La cérémonie du Game Awards aura lieu dans la nuit du 06 au 07 décembre pour nous Français. Un rendez-vous annuel puisque, comme à la manière des Oscar, ce rendez-vous du jeu vidéo attribue le prix du jeu de l'année. En 2023, six titres sont nommés dont The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom. Une récompense qu'il ne mérite pas d'avoir selon moi.
Cet article constitue la vision de l’auteur. Il est par nature subjectif et ne représente en rien l’avis de la rédaction de JV.
En début de semaine, les rideaux ont été levés. La cérémonie annuelle des Game Awards, souvent étiquettée comme les Oscar du jeu vidéo, a dévoilé les jeux éligibles à un trophée à travers 31 catégories. À l’instar de l’Oscar du meilleur film ou de la palme d’or du festival de Cannes, les GA ont eux aussi une catégorie reine : celle du jeu de l’année, où GOTY pour Game of the Year. En cette année 2023, six jeux prétendent à la consécration ultime : Alan Wake 2, Baldur’s Gate 3, Marvel’s Spider-Man 2, Evil 4 : Remake, Super Mario Bros. Wonder et The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom.
Depuis lundi, cette sélection est source de nombreux débats et interrogations. C’est par exemple Hogwarts Legacy : l’Héritage de Poudlard qui brille par son absence totale des 31 catégories de la cérémonie. En tant que remake, Resident Evil 4 mérite-t-il vraiment sa place parmi les six finalistes ? Qui va s’approprier le graal ? À l’heure de répondre à cette question, trois titres émergent : Baldur’s Gate 3, Marvel’s Spider-Man 2 et Tears of the Kingdom. Et très honnêtement, je pense que Nintendo ne mériterait pas de gagner grâce à TotK.
De l’importance des Game Awards et de cette première phase de sélection
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Zelda Tears of the Kingdom reste un titre exceptionnel et qui, comme presque tous les épisodes de la série, vieillira très bien au fil des années. Néanmoins, sa victoire le 7 décembre serait synonyme de redite observée depuis 2014 au Game Awards : il est rare que le modèle du champion sorte du carcan triple A en monde ouvert mêlant aventure et action. Or, les Game Awards constituent probablement aujourd’hui la cérémonie la plus importante dédiée au jeu vidéo. Ce dernier s’est popularisé ces dernières décennies et même années, à la suite d’une crise sanitaire enfermant chez eux de nombreux individus. Le jeu vidéo prend de l’importance et se doit de varier ses sorties avec un panel de vainqueurs mais aussi de nommés différents.
À mon sens, c’est par ailleurs cette première étape de sélection qui est plus intéressante à commenter que les récompenses elles-mêmes. Cela permet de pointer du doigt les tendances générales, le problème du GOTY étant qu’il laisse dans les esprits qu’un seul titre alors que plusieurs ont coexisté pour la consécration finale. Quelque chose de particulièrement réducteur surtout lorsque l’on se rend compte à quel point 2023 a été une année extrêmement riche en sorties de jeux vidéo. Par ailleurs, aucun argument commercial ne rentre en compte sur le papier puisque ce sont uniquement les médias qui choisissent :
Les nominés dans la plupart des catégories des Game Awards sont choisis par un jury international. Il est composé de plus de 100 médias et influenceurs mondiaux, sélectionnés pour leurs antécédents en matière d'évaluation critique des jeux vidéo.
De quoi, a posteriori, expliquer l’absence de Hogwarts Legacy. 16 millions de ventes mais de manière générale, les médias spécialisés ne l’ont pas jugé suffisamment bon pour faire partie des six finalistes. Ils ont pourtant jugé bon d’intégrer Resident Evil 4 Remake dans leur liste, En bref, les six qualifiés font office de vitrine du jeu vidéo sur une année. Or selon moi, plus une vitrine est éclectique et mieux elle en fait sa promotion. C'est grâce à de la diversité que les idées germent et se répandent, pour fleurir des années plus tard sous la forme de nouveaux jeux excellents. Et pour moi, c’est Tears of the Kingdom qui promeut le moins cette vitrine vidéoludique en 2023.
Baldur’s Gate 3 et Super Mario Bros. Wonder : de la créativité en barre
Plus que de mériter vraiment le prix, Tears of the Kingdom est celui qui doit le moins poser ses mains sur le trophée pour éviter de répéter ce schéma de vainqueur identique année après année. Oui, les cinq autres nommés sont plus à même de faire du bien à l’industrie et je vais vous expliquer pourquoi pour chacun d’entre eux.
De manière évidente, Baldur’s Gate 3 de Larian Studio a mis un coup de pied dans la fourmilière. Si Larian Studio a profité d’un retour sur scène du jeu de rôle (avec la série Stranger Things ou encore le film Donjons et Dragons), il a réussi à attirer tout un public néophyte au genre. Au-delà d’une telle prouesse, le dernier-né du studio belge est l’exemple à suivre pour beaucoup tant il maîtrise les codes du genre des jeux qu’il développe. Par ailleurs, l’une de ses qualités est de prôner la créativité de ses joueurs. On recommande à chacun de vivre sa propre aventure puisqu’il est possible de quasiment tout faire. Plus que divertir, Baldur’s Gate 3 émule l’imagination et la spontanéité de ses joueurs. Quelque chose de fondamental pour moi dans le jeu vidéo que j’aborde plus en détail concernant l’un des mes jeux de l’année. En quelques mots, élire Baldur’s Gate 3 jeu de l’année serait saluer l’investissement colossal de Larian, souligner qu’il est possible de se spécialiser dans un type de jeu et réussir tout en mettant sur le devant de la scène la fonction primaire du jeu vidéo.
