Avec Assassin’s Creed Mirage, Ubisoft retourne aux sources de sa série phare : celles d’une mise en avant de l’infiltration dans un monde ouvert plus restreint. Malgré la bonne volonté des équipes de Bordeaux et des nombreuses qualités de son bébé, le jeu n’a pas réussi à me plonger dans la vie d’un véritable assassin. Pour le pire mais surtout le meilleur, il m’a donné envie de jouer à ces deux chefs-d’œuvre de l’infiltration sortis en 2012 et 2016.
Cet article est un billet d’opinion : il est donc par nature subjectif. Il correspond donc à la vision de l’auteur sur le sujet et ne représente pas l’avis de la rédaction de JV.
Assassin's Creed Mirage : un retour aux sources
Assassin’s Creed Mirage est un jeu pétri de qualités. Il perpétue la tradition de la série : celle de prendre dans les livres d’Histoire les cadres de ses jeux de manière très soignée. Pour Mirage, c’est le neuvième siècle et plus particulièrement l’âge d’or de l’Islam à Bagdad. Le joueur y incarne Bassim Ibn Ishaq, un jeune résident dans la capitale irakienne. Il doit voler pour survivre et la mauvaise tournure d’un braquage le force à quitter la ville. C’est dans ce contexte que le protagoniste rejoint la guilde des Assassins, alors nommé Ceux qu’on ne voient pas. Le héros suit alors un entraînement intensif, dans lequel il perfectionne son art de lame de l’ombre : parkour, utilisation de couteaux de lancers, neutralisation par derrière… Sa tutrice, Rashan, lui apprend même à battre comme en situation réelle. Elle-même dit que c’est parfois une situation de “dernier recours”.
Dès le début, Assassin’s Creed : Mirage ouvre la porte à une autre approche que de l’infiltration par son tutoriel. Or, le combat ouvert de cette manière casse rapidement l’immersion. Si l’on convient que la fin du jeu permet mieux de s’identifier à un réel assassin, il y a quand même le sentiment d’une séparation distincte entre le rôle que le jeu veut donner au personnage et les outils qu’il lui donne. En quelques morts, la dernière production d’Ubisoft Bordeaux ne force vraiment pas le joueur à porter de manière stricte la capuche d’assassin. Quelque chose qui s’observe à plusieurs niveaux.
Et attention, je ne dis pas que c’est pas bien de faire ça. Assassin’s Creed : Mirage permet, en proposant un gameplay moins punitif, d’ouvrir la porte aux joueurs souhaitant une réelle expérience immersive dans le monde de l’infiltration. Et personnellement, beaucoup de choses présentes dans ce jeu m’ont rappelé les Dishonored de Arkane Studio. Des chefs-d’œuvre de l’infiltration qui se jouent encore aujourd’hui de manière exquise.
Un écart entre les outils donnés et l'histoire racontée
On est jamais trop prudent donc on va encore insister : les jeux Dishonored sont assez loin de Assassin’s Creed Mirage et des derniers jeux Assassin’s Creed en général. Niveaux séquencés contre monde ouvert, FPS contre TPS… Bref, les différences sont nombreuses et majeures mais cela n’empêche pas le second d’appeler les premiers.
C’est dans le contexte historique que les deux licences se rejoignent. Depuis les débuts de la série Assassin’s Creed, Ubisoft essaie pour ses jeux principaux de leur donner comme cadre une période historique importante. Avec Mirage, c’est l’âge d’or de l’Islam (861 après J-C) qui sert de contexte. Pour Dishonored, on est lancé dans la ville fictive de Dunwall. Cette dernière a été inspirée par Londres et Edimbourgh de la fin 18e début 19e. Le joueur reste pourtant ancré dans le réel : le contexte de peste, les inégalités sociales ou encore le régime de terreur imposé à la suite de l’assassinat de l’impératrice.
