Vous vous rappelez de cet étrange mélange d’incompréhension et de curiosité que laissait le langage crypté de Tunic ? Et bien dans Chants of Sennaar, c’est pareil mais en mieux. On a joué au jeu français qui a fait chavirer le cœur de Jason Schreier et de la presse internationale en pleine folie Starfield, et on vous en parle !
Tunic sans combat
C’est dans les fourneaux du studio toulousain qu’a été façonné Chants of Sennaar, un jeu vraiment pas comme les autres. En un sens, il est comparable à TUNIC, un autre jeu indépendant qui avait fait sensation en 2022. Si les deux titres sont très différents, ils partagent une direction artistique épurée et, surtout, un goût pour les langages énigmatiques. Mais si le gros du gameplay de Tunic consiste à occire des petits monstres, celui de Chants of Sennaar se concentre justement sur ce langage inconnu. Pour avancer, il n’y a pas le choix : vous allez devoir le décrypter grâce à différents puzzles et énigmes. “Un puzzle game dans lequel on ne comprend rien ? Mais qui a envie de s’infliger ça ?” Et bien croyez-moi, non seulement vous allez vouloir vous infliger ça, mais en plus vous allez adorer. Réussir à se faire remarquer par un bon nombre de rédactions, mais aussi quelques journalistes reconnus comme Jason Schreier, au beau milieu d’un planning bouché par les géants Starfield et Baldur's Gate III, ce n’est clairement pas donné à tout le monde. Et pourtant, Chants of Sennaar l’a fait ! Et on a eu envie de savoir quel était son secret.
A week ago I had never heard of this game - now it's one of my favorites of the year. It's called Chants of Sennaar and it's a beautiful, haunting logic puzzle reminiscent of Obra Dinn. Took me ~10 hours to finish. It's out today and you should play it https://t.co/kij8encKIQ
— Jason Schreier (@jasonschreier) September 5, 2023
À dire vrai, on s’était déjà essayé à Chants of Sennaar lors de la dernière Paris Games Week. Au stand Focus, le titre s’est révélé être la petite pépite que l’on n'attendait pas. Et pourtant, on retrouvait au même endroit A Plague Tale : Requiem, fraîchement sorti, et l’attendu Dordogne. Mais le temps de quelques instants, Chants of Sennaar avait déjà réussi à nous happer. Maintenant que nous avons plus d’une heure sur le jeu, on en est persuadé : Chants of Sennaar est un jeu à part. Il nous plonge, sans autre forme de procès, dans un univers où tout est un mystère. Pas de tuto à proprement parler, pas d’indications à outrance, même la musique se fait plutôt discrète… Juste, vous, vos méninges et le monde énigmatique de Chants of Sennaar. À vous d’essayer de comprendre les panneaux ou ce qu’on vous dit pour déchiffrer le langage du jeu, avancer et découvrir quel est le but de votre quête.
Les énigmes ont une saveur toute particulière dans Chants of Sennaar. Votre but est à la fois de débloquer des chemins, mais aussi de comprendre les inscriptions qui vous entourent. Les deux sont ainsi profondément liés. Si au début les énigmes vous permettront de comprendre le langage, la tendance s’inverse au fur et à mesure que vous avancez. Du coup, il va falloir faire des déductions qui seront par la suite confirmées ou non. Très vite, on se retrouve dans une frénésie de l’apprentissage. On veut tout deviner et tout comprendre. Surtout que déchiffrer le langage, c’est aussi un moyen de comprendre l’histoire de ce monde. Il y a donc plein de petites choses qui vous poussent à continuer et à en apprendre davantage. Si bien que l’on ne voit pas le temps passer, et ce malgré quelques longues errances sans but au début. Notez d’ailleurs que la durée de vie du titre serait d’une petite dizaine d’heures. Et puis, plus vous avancez, plus les énigmes et les inscriptions se complexifient. Mais grâce aux mécaniques du titre (hypothèses sur les symboles, rewind…), ce n’est jamais une torture. En gros, c’est terriblement bien pensé et réalisé. On ne se sent jamais trop perdu tout en ayant toujours des questions plein la tête. Vous l’aurez compris, Chants of Sennaar réussit le tour de force de faire d’un jeu incompréhensible, une quête accessible et prenante à la recherche du savoir.
La Tour de Babel comme vous ne l’avez jamais vu
En ce sens, Chants of Sennaar réussit divinement bien sa proposition de réécriture du mythe de la Tour de Babel. “Kesako ?” se diront peut-être certains d’entre vous. Un rapide rappel s’impose donc. La Tour de Babel fait référence à un épisode biblique. Selon ce dernier, les Hommes de Babylone, tous unis autour de la même langue, décidèrent un jour de construire une tour si haute qu’elle serait capable d’atteindre le paradis. Mais Dieu n’apprécia guère cet affront et décida de les punir en les faisant parler des langues différentes. Les Hommes furent ainsi forcés de cesser leur ouvrage et, depuis, règna un brouhaha constant dans la Tour de Babel. Malgré son calme, la tour de Chants of Sennaar souffre du même mal : les gens ne s’y comprennent pas et c’est à vous d’y remédier. Outre le rapport évident au langage, les deux histoires partagent l’idée de tour. Il y a une certaine verticalité dans Chants of Sennaar : plus vous montez, plus vous apprenez, du moins au début. Car en pratique, la tour du titre est plus un labyrinthe géant. Si vous n’êtes pas patient, vous perdre dans les dédales d’escaliers de Chants of Sennaar risque de ressembler rapidement à une corvée. Et pourtant chaque nouvel endroit, chaque découverte constitue un pas de plus vers la compréhension... et un nouvel aperçu du monde fabuleux de Chants of Sennaar.
On l'a dit, le titre de Rundisc est épuré, mais cela ne veut pas dire qu'il n'a pas une direction artistique intéressante, bien au contraire. C'est beau, c'est coloré, c'est soigné et ça colle parfaitement avec l'idée qu'on se fait d'un titre aussi mystérieux. Vous pouvez ajouter à cela un certain nombre d'influences qu'ont notamment relevées nos confrères de chez Le Monde : « Chants of Sennaar évoque ainsi Arzach (1976), chef-d’œuvre sans parole et existentialiste de Moebius. Les décors dans lesquels nous passons tant de temps à errer évoquent quant à eux la science-fiction psychédélique de Philippe Druillet ou les fantasmagories urbaines de François Schuiten. Parfaitement digérées, ces influences viennent donner vie à un monde mystérieux et fascinant. » Au final, ça donne un titre qui tient autant de l’œuvre d'art que du jeu, et c'est toujours un plaisir de découvrir de telle proposition. Et bien sûr, il y a la bande-son composée par le talentueux Thomas Brunet , certes discrète mais envoûtante et particulièrement juste quand elle se réveille et nous embarque avec elle.
Une direction artistique aux petits oignons, un univers aussi poétique qu’intrigant, un air de Tunic dans l’appréhension du monde et un sentiment de progression quasi-constant et enivrant… C’est ce qui fait de Chants of Sennaar un titre complètement à part. Les impatients, les élèves indisciplinés et les fans d'action devront passer leur chemin. Mais pour les curieux et les joueurs avides d'expériences originales, c'est une aventure riche en apprentissages qui vous attend. Un jeu parfait pour la rentrée, qui vous fera oublier vos mauvais souvenirs en cours de langues, promis. Pour rappel, Chants of Sennaar est disponible depuis le 5 septembre sur PC, Nintendo Switch, PS4 et Xbox One.