2023, c'est terminé. Après une année riche en jeu conclue par la cérémonie des Game Awards, l'année laisse sa place à 2024. Une période de transition qui permet, souvent, à de nombreux joueurs de revenir sur les 365 jours écoulés. Personnellement, c'est sur mon jeu préféré de tous les temps qu'une partie de ma réflexion personnelle s'est portée. Une interrogation qui peut paraître futile mais qui m'a permis de comprendre pourquoi ce jeu eut, a et aura une place spéciale dans mon esprit.
Cet article est un billet d’opinion. Il est par nature subjectif et ne représente donc pas l’avis de la rédaction de JV.
Il y a quelques jours, je partageais mon sentiment concernant la polémique stérile entourant le GOTY. Selon moi, il est trop difficile d’élire un jeu de l’année avec des facteurs prédéterminés. Ses ventes ? Ce n’est pas une garantie de la qualité du titre. Son influence ? Difficile de la mesurer moins d’un an après sa sortie. Son mérite ? Difficile, aussi, à mesurer. En plus, cela suggère que les autres concurrents méritent moins, voire, ne méritent pas du tout. J’avais alors conclu que le GOTY, c’était d’abord son GOTY à soi. Que finalement, peu importe le trophée : pourvu qu’on ait l’ivresse.
Si cette réflexion a peu évolué dans mon esprit, elle a eu le mérite de m’interroger. Outre mon jeu de l’année (nommé nulle part aux “Oscars” 2023 du jeu vidéo), quels sont les titres qui, au fil des ans, arrivent toujours à me surprendre ? Le corps embouteillé par les chocolats et poissons fumés des fêtes, j’ai pu dédier une grosse partie de mon énergie restante à cette question. S’il n’est pas seul à figurer parmi la liste (restreinte, je vous l’accorde), il est toujours le premier à me venir en tête et reste bien au-dessus de la mêlée. Depuis 2004, c’est World of Warcraft qui arrive systématiquement à me prendre aux tripes. Un fait d’autant plus avéré que je n’ai quasiment plus décroché depuis 2014 avec la sortie de Warlords of Draenor.
Inutile de revenir sur les qualités multiples du jeu. Elles seront différentes selon chacun, d’autant que World of Warcraft dispose de trois expériences bien distinctes entre World of Warcraft : Classic avec sa saison de la découverte ; World of Warcraft : Wrath of the Lich King Classic et World of Warcraft Retail (dont la dernière extension est Dragonflight). Il n’est donc pas question d’argumenter dans un débat sans fin quelle formule est la meilleure. Bien au contraire.
Un univers dans lequel on a envie de passer du temps
Le jeu de rôle massivement multijoueur (MMORPG) de Blizzard s’apprête à souffler sa 20e bougie d’anniversaire au mois de novembre. Depuis 2004, le monde d’Azeroth et au-delà séduit les joueurs et s’affirme comme l’un des jeux du genre les plus connus si ce n’est le plus joué en Occident. Il convient de prendre des pincettes quant à cette affirmation puisque Blizzard n’a jamais partagé les chiffres et bien que Final Fantasy XIV le conteste probablement efficacement depuis quelques années, WoW reste un expert en la matière.
Une base de joueurs colossale qu’il hérite en premier lieu de son univers. Le monde de Warcraft est créé bien avant WoW. Les jeux Warcraft sont d’abord des RTS, des jeux de stratégie en temps réel. Des références du genre qui a même donné vie à d’autres types de jeu : les MOBA comme peuvent l’être Dota 2, League of Legends, Heroes of the Storm ou encore Pokémon Unite. Mais s’ils existent, c’est aussi parce qu’ils sont inspirés par d’autres titres parus avant eux. Les développeurs de Blizzard se sont inspirés du jeu Dune 2 mais aussi de Warhammer, un univers de science-fiction créé dans les années 80. La patte esthétique des figurines de Games Workshop aurait servi d’inspiration pour l’équipe d’artistique. Difficile aussi de pas y voir une inspiration de l’univers de Donjons & Dragons ou d'œuvres littéraires comme Le Seigneur des Anneaux.
Warhammer et Warcraft : qui a plagié qui ?
En bref, World of Warcraft se base sur des décennies d’inspiration de science-fiction et de fantasy. Quelque chose qui se voit et qui se ressent dans l’écriture de l’univers. Il dispose d’un lore détaillé, où tout est souvent lié : la guerre des Anciens ; l’émergence du Fléau ; le conflit entre Primalistes et Dragons (Dragonflight). Il existe un casting colossal de personnages que l’on apprend, au fil des années, à aimer mais surtout à respecter. Difficile de ne pas comprendre la folie du dragon Malygos qui perd sa femme à la suite de la trahison d’un de ses meilleurs amis ; on partage aussi le désespoir du Titan Sargeras, envoyé (presque) seul repousser les lieutenants du Mal et qui finira corrompu... Pour peu que l’on s’intéresse un minimum à son histoire, le jeu nous le rend au centuple. Avec WoW, en apprendre plus, c’est avoir l’impression d’en savoir toujours moins. Encore plus fort et plus intéressant selon moi, absolument rien ne paraît manichéen. Quelque chose qui ne s’arrêtera pas, bien au contraire, avec la saga de l’Âme-Monde qui débute en 2024 avec l’extension The War Within. J’en suis convaincu.
