La santé mentale et les jeux vidéo sont plus liés que vous le pensez. Car si ces derniers continuent à être accusés de tous les maux, certains les utilisent pour en soigner d’autres. À l’occasion des Semaines d'information sur la santé mentale, on vous explique en quoi consiste la thérapie par le jeu ou la médiation numérique.
Pour rappel, la France est une mauvaise élève sur les questions de santé mentale. En 2018, 18,5% des Français affirmaient avoir déjà souffert d’un trouble de la santé mentale, plaçant ainsi la France troisième sur le classement des taux de prévalence dans les pays de l’Union européenne - "peut-être parce qu'en France on serait plus attentif sur la question" nous a suggéré un psychologue. Il y a donc de fortes chances que vous ou quelqu’un de votre entourage souffre actuellement d’un trouble mental. Oser en parler c’est important et si vous ne savez pas par où commencer, voici quelques pistes :
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- Le 0 800 235 236, Fil Santé Jeunes, permanence d’écoute téléphonique (9h à 23h) et tchat individuel (9h à 22h) anonyme et gratuit pour les 12-25 ans sur les thèmes de la santé, le mal être, l’amour…
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La thérapie par le jeu vidéo, une nouvelle mode ?
Il n’en faut pas beaucoup pour certains politiques, journalistes et autres personnalités médiatiques pour accuser les jeux vidéo d’être responsables du moindre trouble. Diable, écartez donc ce mal nocif de vos enfants et de vos foyers ! Oui mais voilà, les fondations de cette peur entretenue pendant des années sont aujourd’hui mises à mal. En août 2022, le chercheur Andrew Przybylsk a réalisé une étude sur un panel de 40 000 personnes pour le compte de l'université d'Oxford. Son but ? Définir si les jeux vidéo ont une influence négative sur la santé mentale. La réponse ? Non. Quelques années auparavant, en pleine pandémie de la Covid 19, le même chercheur avait même statué que “jouer peut avoir un effet positif sur la santé mentale des gens.” Une grande découverte, n’est-ce pas ? Et pourtant, certains n’ont pas attendu aussi longtemps pour l’affirmer.
Les bienfaits que les jeux vidéo peuvent avoir sur la santé mentale ont été compris par une poignée de psychothérapeutes dès les années 80. En 1984 sortait ainsi la première étude sur le sujet : “The use of computer fantasy games in child therapy”. Dedans, le psychotérapeuthe D. H. Allen expliquait comment il s’était aidé du jeu Super Mario Bros. pour atténuer les troubles anxieux d’un jeune patient. Une expérimentation qui avait pour lui porter ses fruits en permettant au garçon d’avoir une meilleure confiance en lui, un plus grand sens des responsabilités et un a priori moins négatif sur la psychothérapie en général. Quelques années plus tard, J. E. Gardner va suivre cette lignée avec “Can the Mario Bros. help? Nintendo Games as an Adjunct in Psychotherapy with Children.” Cette fois-ci, le petit plombier à moustache a été utilisé auprès d’enfants âgés de 5 à 7 ans souffrant de troubles du comportement, de troubles anxieux ou de troubles du spectre autistique.
Le jeu vidéo est un support à la parole. En parlant du jeu, indirectement, les enfants parlent d'eux-mêmes. C'est surtout un facilitateur parce que cela les engage un peu moins.
Julien Pierre dans La Gazette
En France, on a été un peu plus frileux. Il faudra attendre 1996 pour que François Lespinasse, psychologue, et José Perez, infirmier, travaillant tous deux dans un hôpital de jour, décident d’expérimenter un “atelier Nintendo”. L’idée n’est pas venue suite à une documentation poussée sur le sujet, mais simplement en écoutant les jeunes patients suivis. C’est à force de les entendre parler jeux vidéo à tout bout de champ que cet atelier thérapeutique est né. Néanmoins, si on lui reconnaît alors quelques effets positifs, on sent encore une méfiance palpable envers le jeu vidéo “qui, hors cadre, enfermerait encore davantage l’enfant perturbé.” On parle tout de même d’enfant “possédé” dans le rapport de l’atelier... Autant vous dire qu’il y avait encore des progrès à faire à l’époque, mais ces derniers n’ont pas vraiment tardé à s’imposer.
