydrogène blanc, car il est plus propre que le bleu et plus économique que le vert.

Des recherches sont en cours pour trouver des moyens d'extraire l'hydrogène naturel de manière économique et écologique. Les scientifiques pensent que nous commencerons à extraire de l'hydrogène naturel des accumulations peu profondes, telles que des couches imperméables de roche riche en fer à un ou deux kilomètres de la surface. En injectant de l'eau dans la roche, nous pourrions stimuler la production d'hydrogène, tout en profitant de l'énergie géothermique de l'eau chauffée qui remonte à la surface. De plus, si le dioxyde de carbone se dissout dans l'eau injectée, il pourrait réagir avec le magnésium et le calcium des roches riches en fer et rester piégé en permanence sous forme de calcaire. C'est donc une solution deux en un : produire de l'hydrogène et capturer du CO2 en même temps.

L'Australie du Sud est un endroit idéal pour chercher de l'hydrogène naturel. D'autres découvertes peuvent être fortuites, comme à Bourakébougou, un village du Mali, où un puits d'eau a commencé à émettre un gaz mystérieux. Ils se sont retrouvés sur une mine de 46 à 260 millions de tonnes d'hydrogène blanc. En France, une équipe partie à la recherche de méthane en Lorraine est tombée sur une grande poche d'hydrogène naturel. Bref, on en trouve de plus en plus, même chez nous.

Une entreprise espagnole espère puisée de l'hydrogène blanc dans les Pyrénées

Au milieu de tout ça, une entreprise espagnole cherche à prendre de l'avance. Dans les contreforts des Pyrénées, on sait qu'il existe des roches marines riches en fer qui se sont élevées lorsque la plaque ibérique a heurté la France, fermant l'océan qui les séparait il y a 65 millions d'années. La société Helios Aragón (filiale de British Petroleum et Axion) pense que les failles de la zone canalisent l'hydrogène depuis les profondeurs vers une couche de grès poreux à faible profondeur, recouverte d'une lutite dense.

Helios souhaite commencer ses prospections dès cette année pour extraire de l'hydrogène à partir de 2029, à condition que la supposée poche de gaz qu'ils recherchent existe. Le projet est basé sur un sondage de 1963 qui a trouvé de l'hydrogène naturel à Monzón (Huesca). Helios ne dispose pas encore d'autorisation environnementale pour son projet. La société a obtenu un permis pour rechercher des hydrocarbures en 2020, mais la loi sur le climat de 2021 a interdit cette activité. Alors prudence : l'accès à l'hydrogène géologique pourrait nécessiter la fracturation de couches de roche, comme le controversé fracking (qui nécessite des quantités importantes d'eau et entraine des risques de fuites de gaz nocifs et de micro-séismes). Néanmoins, Helios espère que la réglementation minière "se mettra à jour" et couvrira l'exploitation de l'hydrogène dès cette année.

Ian Munro, PDG de la société, pense que une fois le problème juridique résolu, le puits de Monzón sera le premier à produire de l'hydrogène naturel en Europe. Helios prévoit d'investir 900 millions d'euros et espère couvrir les dépenses à partir de 60 centimes par kilogramme ce qui est près de 4 fois moins cher que l'hydrogène vert.