Sortie au cinéma entre 2012 et 2015, la saga Hunger Games a marqué toute une génération grâce à son univers dystopique aussi cruel que crédible. Presque 10 ans plus tard, un épisode préquel revient sur le grand écran pour nous raconter les origines du spectacle télévisuel macabre que sont les jeux de la faim. Parvient-il à éclipser la saga originale si chère aux fans ?
Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur en quelques mots
Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur est un film dystopique de science-fiction réalisé par Francis Lawrence et scénarisé par Michael Arndt. Tous deux habitués de la saga (ils avaient travaillé ensemble sur le deuxième épisode et Francis Lawrence les a tous réalisés à part le premier), ils sont de retour une nouvelle fois pour cet épisode préquel se déroulant 64 ans avant les événements du premier film. Comme pour la saga d’origine, ce nouvel opus est une adaptation du livre éponyme de Suzanne Collins publié en 2020.
Pour rappel, la saga Hunger Games nous projette dans un univers dystopique dans lequel les habitants de Panem, un pays divisé en douze districts et un Capitole, assistent une fois par an à un jeu télévisé dans lequel 24 enfants de 11 à 18 ans issus des différents districts se battent à mort jusqu’à déterminer un seul et unique vainqueur. Un spectacle aussi violent que macabre qui ne semble déranger que les habitants des districts puisque ceux du Capitole, à l’abri de toute possibilité d’être envoyés dans l’arène, en profitent pour parier sur les plus prometteurs. Alors que la saga d’origine prenait place au moment des 74e Hunger Games et mettait surtout en scène le duo formé par les deux tributs du district Douze (Katniss Everdeen jouée par Jennifer Lawrence et Peeta Mellark joué par Josh Hutcherson), ce prequel choisit de se dérouler 64 ans avant au moment de la 10e édition des jeux. La plupart des personnages de la saga ne sont donc logiquement pas présents, à l’exception du tyran Coriolanus Snow (Tom Blyth) qui fait cette fois-ci office de personnage principal.
Le jeune Coriolanus est le dernier espoir de sa lignée, la famille Snow autrefois riche et fière est aujourd’hui tombée en disgrâce dans un Capitole d'après-guerre. À l’approche des 10ème HUNGER GAMES, il est assigné à contrecœur à être le mentor de Lucy Gray Baird, une tribut originaire du District 12, le plus pauvre et le plus méprisé de Panem. Le charme de Lucy Gray ayant captivé le public, Snow y voit l’opportunité de changer son destin, et va s’allier à elle pour faire pencher le sort en leur faveur. Luttant contre ses instincts, déchiré entre le bien et le mal, Snow se lance dans une course contre la montre pour survivre et découvrir s’il deviendra finalement un oiseau chanteur ou un serpent. - Allociné
Le casting du film Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur :
- Tom Blyth - Coriolanus Snow
- Rachel Zegler - Lucy Gray Baird
- Josh Andres Rivera - Sejanus Plinth
- Viola Davis - Dr Volumnia Gaul
- Hunter Schafer - Tigris Snow
- Peter Dinklage - Casca Highbottom
- Jason Schwartzman - Lucretius « Lucky » Flickerman
Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur est sorti le 15 novembre 2023 en France au cinéma.
10 ans après, le propos d’Hunger Games est toujours d’actualité
Quoi de mieux qu’un préquel pour raviver la hype d’une saga terminée il y a presque 10 ans tout en attirant un nouveau public ? C’est sûrement ce que se sont dit Suzanne Collins et les studios Lionsgate quand ils ont décidé de replonger dans l’univers de Hunger Games une nouvelle fois. Mais attention, n’allez pas voir ici une critique acerbe de cette pratique de plus en plus courante dans le monde du cinéma hollywoodien (ou même du jeu vidéo), car si l’on ne peut bien évidemment pas nier le potentiel commercial d’un prequel à Hunger Games, les personnes à l’origine de ce nouvel opus n’ont rien oublié de ce qui faisait le sel de la saga d’origine. Alors que cette dernière nous proposait de vivre dans une dystopie tyrannique bien établie du point de vue de ses victimes les plus atteintes, Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur nous emmène 64 ans auparavant dans un Panem et surtout un Capitole loin d’être aussi prolifiques que ce à quoi nous étions habitués. Oubliez l’esthétique futuriste et la mode extravagante et colorée qui ont tant dérouté Katniss à son arrivée au Capitole, ce nouveau film nous propose de nous projeter seulement 10 ans après les Jours Sombres, la fameuse guerre civile qui s’est soldée sur la création des Hunger Games.