À force, les initiatives individuelles prennent en effet de plus en plus d’ampleur. Les occurrences se multiplient et on commence à théoriser un peu plus sérieusement la plus-value que peuvent avoir les jeux vidéo en thérapie. Et c’est là que ça commence à devenir complexe. Accrochez vos ceintures, c’est parti pour le jargon de psy. J. Hull décrit, dès 1985, le jeu vidéo comme un "objet transitionnel" (Donald Winnicott), c’est à dire quelque chose permettant au patient de "supporter l'alternance absence/présence de la mère". Si beaucoup d’objets/espaces peuvent avoir cette fonction en thérapie, notamment en art-thérapie et en ergothérapie, le jeu vidéo y serait particulièrement propice. Le joueur y est acteur et peut donc facilement se plonger corps et, surtout, âme dans ce dernier, rendant l’effet transitionnel d’autant plus fort. Selon Serge Tisseron, cela peut même causer un problème qu'il nomme la “dyade numérique”. Il s'agit du "rapport que le joueur peut mettre en place pour tenter de soigner son rapport primaire à l'objet maternel, prenant ainsi le risque de rejouer la séparation impossible qu'il tentait pourtant de combler avec cet objet transitionnel.
Outre le côté transitionnel, le jeu vidéo peut surtout être utilisé comme un objet de médiation, c’est à dire quelque chose permettant au patient de projeter ses émotions et donc au thérapeute de les identifier plus facilement. En 2010, T. Ceranoglu précise ainsi que les jeux vidéo seraient particulièrement efficaces pour déceler les conflits internes et les anxiétés d’un patient. M. Stora, qui a largement contribué à la démocratisation de l’utilisation des jeux vidéo en thérapie, parle lui de ce médium comme un “accélérateur de la relation transférentielle”, c’est à dire “la relation qui s'instaure entre l'analyste et le patient, sur la base de l'extériorisation de ce dernier, de son monde psychique interne, tel qu'il s'est organisé en fonction de ses expériences.” Chacun y va de sa propre analyse sur le sujet et les écrits sont naturellement nombreux (et résumés brièvement dans cet article de la Revue de l’enfance et de l’adolescence).
Qui a tort et qui a raison ? Et bien tout le monde ! Car s’il y a bien une chose sur laquelle la plupart des psychologues au fait de l’aspect thérapeutique de la pratique des jeux vidéo peuvent s’accorder, c’est bien que les jeux vidéo en thérapie ont des usages divers et variés. C’est d’ailleurs la conclusion de J. Steadman, C. Boska, C. Lee, X-S. Lim et N. Nichols dans leur revue des différentes utilisations thérapeutiques du jeu vidéo (Using popular commercial video games in therapy with children and adolescent). Selon eux, les jeux vidéo n’ont pas vraiment de limite thérapeutique en soi. La limite résiderait plutôt dans “la créativité des psychothérapeutes et leur habilité à utiliser le jeu vidéo dans leur dispositif thérapeutique”. Et c’est pour cela qu’on se retrouve aujourd’hui avec des approches et des façons de faire différentes, mettant chacune certains jeux vidéo en avant.
Quel jeu pour quel public ?
En thérapie, c’est simple, il faut s’adapter au public que l’on a en face de soi. Cela veut dire qu’il faut prendre en compte un certain nombre de choses, à commencer par le trouble dont souffre le patient, mais également son âge ou même ses propres habitudes de jeu. On l’a vu, les premières expérimentations se concentraient ainsi sur les jeunes patients avec une licence qui leur était déjà familière : Mario. Certains gardent cette approche basée sur les jeux du moment ou les pratiques de leurs patients. C’est ainsi que le psychologue Julien Pierre laisse le choix à ses patients en début de séance. Dans un article pour La Gazette sorti en 2021, il expliquait par exemple que jouer à The Legend of Zelda : Breath of the Wild permettait à Joey, 12 ans, de comprendre les situations qui l’énervent, les reconnaître en jeu pour ensuite les reconnaître dans la vie. “Selon la manière de jouer, l’attitude, les choix qu’ils font, je peux analyser mes patients. Dans ce cas de figure précis, c’est une avancée pour Joey qui a reconnu sa précipitation et vu le résultat, immédiatement, grâce au jeu” expliquait le psychologue au journal régional.
