Les États-Unis et la Chine se livrent une bataille sans merci sur l'industrie des semi-conducteurs. Les puces étant au centre d'à peu près tous les objets high tech que vous utilisez au quotidien, cette bataille économique vous impactera, que vous le vouliez ou non. Dans 3 jours, la pression sur la Chine va fortement s'accentuer. On vous explique.
Les attaques à répétions des États-Unis contre l'industrie chinoise des puces
Depuis le mois de mars dernier, nous vous parlons régulièrement des mouvements de fond qui secouent les acteurs de l'ombre du monde de la tech. Si vous n'avez pas tout suivi, vous risquez d'être un peu perdu(e) en prenant l'histoire en cours de route. Commençons donc cet article par un rapide résumé des enjeux.
Avant toute chose, il faut rappeler ce qu'est un semi-conducteur. Ce composant électronique de la taille d'un grain de sable constitue une pièce essentielle de l'écrasante majorité des produits high tech. Smartphone, PC, voitures électriques, et même TV 4K : tout le monde a besoin de semi-conducteurs. Dans ce secteur industriel clef, la Chine a été prise pour cible.
Les États-Unis ne cachent pas leur animosité envers l'Empire du Milieu et le gouvernement de Joe Bident fait tout pour isoler la Chine, la couper de l'ensemble des acteurs principaux de l'industrie des puces (Japon, Corée du Sud, Allemagne, Pays-Bas...). Une sorte de "bloc occidentalisé" s'est formé et la stratégie fonctionne : la Chine prend coup sur coup.
Pour comprendre l'actualité qui nous intéresse aujourd'hui, il ne nous reste plus qu'à vous présenter un protagoniste majeur de l'industrie des puces : ASML, la société néerlandaise qui fabrique les équipements de lithographie les plus avancés de la planète. Inconnue du grand public, l'entreprise fournit pourtant les plus grandes sociétés de semi-conducteurs du monde comme Intel, GF ou TSMC. Car oui, aucun de ces géants ne conçoit ses propres machines de fabrication. Le procédé de photolithographie aux ultraviolets extrêmes est une technologie de pointe extrêmement onéreuse. Pour tout vous dire, Nikon et Canon auraient pu s'y mettre mais les deux firmes ont fini par abandonner car les investissement à effectuer se sont avérés trop massifs. ASML est naturellement devenu le leader mondial du secteur. Aujourd'hui, tout le monde dépend d'ASML, industriels chinois inclus. Pas de chance pour ces derniers : les Pays-Bas sont alliés aux États-Unis.
Maintenant que vous avez en tête ces éléments de contexte, place à l'info. Vous l'avez vu dans le titre : dans 3 jours, la pression qu'appliquent les États-Unis sur l'industrie chinoise va fortement s'intensifier. En effet, le vendredi 30 juin 2023, un nouveau paquet de sanctions entrera en vigueur. Comme les précédentes, ces sanctions visent à freiner le développement de l’industrie chinoise des semi-conducteurs.
Les nouvelles sanctions qui tomberont dans 3 jours contre les semi-conducteurs de Chine
Le gouvernement américain semble prêt à tout pour ne pas voir les machines impliquées dans la fabrication de circuits intégrés de pointe tomber entre les mains de la Chine. À cause de cet acharnement, de nombreuses entreprises privées, dont ASML, se retrouvent malgré elles impliquées dans le conflit qui unit les deux superpuissances économiques que sont la Chine et les États-Unis.
À première vue, on pourrait penser que la Chine est foutue : ASML étant en position quasi-monopolistique, il suffit aux Pays-Bas de couper les vannes pour assécher l'Empire du Milieu. Sauf que ce n'est pas si simple. Couper les exports en direction de la Chine, c'est s'exposer à des sanctions économiques qu'un petit pays européen ne peut pas forcément se permettre. L'Empire du Milieu représente un énorme marché dans lequel résident plusieurs clients très importants pour ASML, comme SMIC ou Hua Hong Semiconductor. Le gouvernement des Pays-Bas est pris au piège. Doit-il céder à la pression de son allié occidental quite à s'aliéner son partenaire oriental ? Dilemme.
Peter Wennink, le directeur général d'ASML, s’est rendu en Chine au début du mois d’avril afin d'échanger avec ses meilleurs clients locaux mais aussi avec Wang Wentao, ministre du Commerce de Xi Jinping. Vous l'avez compris, le patron à traverser le monde à la recherche d'un compromis. Suite à cette rencontre, Mao Ning, la directrice adjointe et porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a sévèrement critiqué les mesures prises par les États-Unis et la pression qu’ils exercent sur d’autres pays a priori exterieurs aux tensions géopolitiques entre les deux superpuissances.
Rien n'y a fait. La pression américaine a gagné. Dans 3 jours, les nouvelles sanctions qui entreront en vigueur vont empêcher à ASML de livrer ses clients chinois en équipements de lithographie UV profond (UVP). Jusqu’à présent, les sanctions déjà actives empêchaient ASML de vendre au pays asiatique ses machines de lithographie les plus avancées, qui sont les équipements d’ultraviolet extrême (UVE). Sachez que les ventes d'UVP ont représenté 34% du total des revenus d'ASML en 2022.
Ce nouveau coup majeur porté à la Chine par les USA sur l'industrie des puces représente donc également un coup majeur porté aux Pays-Bas. Une question se pose alors : est-ce que tout cela en valait bien la peine ? Certes, à moyen terme, les nouvelles sanctions poseront problème aux compagnies chinoises. Les équipements de lithographie UVP supportent une partie très importante de l’industrie des semi-conducteurs et ne pas être en mesure de renouveler les machines actuelles ou d’étendre une infrastructure ne peut que nuire aux entreprises du pays. Sauf que, dans ces circonstances, la Chine n’a pas d’autre choix que d’assurer son indépendance vis-à-vis des puces des puissances étrangères en développant une sorte d'ASML local. Et la Chine a les moyens d'y arriver.
Plus nous exercerons de pression sur la Chine, plus nous aurons de chances de doubler leurs efforts pour développer leurs propres machines de lithographie. Les lois de la physique en Chine sont les mêmes qu’ici
Peter Wennink, PDG d'ASML
Il ne fait aucun doute que Wennink a raison. L’administration chinoise va à présent développer son industrie des semi-conducteurs à coup de milliards. En attendant, elle doit encore relever des défis techniques très importants pour s’émanciper totalement des puissances étrangères. Affaire à suivre.