De la même manière, Super Mario Bros. Wonder serait également une formidable promotion du jeu vidéo. Voir du jeu de plateforme en 2D être élu jeu de l’année serait une véritable clé de bras aux anciens gagnants (à l’exception d’Overwatch et d’It Takes Two) tant il s’éloigne de leurs modèles. Ce serait aussi l’occasion de montrer que c’est toujours l’innovation qui prime quand il s’agit de Big N. Déjà en 2017 deux titres de la firme kyotoïte étaient en lice pour le GOTY avec Super Mario Odyssey et The Legend of Zelda : Breath of the Wild. Si le plombier avait tiré son chapeau en 2017 (de manière tout à fait légitime), c’est cette fois Link qui doit rendre les armes face à Super Mario Bros. Wonder. Sans épiloguer, Super Mario Bros. Wonder rafraîchit avec maîtrise la formule du jeu de plateformes en 2D là où TotK s’appuie justement sur une recette qui a fait ses preuves.
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De l’importance des studios, de la variété et des remakes
Je vous l’accorde, c’est quelque chose de difficile à défendre surtout lorsque Marvel’s Spider-Man 2 fait également partie des nommés. Après Marvel’s Spider-Man en 2018 et Marvel’s Spider-Man : Miles Morales en 2020, Insomniac Games continue de faire cravacher les hommes-araignées de New York avec un second opus. Il faut dire que les épisodes précédents sont des succès critiques et publics. Un succès qu’on observe sur la licence de cœur du studio avec la sortie de Ratchet & Clank : Rift Apart en 2021. Sauf qu’aucun de ces titres n’a été récompensé, synonyme de 0/13 (6 nominations en 2018, 1 en 2020 et 6 en 2021 pour Insomniac). Ils sont pourtant pétris de qualités et permettent, à l’instar de Baldur’s Gate 3, d’émuler les joueurs avec leurs titres parc d’attractions. En bref, Spider-Man 2 en GOTY ne serait pas le plus beau croche-patte à l’industrie mais permettrait de saluer Insomniac pour leurs efforts et leur vision grand public du jeu vidéo. De quoi surtout mettre en avant leur nom plus que les jeux qu’ils développent.
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Quelque chose que l’on retient déjà avec Alan Wake 2. Le jeu de Remedy arrive avec une proposition forte : celle du “jeu d’auteur” qui dépasse les frontières du jeu vidéo’’”. À l’instar d’un Death Stranding de Hideo Kojima, à un degré moins prononcé, il s’éloigne de manière assumée des standards du jeu vidéo. Encore avec lui, le nommer GOTY serait le témoin d’une évolution de l’industrie, qu’elle est capable de varier ses propositions et que ses joueurs ne se cantonnent pas aux productions issues d’un seul et même moule.
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À travers les nommés précédents, j’ai appuyé mon argumentaire sur l’idée d’avancer, d’évoluer, de découvrir systématiquement autre chose et ne pas se limiter à un seul et même type de jeux. Quelque chose dont on pourrait penser que Resident Evil 4 : Remake fait voler en éclat. Après tout, il n’est que la mouture modernisée d’un jeu qui à l’époque avait séduit bon nombre de joueurs. Toutefois, plusieurs arguments peuvent aller en sa faveur au moment hyopthétique de sa victoire finale. Tout d’abord parce que le remake est une manière de créer, parfois risquer qui plus est. Parlez en à Blizzard qui s’est cassé les dents avec Warcraft 3 : Reforged avant de livrer Diablo 2 : Resurrected. Plus récemment, on peut aussi mentionner le remaster problématique de Tales of Symphonia ou la compilation légère des Metal Gear Solid.
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Bref, c’est un exercice risqué qui peut toutefois faire beaucoup de bien à l’industrie. L’un des meilleurs exemples restent Final Fantasy VII Remake qui arrive parfaitement à jongler entre tradition et modernité sans trahir l’esprit du jeu original. Outre Resident Evil 4 cette année, ce sont par exemple Metroid Prime Remastered, Super Mario RPG Remake ou encore Star Ocean : The Second Story R séduisent aussi. S’il est légitime d’être mécontent concernant des versions remises au goût du jour ratées, il est important d’être enthousiaste quant à leur bonne qualité. Remettre sur le devant de la scène des titres cultes permet parfois de les rendre accessibles à tous (par exemple, Super Mario RPG n’avait jamais été localisé ailleurs qu’au Japon). Par ailleurs, et c’est probablement ça le plus important, cela permet de se rappeler de ce qui leur a permis de passer à la postérité. De quoi avoir des points de comparaison mais surtout de compréhension toujours utiles avec les productions modernes. Ce serait saluer Capcom dans cet exercice que de nommer RE 4 GOTY d’autant que c’est le troisième qui est témoin de sa maestria quand il s’agit de moderniser ses titres.
The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom, c’est en fait un peu tout ça. Une équipe dédiée qui maîtrise son sujet, la proposition de vivre sa propre aventure et même l'angle du remake se tient si l'on considère que TotK est une espèce de remake du Legend of Zelda original. Paradoxalement donc, sa présence légitime est due à cet ensemble de qualités qui fait de lui un excellent jeu. Et c'est bien l'absence d'une caractéristique particulière, si nécessaire pour faire avancer le jeu vidéo, qui devrait l'empêcher selon moi d'être nommé GOTY.