Une guerre économique a lieu entre deux éléphants, la Chine et les États-Unis. Un secteur industriel clef, très lié à l'ensemble du monde de la tech est particulièrement importante dans ce contexte : celui des puces. Alors que les État-Unis ont multiplié les sanctions économiques, la Chine aurait dû se retrouver rapidement à la traine technologiquement. Et pourtant, un miracle vient de se produire.
La prouesse de Huawei et SMIC qui laisse les État-Unis bouche bée
Cet article évoque deux entreprises chinoises majeures. D'un côté, il y a Huawei, que vous connaissez sûrement déjà pour leurs smartphones, PC ou montres connectées bien distribués sur le marché français. De l'autre, il y a SMIC. Bien entendu, on ne parle pas du salaire minimum légal en France, mais de la Semiconductor Manufacturing International Corp, la plus puissante des entreprises chinoises de puces informatiques. Dans le monde, la part du marché de SMIC tourne actuellement autour de 5 %.
En ce moment, Huawei et SMIC sont certainement les sociétés chinoises qui préoccupent le plus les États-Unis. Toutes deux sont expressément soumises aux sanctions économiques imposées par l'Oncle Sam sur l'industrie chinoise des semi-conducteurs. Et toutes deux sont soupçonnées d'avoir trouvé un moyen de contourner les interdictions que le gouvernement de Joe Biden et ses alliés ont déployé pour freiner le développement technologique du pays dirigé par Xi Jinping.
Pourquoi de tels soupçons ? Dans le nouveau smartphone Huawei Mate 60 Pro, on retrouve une puce sacrément puissante, le SoC Kirin 9000S. Ce circuit intégré fait en ce moment même l'objet d'un examen minutieux de la part des États-Unis car, selon TechInsights, il a été fabriqué par SMIC à l'aide de sa technologie d'intégration 7nm de deuxième génération. Normalement, au vu des sanctions américaines, l'industrie chinoise n'aurait jamais pu avoir accès au matériel de lithographie de pointe capable de produire de telles puces. Précisons que TechInsights est un média canadien très réputé dans son milieu. Tout journaliste tech qui se respecte connait les liens étroits entre TechInsights et l'industrie des semi-conducteurs : l'info est donc extrêmement fiable.
Face à ce constat, Jake Sukkivan, conseiller à la sécurité nationale pour le gouvernement américain, vient de faire la déclaration suivante : "Je ne ferai pas de commentaire sur cette puce en particulier tant que nous n'aurons pas plus d'informations sur ses caractéristiques et sa mise en œuvre, mais, ce que je peux dire avec certitude, c'est que les États-Unis poursuivront leurs restrictions technologiques en se basant sur leurs préoccupations en matière de sécurité nationale, et non sur un découplage commercial, beaucoup plus ambigu". Cela ne fait aucun doute, les USA semblent inquiets.
L'efficacité des sanctions américaines et alliées est remise en question
Les soupçons du gouvernement américain ne portent pas seulement sur le matériel de lithographie qui a vraisemblablement été utilisée par SMIC pour fabriquer le processeur Kirin 9000S. Le pays de Joe Biden est également très surpris par la présence d'une fonctionnalité du Mate 60 Pro qui nous parait basique à nous occidentaux : la connectivité 5G. En effet, les sanctions mises en place par les États-Unis et leurs alliés devraient théoriquement mettre hors de portée de la Chine, du moins pour le moment, la capacité de produire ses propres puces de pointe dotées d'une connectivité 5G.
Alors que s'est-il passé ? Comment SMIC et Huawei ont-ils réussi à accomplir un tel exploit ? Un large éventail d'options est actuellement analysé par les plus grands experts mondiaux de l'industrie des semi-conducteurs. Ceci étant dit, une piste semble plus raisonnable que les autres, et c'est Tilly Zhang, analyste à la société de conseil chinoise Gavekal Dragonomics, qui en parle le mieux. Afin de mieux saisir la situation, il nous faut faire un petit détour et vous parler de lithographie avant de vous livrer les analyses de Zhang. Cela ne sera pas long, promis.
Inconnue du grand public, l'entreprise néerlandaise ASML fournit pourtant les plus grandes sociétés de semi-conducteurs du monde comme Intel, GF ou TSMC. Car oui, aucun de ces géants ne conçoit ses propres machines de fabrication. Pourquoi ? Parce que le procédé de photolithographie aux ultraviolets extrêmes (UVE) est une technologie de pointe particulièrement pénible et onéreuse à mettre en place, tout simplement. Pour tout vous dire, Nikon et Canon auraient pu s'y mettre il y a quelques années, mais les deux firmes ont fini par abandonner car les investissements à effectuer se sont avérés trop massifs. ASML est donc naturellement devenu un leader un monopolistique du secteur. Aujourd'hui, tout le monde dépend d'ASML, industriels chinois inclus. Pas de chance pour ces derniers : les Pays-Bas sont alliés aux États-Unis. Suite aux sanctions de l'Oncle Sam contre l'Empire du Milieu, ASML ne livre pas de machines UVE aux Chinois. À la place, l'entreprise fournit des machines au procédé photolitographique à ultraviolets profonds (UVP), un brin inférieures technologiquement.
Revenons à Tilli Zhang. L'analyse estime qu'il est plausible que SMIC ait trouvé un moyen d'optimiser son équipement de lithographie par ultraviolets profonds (UVP) pour fabriquer des puces de pointe. Selon cet lui, les machines UVP fabriquées par ASML et détenues par certains fabricants chinois de circuits intégrés pourraient théoriquement être utilisées pour produire des semi-conducteurs de 5 et 7 nm, grâce à quelques magouilles d'ingénieurs utra-complexes. A priori, une telle finesse de gravure était impossible à atteindre sans équipement à UVE.
Si Zhang a raison, cette réalisation des ingénieurs de Huawei et de SMIC est vraiment impressionnante. Le fait que les ingénieurs SMIC aient pu produire des circuits intégrés presque aussi sophistiqués que les puces les plus avancées produites par TSMC et Samsung sur des machines moins performantes que celles utilisées par ces deux entreprises atteste de leur expertise et de leurs capacités techniques.
Si la thèse de Tilly Zhang est confirmée, le pays de Xi Jinping pourra continuer à produire des puces de pointe pour alléger la pression qui pèse sur lui jusqu'à ce qu'il soit en mesure de développer ses propres machines UVE, ce qui pourrait vraisemblablement prendre près de 20 ans. Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, ni le gouvernement américain ni ses alliés ne savent avec certitude comment Huawei et SMIC sont parvenus à de tels résultats. Affaire à suivre, donc.