Le mois de juillet n’est même pas commencé que certains joueurs, au vu d’un premier semestre riche, s’interrogent déjà. Quel jeu vidéo repartira au mois de décembre avec le trophée du Meilleur Jeu de l’année (GOTY) sous le bras ? Chacun y va de son avis, divisé entre affirmations rationnelles et considérations personnelles. Mais qu’il est déjà dur de répondre, rien que pour nous-mêmes, à cette question : “Quel est notre jeu de l’année ?’’ C’est en tout cas le constat que j’ai fait il y a peu et c’est grâce à un jeu de rôle sorti cette année que j’ai pu avoir mes premiers éléments de réponse.
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
Il faut le dire, 2023 est une année chargée en jeux vidéo. Rien que durant ces six premiers mois de l’année, de nombreux titres sont sortis. Fait assez étonnant d’ailleurs, 2023 semble être l’année idéale en ce qui concerne de nombreuses licences phares du jeu vidéo. The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom pour Zelda et Nintendo, Diablo revient avec un quatrième volet numéroté, Final Fantasy poursuit l’aventure avec un seizième épisode numéroté tandis que Street Fighter, elle aussi, est montée sur le ring. Tout ça sans compter Tekken et le nouveau jeu Super Mario Bros, attendus pour la deuxième partie de l’année.
Ce début d’été constitue alors la période idéale pour une petite introspection. Pour un petit bilan sur ce premier semestre de 2023. Une période idéale pour la simple et bonne raison que Final Fantasy 16, sorti depuis le 22 juin, conclut la première valse de titres très attendus. L’ironie du sort a voulu que je me penche sur cet article en cette semaine sacrée pour les amateurs de Final Fantasy. Un nouvel opus qui semble définitivement prendre le virage du jeu d’action entamé par Final Fantasy 15. Dans les colonnes de JV, nous constations que certains joueurs étaient déçus par ce changement, eux qui ont été bercés par le système de combat au tour par tour (puis de la jauge ATB) des débuts de la saga. Qu’ils soient rassurés, l’un de mes jeux de l’année a tout pour reprendre le flambeau et laisser le champ libre à un Final Fantasy en révolution permanente.
Sommaire
- Un jeu de pistes permanent permis grâce à une excellente écriture
- Que des n°10 dans ma team
- Quand la forme participe au fond
- Vivre sa propre aventure
Un jeu de pistes permanent permis grâce à une excellente écriture
Certains l’auront compris grâce aux quelques petits indices disséminés dans les premiers paragraphes de cet article. C’est bien d’Octopath Traveler 2 dont je m’apprête à défendre la cause. Pourquoi ? Parce qu’il nous pousse à faire le pas de côté supplémentaire.
Développé par le studio Acquire et édité par Square Enix, Octopath Traveler 2 est dans la lignée de ce que proposait le premier épisode. Sans être sa suite directe (Octopath Traveler 2 s’apprécie parfaitement même en n’ayant pas joué au premier), il reprend la quasi-totalité des mécaniques de son prédécesseur, efface ses scories et apporte même sa touche à lui.
Bref, il s’agit toujours d’explorer le monde à travers le prisme de huit personnages aux destinées particulières. Par exemple, Osvald est un érudit qui cherche son collègue Harvey : il a tué sa femme et sa fille en foutant le feu à sa maison. Il cherche donc d’abord à s’échapper de prison (accusé d’avoir lui-même été l’auteur des crimes) avant de procéder à une enquête sur les éventuelles traces de Harvey. Si cette aventure aborde évidemment le thème de la vengeance, d’autres sont magistralement glissés : la quête de savoir, la vie de famille. Un constat qui s'observe également pour les 7 autres contes.
Mais j'en conviens, les débuts d’Octopath Traveler 2 peuvent être pénibles : vivre chaque premier chapitre de chaque personnage peut être fastidieux. Mais chaque bonne histoire a besoin d’un peu de mise en scène. Une fois l’introduction passée, ce deuxième opus donne habilement au joueur l’envie de poursuivre la lecture. Contrairement à son prédécesseur, ce deuxième épisode présente de gros retournements de situations et arrive bien mieux à utiliser chaque aventure pour réaliser son épilogue.
Les derniers chapitres se dévorent en esquivant habilement l’écueil de la linéarité puisque chaque personnage vit réellement une aventure qui n’a rien à voir avec celle de ses compagnons. Quelque chose d’autant plus vrai dans Octopath Traveler 2 que Square Enix montre qu’il a écouté ses joueurs avec les quêtes en duo qui impliquent chaque fois deux des huit protagonistes. Une écriture et une narration aux petits oignons qui s’observent aussi de manière plus générale.
