Selon un article alarmant publié par des scientifiques au sein de la revue Nature, le plus grand courant océanique qui influence le climat mondial pourrait s’arrêter dans les décennies à venir. Cette prédiction, énonciatrice d’une véritable catastrophe, se base sur les émissions de gaz à effet de serre. Mais de nombreuses voix s'élèvent contre cette conclusion.
Les effets de l’activité humaine sur l’environnement continuent de se mesurer un peu plus chaque jour et autant le dire tout de suite, les prédictions des scientifiques ont tendance à s’assombrir petit à petit. Aujourd’hui, c’est l’Amoc, un système de courants marins qui comprend notamment le Gulf Stream, qui est au centre des inquiétudes.
Un article publié par un groupe de chercheurs dans la revue Nature tire la sonnette d’alarme : l’Amoc serait purement et simplement sur le point de s’effondrer. Selon les auteurs de l’étude, il y aurait même 95% de certitude que cela arrive avant 2100. « La date la plus probable est 2057, soit dans 34 ans », précise même un communiqué du Niels Bohr Institute de l’Université de Copenhague, où travaillent les climatologues à l’origine de l’article.
Un basculement majeur dans la crise climatique
Selon la communauté scientifique, l’effondrement de l’Amoc aurait des conséquences dramatiques pour toute l’humanité. Un tel événement est « considéré comme l’un des principaux points de basculement du réchauffement climatique avec de profonds effets pour l’humanité », souligne un chercheur de l’université Exeter, Andrew Watson.
Car l’Amoc se constitue d’un ensemble de courants qui transporte l’eau chaude de l’Équateur vers l’Atlantique nord, endroit où ces mêmes courants refroidissent et font descendre l’eau dans les profondeurs de l’océan. Des courants contraires prennent ensuite le relais pour ramener l’eau vers le sud. Ce procédé naturel contribue à réguler le climat, en permettant d’avoir des hivers plus doux dans l’hémisphère sud. Ces courants sont aussi impliqués dans le fonctionnement des moussons, notamment.
Il n’est pas difficile d’imaginer les conséquences de l’effondrement de l’Amoc. Concrètement, certaines régions d’Afrique de l’Ouest et de l’Inde pourraient être privées de pluie, tandis que les hivers au nord seraient nettement plus rudes. De quoi remettre en question les conditions de vie dans ces régions en raison de changements de température très brutaux, mais aussi l’accès à la nourriture.
L’Europe, de son côté, pourrait voir les tempêtes hivernales se renforcer, avec davantage de chutes de neige en lieu et place de chutes de pluie. L’article prédit ainsi « une forte baisse de la végétation et de la productivité des cultures » sur le continent.
Une étude en contradiction avec celle du Giec
Selon l’article de Nature, ce sont les émissions de gaz à effet de serre qui seraient responsables de cet effondrement dans les décennies à venir. Pour parvenir à cette conclusion, l’équipe de scientifiques s’est basée sur des relevés de température de ces 150 dernières années pour étudier l’évolution de l’Amoc.
Cependant, pour certains observateurs, comme Didier Swingedouw, spécialiste de l’Amoc au Laboratoire Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux (EPOC) de l’université de Bordeaux interrogé par France 24, l’estimation de cet article est « osée ».
Un point de vue partagé par Penny Holiday, océanologue et spécialiste de l’Amoc au Centre national britannique d’océanographie, qui parle quant à elle de « conclusion inutilement alarmiste ». Selon elle, il est impossible de réellement prédire un déclin de l’Amoc, pour la simple raison qu’il n’existe pas de données d’observation concrètes du phénomène qui ont plus de 20 ans. En outre, la dynamique de l’Amoc a tendance à varier dans le temps, et il a déjà connu différents déclins avant de s’en remettre.
De son côté, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) s’est, lui aussi, penché sur l’évolution de l’Amoc. L’étude conclut qu’un effondrement du système de courants marins n’est pas possible d’ici à la fin du siècle, et qu’un refroidissement de l’Europe n’est pas non plus d’actualité.
Difficile de savoir qui a tort ou a raison dans cette analyse de la situation, mais bien qu’il faille considérer tous les points de vue, il ne semble pas nécessaire d’être hautement alarmiste à ce stade. Il va sans doute falloir encore de longues études de l’Amoc pour comprendre ce qui se trame réellement pour les décennies à venir.