De façon globale, il y a des genres de jeux qui investissent plus facilement les cercles des thérapeutes. C’est notamment le cas des jeux de coopération (Portal 2, Unravel Two, Never Alone…) qui permettent de travailler sur l’entraide, la confiance et la communication, mais aussi les jeux créatifs ou bac à sable (LittleBigPlanet, Les Sims, Minecraft…) qui laissent libre cours à l’expression des patients. Mais il y a aussi les jeux de réflexion (contre l’anxiété par exemple), les wholesome games (pour faire face au PTSD), les jeux de stratégie… Marie-Claire Paveau, par exemple, mise sur la thérapie narrative par le jeu, afin de “redonner le goût de la construction narrative comme étayage de la construction de soi”. Ainsi, sur son site, elle évoque des jeux d’aventure prenants comme Assassin’s Creed ou The Witcher, en passant par Tomb Raider ou même Fable. Et puis au-delà du genre de jeux, il y a des titres spécifiques qui sont reconnus pour aborder particulièrement bien des thèmes précis, comme Rime, Gris, Spore, Limbo, Life is Strange… En fait, vous l’aurez compris, tout dépend ce que l’on veut travailler avec le patient, comment il réagit, mais aussi son âge.
Les psychothérapeutes ont souvent à cœur de vouloir choisir le “bon” jeu pour leurs patients. Cependant, l’idée que l’on puisse faire correspondre un jeu vidéo ou un genre de jeu vidéo a un patient ou un type de problème est peu applicable. {...} À ce jour, la meilleure solution pour trouver un jeu vidéo adapté à la situation clinique est sans doute le tâtonnement. Le psychothérapeute ne doit pas hésiter à changer de jeu vidéo si celui-ci ne lui semble pas adapté. Puisqu’une psychothérapie se situe à l’intersection des aires de jeu du patient et du psychothérapeute, il est nécessaire de conserver uniquement les jeux vidéo qui permettent cette expérience.
Yann Leroux, Guide pratique pour une psychothérapie centrée sur le jeu vidéo
Et oui, vous imaginez bien que des jeux comme Assassin’s Creed ne sont pas forcément adaptés à une thérapie auprès de jeunes enfants. Et on touche là un point important : la thérapie par le jeu peut s’adresser à tout le monde. Si on a d’abord pensé cela comme une approche spécifique aux jeunes patients, elle s’est peu à peu révélée pertinente pour les adultes mais aussi, de façon plus surprenante, les seniors. L’usage est là différent puisqu’il concerne rarement les psychothérapeutes mais plutôt le personnel des EHPAD, CCAS, et autres résidences autonomies. On s’éloigne un peu de l’angle thérapie pure et dure, mais toujours est-il que les ateliers utilisant le jeu vidéo pour préserver la santé mentale des plus âgés sont également nombreux et ne datent pas d’hier. Le collectif Silver Geek, créé en 2012-2013, a d’ailleurs fait de cet usage bien particulier du jeu vidéo son champ d’action.
Et les jeux thérapeutiques ? Car oui, il existe également des jeux qui sont développés avec un but thérapeutique précis. C’est d’ailleurs même un secteur en pleine expansion. En avril 2022, on apprenait ainsi la création d’un studio ayant pour seul but de développer des jeux à vocation thérapeutique : DeepWell Digital Therapeutics. À la barre, on retrouve notamment Mike Wilson, co-fondateur de Devolver. Généralement, ce genre de jeux s’attaquent à un trouble mental bien précis. Par exemple, Virtual Iraq et Virtual Afghanistan, financés en partie par l’armée américaine, ont été pensés pour aider les vétérans à se remettre de leur PTSD. Mais certains spécialistes restent sceptiques face à ce genre de démarches. C’est notamment le cas de la psychologue Marion Haza (autrice de Médiations numériques : jeux vidéo et jeux de transfert), qui estime que la médiation chapeautée par le professionnel de santé (qui doit déjà avoir un lien particulier avec le jeu proposé) est primordiale dans la démarche de thérapie par le jeu. Sans cette notion de partage, le jeu thérapeutique perdrait donc une partie de son intérêt :
Je pense vraiment que {l’important} c’est ce qui se noue autour de la relation. Je pense que moi vu que j’y crois pas à ces jeux thérapeutiques, forcément ça ne peut pas fonctionner. Et ce qui peut fonctionner c’est parce que j’ai cette croyance au fait que partager un jeu pour lequel deux personnes peuvent avoir un investissement important alors effectivement on va être dans un partage et du côté de l’importance de la relation dans le lien thérapeutique.
