À l'échelle du jeu vidéo, les MMORPG, pour jeu de rôle massivement multijoueur en ligne, sont un genre relativement récent. Contrairement à d'autres expériences, ils nécessitent un élément supplémentaire au-delà de leur support pour fonctionner : une connexion obligatoire. Pour se développer, il a fallu attendre qu'internet se démocratise dans les années 90 et que chaque foyer y soit connecté. C'est donc à partir de la fin des années 90 que les MMORPG gagnent en popularité, jusqu'à exploser avec le succès mondial de World of Warcraft.

Si le genre ne compte aujourd'hui que quelques gros mastodontes qui dominent le marché, certains titres fondateurs sont encore là, près de 30 ans après leur lancement. Parmi tous ceux jeux, quel est le plus vieux MMORPG encore actif ? Et surtout, comment fait-il pour survivre actuellement ? Et bien la réponse est bien plus compliquée qu'on ne peut l'imaginer.

Quel est le plus vieux MMORPG encore actif ? C'est compliqué...

En me demandant quel est le jeu de rôle massivement multijoueur en ligne le plus vieux toujours actif, je ne pensais pas que la réponse serait si difficile à trouver. En posant la question directement sur Google, un certain Furcadia ressort en premier dans les résultats. Comme on peut lire dès la présentation de l'article Wikipedia, il s'agirait du plus ancien MMORPG-social encore actif puisqu'il s'est lancé initialement le 16 décembre 1996 d'après le Guiness World Records. Cependant, quand on y regarde de plus près, le titre n'a pas grand-chose avec un MMORPG tel qu'on l'entend puisque la dimension jeu de rôle ne semble vraiment pas très prononcée par rapport au côté social. Du coup, il faut continuer à chercher.

Jusqu'à très récemment, j'aurais pu vous citer The Realm Online, lui aussi lancé en décembre 1996 et qui ressemble beaucoup plus à un MMORPG tel qu'on l'entend, avec des combats, des sorts et des quêtes. Malheureusement, le jeu a fermé ses portes il y a peu, le 30 juin 2023, après 27 ans de bons et loyaux services. Cherchons encore. Quand on pense à un vieux MMORPG, l'un des premiers qui vient en tête n'est autre que Ultima Online. Le titre est toujours actif et reste un pionnier du genre. Et pourtant, le jeu semble être coiffé au poteau de quelques mois par une expérience bien connue : Tibia. Si Ultima Online s'est lancé en septembre 1997, Tibia est sorti quelques semaines après The Realm Online, à savoir le 9 janvier 1997. Depuis, le titre est toujours mis à jour par CipSoft et poursuit son existence dans son coin. Mais ça ne s'arrête pas là.

En continuant à chercher, on peut trouver un certain Meridian 59 qui est disponible sur Steam et qui a été lancé pour la première fois le 7 octobre 1996. Au-delà du point de vue occidental, il faut noter l'existence de Nexus: The Kingdom of the Winds, un MMORPG coréen de Nexon qui s'est lancé le 5 avril 1996 en Corée, mais disponible en 1998 en Amérique du Nord. Et si on veut aller encore et toujours plus loin, on peut évoquer Neverwinter Nights de 1991 ou même d'Avalon en ligne depuis... 1989 ! Mais bon, ceux-là ne comptent pas vraiment, car le premier n'est jouable qu'à travers des serveurs privés, tandis que le second est plutôt un MUD textuel qu'un MMORPG. Par MUD, on entend multi-user dungeon, soit une version prototypaire du genre dont on parle aujourd'hui.

S'il est donc difficile de bien déterminer clairement quel est le premier MMORPG de l'histoire, il est plus intéressant de se demander comment font ces jeux qui ont plus de vingt ans d'activité pour fonctionner de nos jours, alors que la plupart des jeux services actuels ne tiennent que quelques années.

Mais quelle est la recette pour une telle longévité ?

