Aux côtés des PlayStyles, c'est sûrement l’une des plus grosses nouveautés de la mouture 2023 du jeu de football d’Electronic Arts : l’inclusion des joueuses dans le mode Ultimate Team. Depuis la révélation d'EA Sports FC 24, chacun a pu se faire son avis sur cette volonté de réunir joueurs et joueuses sur un seul et même terrain. Mais, maintenant que le jeu est là, les commentaires sexistes se font bien plus présents sur les réseaux sociaux, tandis que le mercato des joueuses ne semblent pas emballer plus que ça les passionnés d’Ultimate Team.
Un jeu de football jugé trop « woke » qui réveille le sexisme de certains joueurs
Depuis maintenant quelques éditions, les jeux de football d’Electronic Arts allouent de plus en plus de place au football féminin. À l’orée d’une nouvelle ère pour l’éditeur américain qui a pris la lourde décision de se délaisser du nom « FIFA » et de sa collaboration avec la Fédération internationale, cette initiative progresse avec une prise de position majeure : les joueuses de football sont désormais incluses et accompagnent même les hommes dans le très célèbre mode de jeu Ultimate Team. Dès l’officialisation de ce « football total », ce tournant avait provoqué une volée de bois vert sur les réseaux sociaux, et aujourd’hui il se poursuit et s'accroît même maintenant que certains ont accès à EA Sports FC 24.
Il a beau s’agir d’une minorité bruyante, celle-ci ne se fait pas prier pour cracher son venin sur la décision prise par Electronic Arts. Bref, cela fait des semaines que des messages sexistes s’abattent sur le jeu de football et que le mot « woke » revient sans cesse pour critiquer ce choix de l’éditeur américain. « Si vous utilisez des joueuses dans votre équipe Ultimate Team, alors vous êtes une ordure woke », « avoir des joueuses dans son équipe Ultimate Team aux côtés des hommes est tellement woke (…) le jeu est gâché », « c’est un tel symbole woke de voir que les joueuses ont de meilleures statistiques qu’Haaland qui est l’un des meilleurs joueurs à l’heure actuelle », « Electronic Arts essaie tellement d’être woke », « mélanger (les hommes et) les femmes dans le mode Ultimate Team d’EA FC est la chose la plus stupide que j’ai jamais vue » ou encore « ils ont ruiné FIFA en permettant aux joueuses d’être dans les équipes Ultimate Team en compagnie des hommes ».
Adding women to ultimate team is the best thing ea have ever done. You score a couple goals and they just INSTA leave
— ❄️ The Confessor ❄️ (@shanethecnfsr) September 26, 2023
On vous rassure, on ne retrouve pas uniquement des réactions édifiantes de ce genre sur les réseaux sociaux. Ce terrible constat est heureusement atténué par l’enthousiasme de certains joueurs qui n’ont pas peur de dire que ce choix de la part d’Electronic Arts est « le meilleur qu’ils (les développeurs) aient pu faire ». D’autant plus qu'il leur permet maintenant de ridiculiser d’autres adversaires toxiques en ligne, blessé dans leur orgueil au moment de perdre contre une équipe mixte ou essentiellement composé de joueuses redoutables. Parce qu’on l’a remarqué il y a quelques heures, certains joueurs sont particulièrement virulents envers les joueuses, que ce soit sur le terrain Ultimate Team d’EA Sports FC 24 ou à l’extérieur du stade avec le fameux bug de la carte d’Ada Hegerberg.
Un simple bug Ultimate Team qui vire au harcèlement de la joueuse Ada Hegerberg
Trois jours avant le lancement d’EA Sports FC 24, le jeu de football s’est retrouvé au beau milieu d’une polémique dont il se serait bien passé. En marge de la sortie, Electronic Arts avait officialisé une flopée de notes de joueurs et de joueuses sur son site officiel : une manière de permettre aux futurs acquéreurs de scruter de près les cartes à saisir rapidement sur Ultimate Team. Dans le lot, on retrouvait le profil de la joueuse de l’OL, Ada Hegerberg. Sauf que l’attaquante de pointe lyonnaise, dotée d’une très belle note générale de 89, a de suite fait les frais d’un bug malencontreux qui n’a pas amusé certains joueurs de l’accès anticipé d’EA Sports FC 24.
Ada Hegerberg est complètement bug c'est quoi ça ptdrr #PS5Share, #EASPORTSFC24 pic.twitter.com/WC9oXOV4WL
— AV (@Cara92_) September 22, 2023
Personne n’est vraiment étonné de tomber sur des bugs en lançant l’un des jeux de football d’Electronic Arts. Encore moins au tout début de sa phase de lancement ! Bien souvent, ceux-ci sont tournés en dérision mais, dans le cas d’Ada Hegerberg, il a fallu que ce soit différent puisque ce souci technique a abouti à une vague de harcèlement sans précédent. Tandis qu’on se questionnait sur la reproductibilité d’une telle situation dans la mesure où elle se serait appliquée à un footballeur, la joueuse, elle, recevait une pelletée de messages haineux et inadmissibles sur les réseaux sociaux. La lauréate du premier Ballon d’Or féminin - pas épargnée par les polémiques sexistes, notamment lors de la prestigieuse remise de prix précitée au cours de laquelle on lui avait demandé si elle savait « twerker » - a alors rapidement partagé sur son compte Instagram les propos infâmes et inacceptables dont elle était la cible… Tout cela, rappelons-le, à cause d’un bug indépendant de sa volonté !
