Et si l’Inde détenait des réponses importantes concernant l’avenir de la planète, et surtout, de sa végétation ? Depuis 200 ans, ce vaste pays se présente comme un vaste laboratoire expérimental en matière de plantations. Les conclusions apportées aujourd’hui par cette situation s’avèrent très intéressantes.
On le sait depuis très longtemps : les forêts sont autant de poumons pour la planète, en raison de la capacité des arbres à capturer le dioxyde de carbone, pour ensuite séparer le carbone de l'oxygène. Pourtant, entre la déforestation industrielle et les incendies de plus en plus nombreux, les forêts sont mises à mal à travers le monde ces dernières décennies.
L’une des initiatives écologiques les plus suivies (et parfois en lien avec certaines politiques de greenwashing de grandes entreprises, on ne pas se mentir) consiste à compenser des émissions de carbone en replantant des arbres là où il y en a besoin. Généralement, ce sont des arbres à croissance rapide qui sont privilégiés, pour d’évidentes raisons. Cependant, cela ne veut pas dire qu’elles sont bonnes pour autant. Car une plantation mal gérée peut avoir des conséquences graves, comme le développement d’une végétation envahissante et nuisible à moyen terme.
Une très longue étude menée en Inde
Cela fait plus de 200 ans que l’Inde expérimente la plantation d’arbres au sens large. Et cette démarche permet, aujourd’hui, d’en tirer certaines conclusions qui ne sont pas négligeables, notamment en ce qui concerne les différents impacts que peut avoir la restauration des forêts non seulement sur l’environnement, mais aussi sur les communautés locales.
Au milieu du XVIIIe siècle, lorsque la Grande-Bretagne a étendu son influence en Inde, elle a eu besoin d’une quantité énorme de bois pour construire des bateaux et des voies de chemin de fer. Elle a jeté son dévolu sur des forêts d’arbres à haut rendement comme le teck, le sal et le déodar. Mais la mainmise de la Compagnie des Indes sur le bois local a provoqué la colère des natifs de ces régions, qui ont riposté en incendiant certaines forêts.
Pendant ce temps, les plantations de teck, une espèce parfaitement adaptée au climat chaud et humide de l’Inde, se sont mises à gagner du terrain et à se propager de manière très agressive. Puis les Britanniques ont introduit d’autres espèces venues du reste du monde, comme des pins d’Europe et d’Amérique du Nord, des acacias d’Australie et même de l’eucalyptus. Progressivement, les forêts indiennes se sont totalement transformées.
Un écosystème rare à l’échelle mondiale
Aujourd’hui, les forêts indiennes offrent une perspective surprenante du point de vue de la biodiversité. On trouve des pins sur une grande partie de l’Himalaya, et le teck a remplacé le sal dans le centre de l’Inde. D’autres espèces sont aujourd’hui très réduites en Inde, ce qui a causé des pertes importantes de matière première, et appauvri la population qui en dépendait.
Mais l’Inde ne suit pas forcément le bon chemin aujourd’hui, malgré son histoire : en proie à une déforestation industrielle, elle s’est engagée à restaurer environ 21 millions d’hectares de forêt d’ici 2030 dans le cadre du Bonn Challenge : le pays souhaite que les forêts recouvrent 33% de sa superficie à terme, mais cela entraîne de nouvelles erreurs qui sont faites. En effet, pour atteindre rapidement son objectif, l’Inde mise sur des plantes comme le bambou ou l’eucalyptus, qui poussent très vite, mais peuvent nuire à l’écosystème.
De plus, certaines plantations sont organisées dans des prairies qui sont utilisées comme pâturage par la population locale. Les rapports sur le sujet sont accablants et mettent en avant le fait qu’une telle démarche risque de créer de nouvelles espèces envahissantes, comme a pu l’être l’acacia il y a 200 ans.
Le constat actuel en Inde tend à démontrer qu’il ne faut pas planter n’importe quoi n’importe où, au risque de fortement perturber la biodiversité des lieux. Replanter des arbres est aussi important que de contrôler et réguler l’écosystème, pour conserver un équilibre essentiel. Une leçon dont devraient s’inspirer tous les organismes qui cherchent, aujourd’hui, à reboiser massivement à travers le monde.