Marion Haza pour Audio Video Ludo Disco
D’ailleurs, on sent que dans la thérapie par le jeu, la communication et la verbalisation de ce qu’il se passe sont très importantes quelle que soit l’approche, et que le jeu soit thérapeutique par nature ou non. Dans la “thérapie par l’avatar” formulée par Serge Tisseron, par exemple, il y a tout un tas de questionnements à avoir avec le patient, comme l’explique le psychologue Olivier Duris sur son site : “comment l’a-t-il créé ? à quoi ressemble-t-il ? quelles actions effectue-t-il à travers lui ? Quelles sont ses caractéristiques principales ? quelle est son histoire ?”. Mais alors, comment ce dialogue et cette médiation s'inscrivent dans une thérapie. Concrètement, comment ça se passe une thérapie par le jeu ?
Thérapie individuelle ou en groupe ?
Encore une fois, tout dépend de l’approche. Aujourd’hui, on va donc se concentrer sur deux façons de faire d’après les témoignages de certains psychothérapeutes : la thérapie individuelle et les groupes thérapeutiques à médiation numérique jeu vidéo. Et on commence par le plus évident pour la plupart des gens : les séances individuelles. Quand vous vous imaginez un rendez-vous avec un psychologue, vous vous voyez certainement seul avec ce dernier qui vous invite à vous mettre à l’aise dans le fameux canapé. Reprenez cette image et ajoutez-y un ordinateur ou une console de jeux et vous obtenez le cadre idéal pour commencer une thérapie individuelle basée sur la médiation numérique. À partir de là, chacun y va avec sa propre approche. Julien Pierre, comme on l'a dit, laisse le choix du jeu à son patient. Olivier Duris propose même d’autres outils de médiation non-numériques. L’idée est de voir quel outil parle le plus au patient et sera le plus à même de l’ouvrir à la thérapie. Parfois le choix du jeu vidéo s’impose ainsi comme un dernier recours, afin de répondre aux besoins d'un patient incompatible avec une forme de psychothérapie plus classique.
C’est notamment ce qui s’est passé avec Max, 9 ans, souffrant de troubles de l’anxiété. Le psychologue Yann Leroux explique dans Spore chez le thérapeute, comment il a utilisé la médiation numérique avec lui pour mener à bien la psychothérapie. Car le problème, c’est que Max est agité, trop agité. Un rien le distrait et forcément la psychothérapie se retrouve vite vouée à l’échec : “Il n’est jamais malveillant, ni véritablement opposant. Il est emporté par un tourbillon d’actions qui se succèdent à toute vitesse. {...} Dans les psychothérapies psychanalytiques d’enfants de ce type, la première tâche du thérapeute est de travailler sur les contenants (Ciccone A., 2003, pp.11-45). La constitution d’une enveloppe suffisamment solide permet dans un second temps de porter le travail sur les contenus psychiques. La difficulté d’avoir un espace-temps partagé avec Max rendait petit à petit la psychothérapie impossible.” Pour pallier à cela, Yann Leroux a alors choisi de faire une médiation à l’aide du jeu Spore.
À coup de deux sessions de 45 minutes par semaine, une certaine continuité s’est peu à peu instaurée dans la thérapie, une continuité jusqu’ici perturbée par l'impossibilité de Max à se concentrer. Les séances se sont même rapidement ritualisées. Allumer l’ordi, lancer le jeu, jouer un peu, débriefer… À ça viennent s’ajouter des interventions de Yann Leroux afin de maintenir le cadre de la psychothérapie : suivre, responsabiliser, donner des limites et reformuler. Pour plus de détails, vous pouvez vous référer au Guide pratique pour une psychothérapie centrée sur le jeu vidéo, écrit justement par Yann Leroux. Dans les grandes lignes, c’est ainsi que se déroulent les psychothérapies utilisant les jeux vidéo comme objets de médiation, même si chaque thérapeute y apporte ses petites modifications.