Les personnages sont tous très bien définis à travers à une ribambelle de caractéristiques. Par exemple, tout ce qui touche à Hikari guide le joueur vers le samouraï : son royaume renversé par un général avide de pouvoir, sa tenue, la possibilité de provoquer en duel des adversaires ou encore son thème musical évoquant forcément le Japon féodal. Chaque personnage dispose d’énormément de contexte sans que ce dernier ne soit limitant pour l'imagination du joueur.
Quelque chose d'autant plus palpable par la façon dont est régi le monde du jeu.
Chaque personnage dispose de deux moyens d’interagir avec les personnages secondaires. Une interaction noble (possible le jour) et sa version plus immorale (possible la nuit). Pour reprendre l’exemple d’Osvald, il peut scruter les gens la journée pour apprendre des choses sur eux tandis que, la nuit, il leur extorque leurs biens. Et c’est tout autour de ça que se construit Octopath Traveler 2 ainsi que son plaisir d’y jouer.
Baladé de ville en ville, le joueur est amené à croiser de nombreux personnages. Plusieurs d’entre eux ont besoin de vos services mais ne vous le demandent jamais directement. C’est à vous de déduire ce qu’il faut faire dans un contexte donné, le jeu ne vous murmurant seulement les indices. C’est un jeu de pistes permanent qu’il faut réaliser grâce aux interactions possibles (scruter, voler, provoquer et guider). Ce processus de réflexion, en plus d’amener une récompense dans le jeu, est super satisfaisant. On a trouvé ce qu’il fallait faire, sans être allé voir sur Internet ou que le jeu nous aide : il n’y a pas de point clignotant sur une carte auquel il faut juste se rendre comme cela peut l’être sur des jeux comme The Witcher 3 et FF7 Remake (que j’ai pourtant adorés !). C’est à nous de trouver, tout seul, ce qu’il faut faire. Une sensation super galvanisante que je n’avais presque plus ressentie depuis Zelda Breath of the Wild.
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Que des n°10 dans ma team
Cette analyse permanente se retrouve aussi dans les combats : un aspect approfondi dans Octopath Traveler 2 par rapport à son prédécesseur. Ils se déroulent au tour par tour avec l’ordre de passage des personnages indiqué en haut de l’écran. Il s’agit alors toujours de mettre les points de vie de l’adversaire à zéro grâce au système de Faille/Exaltation propre à la licence. Chaque ennemi dispose de faiblesses particulières (le bâton, la hache ou encore le feu ou la lumière) : taper sur ces faiblesses permet de briser peu à peu un bouclier fictif. Une fois ce dernier à zéro, l’ennemi est en état de choc ; c’est-à-dire qu’il ne peut rien faire sur le tour actuel et suivant tout en prenant plus de dégâts.
Ce procédé de Faille se conjugue extrêmement bien à celui d’Exaltation.
Chaque tour, chaque personnage gagne un point d’exaltation et peut en utiliser jusqu’à trois en même temps. Ils augmentent alors l’attaque ou la capacité en question, permettant soit de mettre l’adversaire en choc plus rapidement soit d’infliger de gros dégâts. Ce système est diablement efficace puisqu’il permet, encore une fois, d’impliquer le joueur. Il faut redoubler de tactique afin d’optimiser ses dégâts contre un ennemi, ou encore le mettre en état de choc pour l’empêcher de semer la zizanie dans votre équipe.
À l’instar des quêtes, les affrontements constituent aussi l’occasion de tâtonner, tester des choses surtout grâce à la personnalisation de ses personnages. Chacun d’entre eux dispose, en plus d’un moyen d’interagir avec le monde, d’une classe de base. En tant qu’érudit, Osvald lance des sorts élémentaires. La chasseuse Ochette compte sur son arc, sur sa hache et les monstres qu’elle capture pour vaincre ses ennemis. Mais tous peuvent disposer d’une seconde classe parmi les sept autres disponibles. Si le joueur en a les moyens (les classes secondaires s’obtiennent via des licences, à récupérer via des tâches précises) et la volonté, il peut même avoir Osvald et ses trois autres personnages avec érudit en classe secondaire. Ça sans compter les quatre classes divines débloquables plus tard dans le jeu.
