C'est dimanche et comme chaque semaine, c'est l'heure de faire un nouveau point sur l'actualité business de l'industrie du jeu vidéo. Entre bilans financiers, décisions attendues et lancements fulgurants, la semaine qui vient de s'écouler a été très dense.
Sommaire
- Ubisoft : le plus mauvais bilan de son histoire sur fond de restructuration
- Rachat d'Activision-Blizzard : Microsoft respire grâce à l'Europe
- Take-Two Interactive (GTA) perd un milliard, Zynga en grande partie responsable
- En bref dans l'actualité business de la semaine
- Nos autres articles business de la semaine
Ubisoft : le plus mauvais bilan de son histoire sur fond de restructuration
L'éditeur français avait prévu le coup lors de son dernier bilan, et l'année fiscale 2022-2023 d'Ubisoft est bien l'une des pires jamais enregistrées. Actuellement entre deux cycles avec l'intention de réduire les coûts d'environ 200 millions d'euros, Ubisoft qualifie de "pivot" une année qui a vu les pertes nettes exploser. Ces derniers mois, plus de 700 employés ont été priés de trouver un nouvel emploi, en sachant que ces départs concernent essentiellement des services de distribution et de support. En conséquence, Ubisoft repasse sous la barre des 20 000 salariés à travers le monde, ce qui reste énorme quand on pense au fait qu'Activision Blizzard compte environ 13 000 employés.
Nous poursuivons notre plan de réduction des coûts d’au moins 200 millions d’euros sur les deux prochaines années. Grâce à un contrôle strict des recrutements allié aux premières restructurations ciblées – dont la fermeture de 5 bureaux en Europe – les effectifs mondiaux sont passés sous la barre des 20 000 salariés contre plus de 20 700 à fin septembre 2022. (Frédérick Duguet)
Mais alors, ça dit quoi au niveau des chiffres. Accrochez-vous, car ils donnent le vertige. Le chiffre d'affaires annuel d'Ubisoft passe de 2,1 à 1,8 milliard d'euros, mais c'est au niveau des bénéfices opérationnels et nets que les choses se gâtent. Sur l'année 2021-2022, Ubisoft affichait un bénéfice opérationnel de 241,5 millions d'euros. Pour l'exercice clos fin mars, on parle d'une perte de 585,5 millions d'euros, qui se traduisent par une perte nette de 494,7 millions, soit l'équivalent de cinq ans de bénéfices. Pour revenir dans le jeu tout en poursuivant sa restructuration, Ubisoft va très fortement miser sur Assassin's Creed et notamment sur Assassin's Creed Mirage.
On l'avait compris au moment de l'annonce des différents projets, mais ce sont plus de 2000 personnes qui travaillent actuellement sur la licence. En parallèle, Ubisoft comptera sur le free-to-play XDefiant, Skull and Bones, Avatar : Frontiers of Pandora, The Crew Motorfest ou encore Rainbow Six Mobile et The Division Resurgence. Au moins un jeu AAA n'a pas encore été annoncé, mais on en saura plus lors de l'Ubisoft Forward du 12 juin prochain. En mettant tout ceci bout à bout, Ubisoft espère présenter des bénéfices d'environ 400 millions à la fin de l'année fiscale en cours.
Rachat d'Activision-Blizzard : Microsoft respire grâce à l'Europe
Les dernières semaines ont été difficiles pour Microsoft et sa branche Xbox. Le lancement de Redfall a remis sur la table la question de la capacité de l'éditeur à sortir des titres forts, tandis que le rachat d'Activision Blizzard King s'enlisait. Alors que les analystes pensaient que le régulateur britannique allait approuver l'opération, ce dernier a tout simplement dit non. Un non ferme, bloquant le rachant sur le territoire. Microsoft peut aller en appel, mais ça ne garantit rien et il fallait à tout prix qu'un marché important donne son aval pour espérer présenter un dossier assez solide.
Du côté américain, il faudra attendre le procès de la FTC dans plusieurs mois, c'est donc vers l'Union Européenne que les regards se sont tournés. Prenant son temps, la Commission Européenne avait reporté sa décision au 22 mai au plus tard. Mais c'est avec quelques jours d'avance que le verdict a été publié, et c'est une très bonne nouvelle pour Microsoft et Activision Blizzard King. L'Union Européenne a en effet approuvé le projet de rachat, estimant que les données fournies ainsi que les engagements pris permettent à la concurrence de poursuivre ses activités sans que les règles ne soient faussées.