World of Warcraft : ce que je veux, quand je veux
Ces intrigues se dénouent très souvent fil des raids : un type de contenu qui force les joueurs à coopérer qui est obligatoire pour quiconque veut suivre la campagne à travers le jeu. Si certains affrontements sont parfois chaotiques, il en résulte toujours le même sentiment une fois un boss vaincu pour la première fois : celui d’appartenir à l’histoire, d’avoir accompli quelque chose qui était plus grand que nous. Une sensation toujours impérissable plus de dix ans après avec un gameplay au service de la narration.
Mais si je prends toujours autant de plaisir à me renseigner sur les nouveaux tenants et aboutissants de l’histoire de WoW depuis maintenant dix ans, c’est aussi parce que le jeu arrive à rafraîchir l’intérêt que je lui porte. Pourtant, le cœur du gameplay a peu évolué depuis 2004 : il s’agit toujours, pour la majorité du temps, d’appuyer sur ses touches pour lancer sorts ou compétences afin de vaincre ses ennemis.
De fait, le contexte a changé au fil des années. World of Warcraft est plus accessible depuis l’ère Cataclysm / Mists of Pandaria. Les arbres de talents ont été allégés ; le système de compétences (armes à deux mains, défense, etc) simplifié ; le gain d’expérience revu… Des modifications qui n’ont pas été au goût de tout le monde (en témoigne l’émergence de serveurs officiels “à l’ancienne” depuis 2018) mais qui permettent de dynamiser l’expérience de jeu et de la rendre plus intéressante, pour moi, pour un même temps donné. À l’époque de Classic, il est par exemple impensable d’avoir toutes les classes du jeu au niveau maximum sans y investir des heures et des heures de jeu. On était alors contraint par manque de temps à dédier son expérience à travers un seul personnage. Or, au fil des extensions, chaque classe (voire chaque spécialisation) affiche vraiment un style de jeu qui lui est propre au niveau maximum. Je prends plaisir à papillonner et World of Warcraft le permet à plusieurs échelles mais surtout à celle la plus importante de toute : celle de mon humeur et de mes envies.
WoW, c’est une boîte à jouets qui me proposera toujours celui dont j’ai envie. Ambiance à ne plus voir la lumière du jour ? Je peux partir sur un personnage en particulier que je vais tâcher d’équiper des meilleures pièces d’équipements. Besoin de calme et de relaxation ? Je peux faire le tour des continents à la recherche des montures qui me manquent ; faire de la pêche ou encore réaliser des suites de quête que je n’ai pas encore terminées. Il existe une pléthore d’activités sur laquelle je sais que je peux me reposer, ce peu importe mon état d’esprit. Une philosophie que semble, en plus de cela, partager Blizzard. À chaque extension, un nouveau loisir s’est ajouté au lot. Les combats de mascotte à la Pokémon, la gestion d’un champ d’agriculture, une espèce de housing et plus récemment du vol à dos dragon que l’on peut comparer à un jeu de course… J'ai déjà hâte de voir ce que Blizzard réserve aux joueurs avec le Bataillon (espèce de hub porté sur les personnages secondaires) et le Gouffre !
WoW : le roi du jeu-service
Depuis 2017, le monde du jeu vidéo a vu l’émergence de nombreux jeux service (ou GAAS) : des titres qui essaient de retenir leurs joueurs au maximum au moyen de mises à jour apportant contenus divers et variés. Pour Fortnite, ce sont par exemple les collaborations (LEGO, The Witcher, Dragon Ball…) qui constituent des excuses pour les joueurs de revenir. Chez Apex Legends ou League of Legends, ce sont souvent les nouveaux héros jouables. Un choix qui a sa logique : les éditeurs dépendant de plus en plus de peu de titres, un jeu sur le long-terme avec du contenu inédit sera forcément plus intéressant à produire. Que ce soit d’un point de vue financier en termes de dépenses engagées ou de développer à fond une licence qui marche (Diablo 4 en est la démonstration).
Un procédé qui pullule alors sur le marché avec pour conséquences des joueurs qui ne savent plus où donner de la tête. De fait, les GAAS s’apprécient vraiment sur le long-terme et il est difficile de savoir quels sont alors les bons jeux sur lesquels investir notre temps. J’en viens à m’interroger, comme le formulait déjà mon collègue Carnbee il y a cinq ans, de la façon suivante : des jeux service au service de qui ? Une multitude de jeux service qui existe probablement à cause (ou grâce, c’est selon) des MMO dont WoW est le représentant depuis presque 20 ans maintenant. Le roi du genre reste probablement l’exemple à suivre. Il propose un contenu qui s’adapte à tout type d’expériences, dans un monde à l’histoire riche et faisant cohabiter tout genre de joueurs.
De par son expérience, chacun soulignera des qualités différentes pour World of Warcraft. Et c’est bien là sa qualité majeure : celle de s’adapter, en toute circonstance, aux envies changeantes de ses joueurs. Une vertue indispensable pour n’importe quel GAAS. En d’autres termes, World of Warcraft est une espèce de Metamorph du jeu vidéo, un jeu tout en un. À mon service, il continue de me proposer ce dont j’ai envie et me transporte, année après année. Et je suis sûr que ce n’est pas prêt de s’arrêter.