Mais alors, quid des thérapies en groupe ? Et bien, l’idée est encore une fois de se servir, de façon hebdomadaire, du jeu vidéo comme outil de médiation pour s’attaquer à un point spécifique et, cette fois-ci, commun à tous les participants. Par exemple, Eva Losco raconte sur le site Thérapie et jeu vidéo qu’elle a organisé, en compagnie de Vincent le Corre, des groupes thérapeutiques de ce genre auprès de jeunes adolescents. Une fois par semaine et ce pendant une heure, ils avaient lieu dans un centre-médico-psychologique parisien (CMP) parisien et permettaient de réunir 3 adolescents de 13 ou 14 ans ayant des troubles relationnels. Mais alors, qu’est-ce qu’on fait d’un jeu quand on est un groupe ? Et bien, c’est comme quand on joue avec ses frères et sœurs ou ses amis : on fait tourner la manette. Bien sûr, l’idée n’est pas simplement de jouer mais de “faire émerger des processus de coopération et de symbolisation”, d’où l’intérêt d’être en groupe.
Pour cela, on peut réellement utiliser des jeux divers et variés. Bien sûr, on pense facilement à des jeux de réflexion où il peut être bienvenu de coopérer pour trouver la solution à telle ou telle énigme. C’est notamment le cas d’Inside, sur lequel les trois jeunes du groupe d’Eva et Vincent ont passé un bon bout de temps. Autre avantage du successeur de Limbo ? La “coopération narrative”. L’histoire n’étant pas explicite, il y a de vrais questionnements qui se posent sur cette dernière. Et en groupe, c’est encore mieux, puisqu’on peut partager ses hypothèses et avoir l’impression de progresser dans la compréhension de ce monde grâce aux autres. Dans un autre genre, Street Fighter IV a, lui, été utilisé pour remotiver et “symboliser la conflictualité du groupe”. Si les chemins empruntés sont un peu différents, le but est donc toujours le même : rendre visible et permettre de placer des mots sur les troubles qui polluent la psyché des patients. De cette expérience, Eva Losco va tirer une conclusion plus que positive : “Les jeux vidéo se sont ainsi montrés être des alliés thérapeutiques formidables dans la prise en charge groupale de ces jeunes. Ils sont le support des potentialités créatrices du groupe et le vecteur de liens intersubjectifs parfois difficiles à se mettre en place et pourtant indispensables à cet âge de la vie.”
Voilà donc à quoi peut ressembler une thérapie, individuelle ou en groupe, utilisant le jeu vidéo comme médiateur. Ce ne sont que des exemples et chaque façon de faire peut être différente selon le thérapeute ou le patient. Comme toute forme de thérapie, celle par le jeu doit savoir s’adapter et peut prendre bien des formes. Par exemple, il n’est pas rare de voir des jeux vidéo mis à disposition des patients en clinique psychiatrique. Pas de médiation dans ce genre de cas, mais plutôt une invitation à s’évader loin des murs froids de la clinique. Le domaine se cherche encore et il y a fort à parier qu’il puisse encore évoluer au fil des expérimentations. Mais il est bien assez développé aujourd’hui pour avoir ses propres références, formations, ateliers et référents. Si votre curiosité est piquée, ou que vous en avez besoin, voici d’ailleurs une liste non-exhaustive de psychothérapeutes ayant opté pour la médiation numérique : ici.
L’idée d’utiliser les jeux vidéo comme outil thérapeutique dans le domaine de la santé mentale n’est pas nouvelle, même si les débuts n’ont pas été simples. Après une introduction longue et laborieuse, le jeu vidéo prend peu à peu sa place en tant qu’outil thérapeutique légitime. Cela ne veut pas dire que les jeux vidéo sont des objets miracles capables de guérir tous les maux, mais qu’ils peuvent, au même titre que l’art ou le lien avec les animaux, servir de support à la thérapie afin d’aider à identifier et soigner certains d’entre eux. Et il est bien dommage que le débat public se limite encore aux poussifs tels que “les jeux vidéo rendent violents” ou “les jeux vidéo rendent addicts”, tant il y a de choses à apprendre sur le véritable lien entre jeux vidéo et la santé mentale, qu’il soit positif comme ici ou plus négatif. Mais ça, ça sera pour un autre article !
Un grand merci aux psychologues qui ont accepté de nous apporter des précisions au cours de l'écriture de cet article sur ce sujet complexe.