Si, bien sûr, le Capitole reste bien le cœur névralgique de la bourgeoisie et de la richesse de Panem, le film nous montre très rapidement que la différence avec le reste du pays n’a pas toujours été aussi marquée que dans les premiers opus. Avec son esthétique directement inspirée des Etats-Unis des années 40, Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur n’a pas peur de faire comprendre que la pauvreté existe même au sein de la classe dominante et que les Hunger Games eux-mêmes ne sont pas aussi bien en place qu’ils ne le seront plusieurs années plus tard. C’est d’ailleurs dans ce contexte que le personnage principal, Coriolanus Snow, va devoir tirer son épingle du jeu. Issu d’une famille plus que respectable avant les Jours Sombres, le jeune héritier Snow et le reste de sa famille se retrouvent sans le sou dans une capitale qui ne jure déjà que par l’oisiveté et l’ambition. Alors qu’il pensait enfin s’en sortir grâce à son parcours universitaire exemplaire, Coriolanus va se faire trahir par son propre système et devra devenir l’un des premiers mentors des tributs des Hunger Games. Le but ? Redonner vie à un spectacle que les habitants de Panem regardent de moins en moins afin de continuer d'asseoir l’autorité du Capitole sur les districts. Heureusement pour lui, il sera désigné pour guider la jeune Lucy Grey Baird du district Douze, une femme qui semble déjà disposée à faire des Hunger Games un véritable spectacle.
Car si ce nouveau film se veut centré autour de Coriolanus Snow et de son ambition à retrouver la noblesse qu’on lui a arraché, c’est bien le personnage de Lucy Grey Baird et son interprète Rachel Zegler qui crèvent l’écran. Antithèse totale de Katniss Everdeen, ce nouveau personnage est une performeuse née qui se voit forcée de devenir une combattante ; là où la protagoniste interprétée par Jennifer Lawrence était une combattante forcée de performer. Chanteuse itinérante basée dans le district Douze au moment de la Moisson, Lucy Grey n’hésite pas à faire entendre sa voix dès que possible quitte à se faire des ennemis. Dès le début de l’aventure, elle prouve que son compas moral est déjà bien établi et qu’elle compte bien se laisser guider par ce dernier et rien d’autre. Alors que Coriolanus Snow se présente à elle comme son mentor, c’est à se demander si ce n’est pas elle qui fera de lui le personnage qu’il voulait être avant que son ambition ne le rattrape. Rachel Zegler nous offre alors une performance exceptionnelle autant au niveau de son interprétation de Lucy Grey au quotidien que dans les quelques chansons du film, toutes au moins aussi mémorables que la fameuse comptine de l’arbre du pendu. Il faut dire qu’elle avait déjà fait un excellent travail en jouant Maria dans la dernière adaptation de West Side Story, et autant dire que sa performance dans Hunger Games nous donne envie de laisser une chance au prochain Blanche Neige.
Alors que les deux personnages sont totalement opposés sur le papier, le film ne cesse de nous montrer à quel point Katniss et Lucy Grey sont similaires de par leur envie de survivre et de fuir la société injuste qu’est celle imposée par le Capitole. Une façon de raconter la même histoire sous un point de vue complètement différent tout en appuyant un propos toujours aussi pertinent. Car si la saga d’origine était déjà une très belle introduction à la lutte des classes et à la critique d’une société fasciste bien en place, cet épisode préquel nous permet de voir les choses sous l’angle de celui qui a poussé Panem à sombrer encore plus dans cette pente glissante. Alors que le film nous montre que les débuts de cette nouvelle société n’étaient pas vraiment destinés à un avenir radieux (des rebelles existent déjà, plus personne ne regarde les Hunger Games…), c’est bien grâce à la communication et au spectacle que Snow compte parvenir à se faire une place au sommet, prouvant une fois de plus la puissance de cet outil comme l’avait déjà fait la saga d’origine.
Malheureusement, alors que Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur avait tout ce qu’il fallait pour se suffire à lui-même et dénoncer le même propos (toujours d’actualité), on regrette un peu que le film s’embourbe parfois dans un manque de subtilité qui fait un peu tâche, notamment lorsqu’il nous rappelle un peu trop bruyamment qu’il est le préquel d’une saga à succès. Si l’on peut apprécier les quelques références subtiles dans le nom des habitants du Capitole, dans la forme des débris de l’arène qui rappellent la fameuse Corne d’Abondance ou dans le parallèle entre Katniss et Lucy Grey, d’autres sont beaucoup trop forcées comme la multiple répétition de la comptine de l’arbre du pendu ou la phrase qui conclut le film. De plus, quelques personnages manquent un peu de profondeur comme ceux de Viola Davis et de Peter Dinklage, alors que celui de Josh Andres Rivera (qui joue le meilleur ami de Snow) est beaucoup plus crédible et mieux écrit.
En résumé, Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur fait bien mieux que nous présenter un simple préquel pour raviver une hype vieille de 10 ans. Si l’on regrette un peu son manque de subtilité à quelques moments, les nouveaux personnages apportent dans l’ensemble une véritable fraicheur et permettent d’étoffer l’univers en apportant de la nuance et un nouveau point de vue, sans jamais oublier ce qui fait le sel de la saga et ce qu’elle dénonce. Difficile d’oublier la performance de Rachel Zegler et le charisme de son personnage Lucy Grey Baird, qui n’a décidément rien à envier à Katniss Everdeen.