Un contexte taillé pour vivre dans un climat de tension en tant qu’assassin puisque tout le monde est sur ses gardes. D’autant qu’en tant qu’ex-garde du corps de l’Impératrice, c’est vous qui êtes accusé de son meurtre. Une manipulation consistant à vous faire taire et provoquant votre exécution à venir. C’est donc dans la prison de Dunwall que vous, Corvo, débutez votre enquête. Quoi de mieux que faire ses premiers pas en tant qu’assassin dans un pénitencier duquel on doit s’échapper ?
Une discrétion peu récompensée
Un challenge déjà ardu, même en mode normal. L’intelligence artificielle n’a rien à voir avec celle de Assassin’s Creed Mirage puisqu’elle vous repère de manière bien plus cohérente. Dans ce sens, elle est aussi ajustée en fonction de la difficulté : plus cette dernière est grande, plus les gardes vous repèrent facilement. Quelque chose de légèrement différent dans Mirage puisque c’est la rapidité de la perception qui est améliorée selon la difficulté et non pas le champ de vision des gardes qui est agrandit. On retrouve toutefois dans les deux jeux une plus grande robustesse des ennemis, même si elle n’a pas vraiment lieu d’être dans un jeu d’infiltration : vrai assassin tue en un coup sans se faire repérer.
Comme mentionné plus haut, Mirage ne force pas le joueur à se plonger dans le rôle ni même ne le récompense pour sa discrétion. Il y a bien les objectifs secondaires de contrats qui mettent en avant de différentes manières de jouer; et c’est très rafraîchissant ! Mais on peut tout aussi bien tuer les gardes un par un à découvert en semant la zizanie. Si les gardes affluent, on peut toujours s’en aller rapidement et revenir quelques secondes après incognito. De quoi se faire une mauvaise réputation qui n’a pas vraiment de conséquences sur son jeu. Un aspect qui casse vraiment l’immersion dans Assassin’s Creed Mirage. Récompenser le joueur pour sa discrétion aurait aussi été appréciable dans la quête principale !
Comme vous vous en doutez, un tel comportement est à la limite de l’irréalisable dans Dishonored. Certaines synergies de pouvoirs le permettent, c’est contre-indiqué indirectement par le jeu lors des premières parties. Chaque mission rappelle au joueur son comportement (mode fantôme ; le nombre de civils tués, le chaos généré…) l’incitant à redoubler de vigilance… quand certaines quêtes facultatives le poussent à changer son approche. Et c’est probablement ça qui change considérablement les deux expériences : leurs structures. L’un en monde ouvert en vue à la troisième personne, l’autre en vue à la première personne dans des niveaux séquencés.
Bagdad à travers les yeux d'un assassin et non pas un assassin dans Bagdad
Assassin’s Creed : Mirage met alors l’accent sur le cadre extrêmement détaillé de son histoire. Il n’est pas question de jouer un assassin dans Bagdad au 9e siècle, mais de voir Bagdad au 9e siècle à travers les yeux d’un assassin. Ce sont deux choses relativement différentes qui arrivent bien à symboliser selon moi la proposition faite par Ubisoft Bordeaux à travers ce jeu. À l’inverse pour Dishonored, c’est clairement sa structure taillée sur mesure qui parle pour lui : elle respire l’infiltration sur le bout des ongles et chaque seconde passée à jouer Corvo nous transforme chaque fois un peu plus en assassin chevronné.
Avec Assassin's Creed : Mirage, ce "retour aux sources" d'Ubisoft à la première recette de sa saga phare se fait de bien belle manière. L'équipe de Bordeaux réussit à appliquer son savoir-faire pour remettre sous les projecteurs l'infiltration. Leur production s'apparente à un mille-feuille à l'ensemble savoureux donnant un avant-goût de ce genre sans en donner complètement l'ivresse. Un choix complètement logique au vu de leur ADN, qui a le mérite de donner pignon sur rue aux Dishonored : des chefs-d'œuvre de leur catégorie.