Pour comprendre comment ces vieux MMORPG font pour tenir aussi longtemps, on va surtout s'intéresser au cas de Ultima Online qui reste tout de même le plus connu du lot et qui nous fournit donc le plus d'éléments de réponse. Tout d'abord, si le jeu perdure autant, c'est d'abord parce qu'il a marqué son époque à son lancement, ce qui lui a constitué une solide base de joueurs dès le départ. Pour beaucoup, il s'agissait de leur première expérience de MMORPG, à découvrir un monde persistent qui évolue même lorsqu'ils ne jouent pas et dans lequel ils peuvent interagir avec d'autres joueurs. Cela crée forcément un fort sentiment de nostalgie qui explique que certains premiers joueurs restent encore sur le jeu durant des années. Mais ce n'est pas tout.

Quand on regarde un peu sur internet, on remarque que les joueurs de Ultima Online saluent la liberté offerte par leur titre qui leur permet de se forger leur propre expérience, au lieu de la progression plus linéaire des MMORPG moderne. Cette façon de jouer plus organique passe également par le fait que l'économie du jeu occupe un rôle central dans l'expérience, car tous les objets du jeu peuvent être créés par d'autres joueurs et être revendus. Et pour ce qui est de Tibia, le côté hardcore et sans concession de l'expérience est aussi ce qui en fait le sucès. En d'autres termes, ce qui fait le charme de ses vieux MMORPG, c'est aussi qu'ils sont sortis avant World of Warcraft et qu'ils n'ont pas été autant formatés que ceux qui sont sortis par la suite. On retrouve une expérience à la fois plus simple dans ses mécaniques, mais également avec plus d'originalités sur certains aspects, ce qui explique leur popularité auprès d'un public bien spécifique.

Si on continue, on note aussi qu'Ultima Online met beaucoup l'accent sur les interactions entre joueurs, comme beaucoup de jeux de son époque. Ainsi, les utilisateurs ont tissé des liens au fil du temps avec de vraies personnes, ce qui finit par créer un attachement au titre, capable de dépasser les graphismes datés de l'expérience. De cette façon, le jeu devient plus qu'un jeu et se transforme en une plateforme pour retrouver ses amis en ligne, comme un réseau social avant l'heure. Mais ça ne s'arrête pas là. Plus on joue au jeu, plus d'investissement en temps et en argent est important puisque le titre possède un abonnement mensuel. Au bout d'un moment, on finit par être tellement investi qu'il devient difficile de décrocher du jour au lendemain. En plus de tout ça, il faut noter qu'en plus de vingt d'existence, Ultima Online a publié plus de 100 mises à jour qui apportent du gameplay, ce qui sollicite à constamment relancer l'aventure.

Jusque-là, on ne s'est intéressé que d'un point de vue des joueurs. Si ces derniers sont essentiels pour la survie d'un jeu, il est intéressant de se tourner du côté des développeurs pour comprendre pourquoi ils soutiennent un tel projet pendant aussi longtemps. En lisant les forums, il y a un élément auquel on ne pense pas et qui explique pourquoi autant de vieux MMORPG sont encore en ligne aujourd'hui. D'un point de vue purement technique, ces titres ont été développés sur des serveurs bien moins sophistiqués que ceux qu'utilisent les jeux plus modernes. L'avantage d'un poids de vue des développeurs, c'est que ces serveurs ne coûtent pas très chers à entretenir justement car leurs infrastructures sont très simples compte tenu de leur âge. C'est pour cette raison qu'il existe tant d'anciens MMORPG encore en ligne, et s'ils possèdent des abonnements, cela est d'autant plus rentable pour leurs créateurs.

Nostalgie, investissement, attachement émotionnel, originalité... Les raisons du succès durable des anciens MMORPG sont nombreuses et on remarque qu'elles inspirent les jeux les plus populaires de notre époque. Il suffit de voir le succès de World of Warcraft Classic et de Fortnite OG pour voir que la nostalgie reste un puissant moteur auprès des joueurs. Comme quoi, ces vieux MMORPG ont de beaux jours devant eux.