Le monde du jeu vidéo n’a pas attendu les développeurs de chez FromSoftware (les Dark Souls, Elden Ring…) pour mettre la main sur des jeux à la difficulté très élevée. À l’époque des années 80, c’est même monnaie courante avec les jeux d’arcade : les titres étaient prévus pour être durs pour forcer le joueur à remettre une pièce dans la machine. Sorti en 1989 sur NES (Famicom au Japon), le jeu qui nous intéresse ici aurait très bien pu avoir sa place dans la ludothèque des bornes de l’époque.
Holy Diver, une espèce de clone de Castlevania sorti en 1989
Holy Diver, ce n’est pas seulement le nom du premier album du groupe de métal Dio. C’est aussi le nom d’un jeu vidéo sorti en 1989 au Japon. Il est développé par le studio Irem (derrière les jeux R-Type par exemple). Il garni alors le catalogue de la Famicom (le nom de la Nintendo Entertainment System sur l'archipel nippon) qui comprend déjà de nombreux titres à la difficulté exacerbée : Battletoads, Ghost’n’Goblins, Castlevania 3 ou encore Silver Surfer pour ne citer qu’eux.
Pour parler rapidement du scénario (un aspect sur lequel les jeux de cet époque brille rarement), il s’agit de sauver le Royaume Crimson. En 666, il est menacé de destruction par le roi-démon Black Slayer. Pour sauver son royaume, le roi Ronnie IV décide alors de le confier à ses deux fils Randy et Zakk. C’est Ozzy, serviteur de Ronnie, qui va les entraîner avec l’espoir de sauver l’humanité.
Souvent considéré comme un jeu dans la lignée des Castlevania, Holy Diver ne s’en rapproche que par son esthétique : le héros principal ressemble fortement à Trevor Belmont bien qu’il n’ait ni fouet ni cape. Son gameplay s’inspire plus des jeux en 2D en side-scrolling comme Mega-man par exemple. Le joueur contrôle donc Randy, devenu Roi Sorcier après plus de 17 années d’entraînement. Il doit vaincre ses ennemis à travers six niveaux différents avec un boss à la fin à chaque fois. Les commandes sont simples puisque le joueur peut aller à gauche ou à droite, sauter et tirer des boules de feu pour éliminer les monstres qui rôdent. Il dispose aussi d’un sort (d’autres sont débloquables au fil de l’aventure) qui utilise ses points de mana quand utilisée. Des accessoires peuvent également être trouvés dans les niveaux pour renforcer le physique du joueur (bottes de saut, cape de protection…)
Une difficulté infernale
Depuis sa sortie exclusive au Japon en 1989 puis sa réédition quelques années plus tard dans le monde entier, Holy Diver semble avoir fait plier de nombreux joueurs pour sa difficulté. À la lecture des différents tests et retours des joueurs, Holy Diver fait clairement partie des jeux les plus durs de la console. Même le fait de pouvoir recommencer le même niveau (et pas tout le jeu) au Game Over ne semble pas atténuer la complexité du titre.
Tous soulignent globalement les mêmes écueils. Le sort de Blizzard, à obtenir après avoir vaincu le premier boss, permet d’immobiliser les ennemis mais aussi de transformer la lave en glace. Une fonctionnalité plus qu’importante puisqu’il est parfois indispensable de l’utiliser. Un joueur qui n’a donc plus de points de mana peut s’estimer mort. Il doit alors économiser sa magie, ce qui revient à compter sur son tir de base. Dans un second temps, il faut aussi compter sur les ennemis particulièrement agaçants : un coup de leur part fait sauter le personnage en arrière, le rendant incontrôlable et aussi sujet aux coups des autres ennemis. Tout ça sans compter les nombreux trous disséminés à travers les stages qui sont évidemment synonymes de mort assurée s’il a le malheur de tomber dedans.
De manière générale, les joueurs et les testeurs de Holy Diver ont estimé que le jeu de Irem aurait pu être un bon titre si sa difficulté n’était pas aussi démoniaque. C’est aussi peut-être l’une des raisons qui a bloqué, dans un premier temps, son exportation en Occident.
