À moins d'avoir des œillères, cela ne vous aura pas échappé qu'Ubisoft n'a plus la même aura depuis quelques années. Malmenée par plusieurs crises (qualité des jeux, pratiques managériales…), l'entreprise née en Bretagne a vécu des heures compliquées, mais elle n'a certainement pas dit son dernier mot.
Ubisoft, de 1983 à nos jours
Condenser le parcours d'Ubisoft est un exercice qui demanderait un livre, mais il est très intéressé de se pencher sur le destin de cette entreprise familiale. Pour comprendre d'où vient Ubi, il faut remonter à l'année 1983, très précisément dans la commune de Carentoir dans le Morbihan. À l'époque, la Bretagne est fortement agricole et c'est dans cette optique que Yvette et Marcel Guillemot fondent Guillemot Detoc (contraction entre le nom du patriarche et le nom de jeune fille de sa femme), une entreprise spécialisée dans le négoce de produits de sol agricoles. Malheureusement, après quelques temps, l'entité familiale est impactée par des problèmes financiers et risque de péricliter. Pour éviter cette issue, les cinq frères Guillemot se réunissent sous la houlette de Michel, le deuxième membre de la fratrie. De séjour à Londres, ce dernier a découvert des ordinateurs destinés au grand public : le ZX Spectrum et le BBC Micro. La particularité de ces machines, c'est qu'elles ne sont pas très chères et disposent d'une belle panoplie de jeux à des prix bien inférieurs que ce qu'on trouve en France. Il comprend que cette technologie peut être la solution de secours pour la survie de l'entreprise de ses parents.
En effet, la Bretagne ne se trouve qu'à quelques encablures de l'Angleterre. En se lançant dans la distribution de jeux, l'entreprise est à même de surpasser les concurrents de l'hexagone en raison de sa position géographique. Pour les amateurs d'Histoire du jeu vidéo, c'est un peu comme SEGA qui s'est installée à côté de l'aéroport japonais d'Haneda à Tokyo pour être imbattable en matière de transport et réception de marchandises. Et c'est exactement ce qui va propulser Guillemot Informatique, fondée en 1984. Imaginez qu'un éditeur anglais sorte un jeu avant 16 heures, il pouvait être dès le lendemain à Carentoir en Bretagne pour être distribué au reste du pays. L'entreprise va ainsi se développer sur ce principe, en ciblant les meilleurs jeux, et devenir le premier distributeur de jeux vidéo en France, Belgique et Suisse. La suite ? La progression étant fulgurante, Guillemot Informatique va donner naissance à Guillemot International (la maison-mère reste à Carentoir et s'appuie désormais sur une antenne parisienne à Créteil). C'est finalement avec le souhait de créer leurs propres jeux (dont un certain Rayman) que les frères Guillemot vont donner naissance à Ubisoft en 1986. Pour la petite histoire, ce nom vient du terme "Ubiquité", mais il s'agit également de trois lettres qui signifient Union des Bretons Indépendants. Les intéressés n'ont jamais oublié leur terre natale.
Le réveil d'un géant ?
Ubisoft a été malmenée après plusieurs années délicates, mais toutes celles et ceux qui connaissent cette entreprise depuis ses débuts le savent : elle ne rendra pas facilement les armes. Marcel Guillemot avait l'habitude de dire "La chance sourit aux audacieux" et ce ne sont pas ses enfants qui diront le contraire. Il y a quelques jours, le 22 août, Ubisoft s'est réveillée brusquement à la Bourse de Paris. Décollant de près de 9%, l'action de l'entreprise a été boostée par une annonce surprenante. L'entreprise a en effet signé un accord avec Microsoft et Activision-Blizzard en vue d'obtenir les droits de streaming pour tous les titres de cette dernière, Call of Duty inclus.
En parallèle de tout ça, les mois à venir pourraient être très excitants pour l'entreprise et les joueurs. De très beaux jeux sont en préparation ou sont sur le point d'arriver (Avatar : Frontiers of Pandora, Assassin's Creed Mirage, The Crew Motorfest…), ce qui pourrait opérer une bascule positive radicale pour Ubisoft prochainement. Pour l'heure et selon le courtier TC Icap, Ubi a sans doute fait une belle affaire en rendant service à Microsoft dans le cadre du rachat d'Activision-Blizzard. D'un point de vue des spécialistes économiques, cette opération démontre que l'entreprise est toujours un acteur majeur de l'industrie et que devenir partenaire privilégié de Microsoft pour l'avenir est une excellente chose. Comme dans le passé, Ubisoft a su être opportuniste et il y a fort à parier que les années de galère, même si tout n'est pas encore au beau fixe, soient derrière elle.