TW | Language - one of the consequences of enabling women’s players to be collectible on EA Sports’ FC 24 is an increase in the online abuse that they are receiving.
— Get French Football News (@GFFN) September 26, 2023
Here is Lyon star Ada Hegerberg being told to f*** off for being s*** on Ultimate Team. pic.twitter.com/OAIvlZGLZl
Pourtant alerté dès le 22 septembre dernier sur ce problème de personnage « glitché », la réponse d’Electronic Arts n’est intervenue qu’après ce tournant sexiste. De là, l’éditeur a précisé que des investigations étaient en cours et que les joueurs qui disposaient de la carte d’Ada dans leur équipe active ne pourraient pas lancer un match à moins de retirer la joueuse de leur effectif. Bien que la clarification soit importante, on regrette l’absence d’une prise de parole forte de l’éditeur vis-à-vis de ce qui s’est passé et des termes blessants qui ont été utilisés à l'encontre d'Ada Hegerberg. Toutefois, si le sexisme qui entoure le football s’exprime sur le titre d’Electronic Arts et sur les réseaux sociaux, le marché des transferts Ultimate Team est également un indicateur intéressant à scruter.
Suite aux plaintes d’Ada Hegerberg, EA SPORTS FC 24 confirme qu’un « problème » existe bien sur la joueuse et qu’elle est temporairement retirée du jeu. 🎮 ❌
— Première Ligue Reporter (@clem_reporter) September 25, 2023
Cependant, ils ne savent vraisemblablement pas écrire le prénom de la première Ballon d’Or de l’histoire du football… pic.twitter.com/vqQJWaZbkE
Un marché des transferts Ultimate Team qui symbolise le désintérêt pour les joueuses
Etudier un marché de transfert, ce n’est pas forcément une activité évidente. Premièrement, parce que l’on peut interpréter les prix de différentes manières. Par exemple, un joueur peut s’échanger à des sommes démesurées en raison de ses qualités ou parce qu’il est difficile à obtenir (« ce qui est rare est cher », comme on dit), voire être affiché à des prix anormalement bas parce qu’un grand nombre de joueurs l’ont obtenu ou parce que l’offre de revente est si importante que le montant diminue drastiquement. Typiquement, et au moment où ces lignes sont écrites, un Kylian Mbappé coûte 3,22 millions de crédits tandis qu’un Harry Kane ne coûte plus que 47 500 crédits Ultimate Team.
Cependant, rien n’empêche de fixer des prix relativement importants pour des joueurs dont la réputation sur le terrain n’est plus à faire (Haaland, Messi, Lewandowski, Vinicius, van Dijk, Salah, Neymar, Dembélé, Rashford, …). De toute manière, il est très souvent question de « meta » et de synergie dans Ultimate Team, et tout ne repose pas forcément sur une note générale se trouvant dans le haut du panier. Ensuite, il y a aussi l’idée que le montant des cartes est parfois indexé sur la popularité, la médiatisation du ou des athlètes concernés. Cherchez les noms les plus connus et vous aurez de grandes chances de tomber sur une carte à un prix bien au-dessus de la norme.
On le disait, il n’y a pas que les statistiques qui comptent. Si on part du postulat inverse, cela voudrait dire que le marché du football féminin est censé reproduire le même schéma que celui masculin. Or, c’est loin d’être le cas. Certes, comme on peut le voir sur le site Futbin, les prix s’envolent pour les cartes Or des joueuses les plus redoutables, mais le phénomène s’essouffle vite. Prenons, par exemple, le seuil de 100 000 crédits Ultimate Team. Du côté des hommes, ils sont 20 sur les 90 meilleurs joueurs à avoir un prix de revente au-dessus de ce palier. Chez les femmes, elles ne sont que 9 sur 90 à remplir ce critère, ce qui veut dire qu’actuellement 1 footballeuses sur 10 à une valeur marchande supérieure à 100 000 crédits sur Ultimate Team. Et le pire, lorsque l’on scrute les montants auxquels s’échangent les cartes, c’est que l’on remarque une décote plus rapide que chez les hommes.
Jusqu’aux abords de la 200ème place (soit aux alentours de 82 de moyenne générale), on retrouve encore pas mal de fluctuations dans les prix de revente des cartes des joueurs. Malheureusement pour les joueuses, le son de cloche est différent parce que ces mêmes variations de prix arrivent plus rapidement. À tel point qu’elles apparaissent dès la fin du top 20 et qu’un plancher se remet rapidement en place au niveau du top 50. L'effet s’accentue même dans le top 60 puisqu'il faut environ 2 000 crédits pour une joueuse à 84 de moyenne, là où un Kyle Walker, un Federico Chiesa, un Moussa Diaby se vendent encore à plusieurs dizaines de milliers de crédits.
Bref, on ressent que les joueuses sont délaissées et sous-représentées dans les compositions, et il n’y a qu’à poser son regard sur le tableau de popularité actuel du site Futbin, où seulement 39 joueuses ont trouvé leur place parmi les 212 athlètes du ballon rond qui y figurent, pour s'en rendre compte. Exemple final, s’il en fallait un : poste pour poste, Kadidiatou Diani (89) se revend presque 100 000 crédits moins cher qu’Ousmane Dembélé (86) qui ne domine la joueuse que dans le secteur de la vitesse. Alors, qu’est-ce qui coince réellement : une joueuse dans l’équipe Ultimate Team ou le manque de stats améliorant la meta ? Toujours est-il que les joueurs laissent difficilement leur chance à ses dernières.