Une exclusivité japonaise qui peut monter jusqu’à 200 dollars
On l’a dit, Holy Diver n’est sorti qu’au Japon sur Famicom en 1989. Pourtant, le jeu bénéficie d’une mention dans le magazine américain Electronic Gaming Monthly et est prévu aux États-Unis la même année. Qu’a-t-il bien pu se passer pour Holy Diver ? Rien d’officiel, mais trois théories ont émergé depuis.
La première concerne la difficulté trop élevée du jeu. Après une première sortie en avril 89 au Japon, les premiers retours ne sont peut-être pas ceux espérés. Pour les Japonais, trouver le bon dosage dans la difficulté est crucial pour l’exportation d’un jeu. Si elle est trop basse, les Occidentaux ne feront que louer le jeu et le termineront à cette occasion sans payer plein pot. Si elle est à l’inverse trop élevée, la location peut décourager les joueurs d’investir dedans.
La seconde concerne la politique de Nintendo aux États-Unis dans les années 80-90 concernant les jeux comprenant des références catholiques. Sans être exhaustif, on peut mentionner la modification des jeux ActRaiser et de Dragon Quest. Il y a aussi l’introduction de Castlevania 4 comprenant des cercueils avec des croix : ils ont été modifiés pour la sortie du jeu en Europe et aux États-Unis. Il devient alors légitime de penser que Holy Diver, dont le nom veut littéralement dire Plongeur Saint/Sacré et qui comprend de nombreuses croix dans ses niveaux, a pu alors passer à la trappe sur le territoire américain.
En tout état de cause, Holy Diver reste cantonné à l’archipel japonais : de quoi en faire une œuvre de collectionneur. Sur le site de revente eBay, le site PriceCharting mentionne une offre à plus de 200 dollars. Depuis, c’est l’éditeur Retro-bit qui a décidé d’éditer une version pour l’Europe et les États-Unis. En 2018 donc, Holy Diver sort pour la première fois en anglais dans le monde entier. Des éditions tout aussi limitées puisque Retro-bit décide de n’en faire que 2 900 copies. 35 dollars pour la version standard et 60 pour la version collector.
Des inspirations multiples à la limite de la copie
Plus haut, nous vous parlions de trois théories qui ont pu conduire à l’absence d’exportation d’Holy Diver en dehors du territoire japonais. La troisième concerne celui des droits d’auteurs. Nul doute que certains ayant-droits étaient dans la légitimité de se manifester. Bien qu’il n’y ait pas de liens officiels, le titre du jeu affiche le même nom que le premier album du groupe Dio. Ce ne sont pas les seules références musicales puisque chaque personnage partage son nom avec un musicien : Ronnie James Dio, Ozzy Osborne, Zakk Wylde et Randy Rhoads. Même le Crimson Kingdom évoque également un groupe de rock.
Outre ces connexions fortes avec le monde de la musique, Holy Diver n’est pas le premier à le faire : Capcom tire fortement son inspiration de la musique pour sa licence Mega Man. Néanmoins, le titre d’Irem reprend de nombreuses choses déjà aperçues dans le monde du jeu vidéo. L’interface utilisée se rapproche énormément de celle de Zelda 2, le boss final évoque celui de Contra quand ce n’est pas le héros lui-même qui pourrait partager un lien de sang avec la famille Belmont au vu de sa ressemblance.
Malheureusement, Holy Diver n'est donc pas sorti en Occident. S'il semble compliqué aujourd'hui d'avoir la lumière sur cette affaire sur les raisons de son non-export à l'Ouest, on peut toujours constater avec amusement les multiples références (ou emprunts ?) du jeu à certains opus sortis avant lui. Rien de regrettable d'autant que Zelda 2, Megaman ou encore Contra sont bel et bien sortis chez nous. Pour ce qui est de la difficulté de l'époque, certains services comme le Nintendo Switch Online propose un catalogue dans ce sens avec la présence de Ghost'n'Goblins ou encore Gradius. En espérant tout de même qu'il accède à la postérité pour les nombreuses histoires qui l'accompagnent et qui, comme dirait Dio, ne reste pas trop longtemps dans la mer de minuit.