Chaque personnage dispose, en plus de tout ça, une aptitude spéciale qu’il peut utiliser si sa réserve d’énergie est pleine. La voleuse Throné peut rejouer instantanément, le marchand Partitio peut remplir sa jauge de points d’exaltation. Pratique puisqu’il a aussi une capacité lui permettant de les donner à un allié ! Celle du prêtre Temenos est aussi très utile puisqu’elle permet de réduire la barre de choc adverse avec n’importe quelle attaque. En résumé, les huit aventuriers disposent chacun d’énormes atouts qu’ils font valoir. On veut rapidement tout essayer !
Encore une fois, le bricolage personnel de son équipe de rêve est le maître-mot. Les possibilités sont plus que nombreuses et je n’ai pas eu la sensation une seule fois qu’une combinaison était en-dessous d’une autre. C’était même l’inverse ! En changeant ma composition des personnages, je m’ouvrais encore plus le champ des possibles. Quelque chose que le jeu force habilement à faire le joueur à travers des boss aux compétences spéciales ou aux résistances particulières. Cerise sur le gâteau, on ne peut pas reprocher à Octopath Traveler 2 la nécessité de devoir battre en boucle des monstres pour monter de niveau (le terme farming est souvent utilisé) régulièrement dans l’aventure. Excepté pour le boss final, le jeu nous balade d’aventure en aventure sans que cela soit un réel problème. Croyez-moi, sinon je n’aurai sans doute pas passé 65 heures sur le jeu avec une bonne trentaine d’heures en trois jours.
Quand la forme participe au fond
Enfin, il est difficile de ne pas mentionner dans cet article la direction artistique de grande qualité d’Octopath Traveler 2. J’ai souligné à plusieurs reprises comment Octopath Traveler 2 réussit à immerger le joueur, à l’impliquer dans son aventure. Les thèmes musicaux y sont souvent aussi pour quelque chose et arrivent, selon moi, à transposer de manière habile l’atmosphère du moment.
Cette dernière est aussi extrêmement bien retranscrite grâce à la 2DHD et à ses jeux de lumière que l’on observe avec plaisir grâce au cycle jour/nuit. Il ne faut pas oublier que, si ce parti pris revient à la mode aujourd'hui, c'est Octopath Traveler premier du nom qui y a grandement contribué ! Et pour le moment, aucun élève ne semble avoir dépassé le maître à ce niveau-là.
Dans un registre différent mais toujours concernant l’emballage de cet Octopath Traveler 2, il faut saluer la performance des doubleurs. Ce sont eux qui donnent un supplément d’âme à chaque histoire, multipliant encore le plaisir de jeu et donnant envie d’aller plus loin.
Vivre sa propre aventure
À mon sens, le studio Acquire arrive à immerger le joueur dans le monde d’Octopath Traveler à différentes échelles. Sans vouloir faire (déjà) le vieil aigri, une majorité de AAA récents prennent trop la main du joueur. Pourtant, l’appréciation d’un jeu est selon moi souvent proportionnelle à une seule chose : la découverte, par nous-mêmes, de nouvelles choses. Celles-ci nous amènent à tester toujours plus et, dans la foulée, découvrir encore. En bref, le sentiment d’être responsable de notre voyage. Parfois, celui-ci est "forcé" mais de manière habile. Tout le monde vous parlera du début de Breath of the Wild et comment Nintendo a réussi à vous faire une suite d’actions tout en vous faisant croire que vous en étiez le maître. C'est exactement cette sensation que j'ai ressenti via mon expérience d'Octopath Traveler 2. À ce sujet, il n'est pas étonnant que plusieurs GOTY de ces dernières années affichent cette dimension-là. BotW en 2017, Sekiro : Shadows Die Twice en 2019, It Takes Two dans une certaine mesure en 2021 et bien sûr Elden Ring en 2022. En ce qui concerne 2023, les jeux sont loin d’être faits : d’un point de vue uniquement sorties, la deuxième partie de l’année n’a rien à envier à la première. Il faudra tout de même attendre le mois de décembre pour en avoir le cœur net.
De mon côté en tout cas, je crois savoir comment trouver quel est son “jeu de l’année”. C’est un jeu qui aura réussi à nous faire vibrer, à nous émerveiller mais surtout à donner le sentiment de vivre notre propre histoire et de ne pas être juste derrière un écran. C'est bien pour cela que ce genre d'expérience se démarque, curieusement, lorsqu'il trouve son épilogue. On est à la fois heureux d’avoir vécu quelque chose d’aussi fort et surtout attristé que cela se soit terminé. Logique puisque c'est une partie de sa propre histoire qui s'arrête. Nul doute que de mon côté, parmi les jeux sortis en 2023, seuls deux pour le moment ont réussi à me donner ce sentiment de vivre ma propre aventure. Et Octopath Traveler 2 en fait clairement partie.