La Commission a fondé sa décision sur des éléments de preuves concrets et sur de nombreuses informations et observations provenant des concurrents et des consommateurs, y compris des développeurs et des distributeurs de jeux, ainsi que des plateformes de streaming de jeux en nuage dans l'UE. (...) Même si Microsoft décidait de retirer les jeux d'Activision de la PlayStation, cela ne porterait pas de préjudice grave à la concurrence sur le marché des consoles. Sony pourrait tirer parti de sa taille, de son catalogue de jeux étoffé et de sa position sur le marché pour contrer toute tentative d'affaiblissement de sa position concurrentielle.
Autrement dit, les arguments sont Sony concernant Call of Duty et le marché console sont balayés d'un revers de la main. L'UE avait déjà mis de côté cette inquiétude-là pour se concentrer sur le marché naissant du Cloud Gaming, ce même marché qui a conduit la CMA à dire non. Pour l'UE, les engagements de Microsoft sont suffisants. Lorsque le rachat aura lieu, s'il a lieu, Microsoft fournira des licences gratuites pour que tous les services Cloud puissent lancer les jeux. Une décision qui sera étendue à l'échelle mondiale comme annoncé par la direction de Microsoft. Quant à la question de quitter le territoire britannique, on est pour le moment sur de l'esbroufe. Reste que la porte a été laissée ouverte par Satya Nadella, PDG du géant de la tech.
Take-Two Interactive (GTA) perd un milliard, Zynga en grande partie responsable
La saison des bilans financiers annuels se poursuit, avec cette fois-ci le compte rendu de Take-Two Interactive, propriétaire de studios tels que Rockstar et donc Zynga. Lors des précédents résultats, on évoquait la digestion du rachat de Zynga, facturé 11,7 millards d'euros. L'éditeur, qui s'est fait connaître avec ses jeux sociaux sur Facebook, dispose encore d'un énorme catalogue et permet à Take-Two de voir son chiffre d'affaires s'envoler à près de 5 milliards d'euros, contre 3,2 l'an passé. Cependant, l'éditeur de Red Dead Redemption II, NBA 2K et Grand Theft Auto V enregistre une perte nette record d'un milliard d'euros. Les bénéfices réalisés sur les deux années de pandémie se sont donc envolés. L'intégration des résultats a également un impact très important sur la lecture des chiffres puisque près de 80% des revenus proviennent des dépenses dites récurrentes : achat in-game, achat de monnaie virtuelle, DLC et publicités.
Pour aller un peu plus loin 95% des revenus du groupe sont numériques, nouveau signe s'il en fallait de la domination totale du dématérialisé dans l'industrie. Bien sûr, le fait que Zynga fasse pour la première fois partie des comptes avec son catalogue modifie l'ensemble des chiffres. Les jeux la firme, tels que Words with Friend, Merge Dragons, Zynga Poker, War of the Fallen ou encore Toon Blast, forment désormais la majorité du catalogue de Take Two Interactive. Bon, résumons : Take Two a intégré Zynga, racheté officiellement en mai 2022. A la fin de l'année fiscale, l'éditeur a donc annoncé un chiffre d'affaires de 4,9 milliards d'euros et une perte nette d'un milliard. Comme d'habitude, les entreprises profitent de leurs bilans pour faire des projections, afin d'informer leurs investisseurs de ce qui devrait globalement se passer.
Autrement dit, on rassure ou on prévient, avant d'ajuster. Dans le cas de Take-Two, ces projections sont particulièrement observées, car un certain Grand Theft Auto VI est attendu, très attendu. Et quand on regarde les projections pour l'année fiscale 2024-2025, on remarque que Take Two anticipe un CA de 8 milliards de dollars et un flux de trésorerie d'exploitation de plus d'un milliard. Un tel CA ne saurait être atteint avec les franchises habituelles, c'est pourquoi de nombreux observateurs pensent que GTA VI pourrait être lancé durant cet exercice. Prudence cependant, car l'éditeur annonce également "plusieurs jeux révolutionnaires" qui n'ont pas encore été annoncés.
En bref dans l'actualité business de la semaine
- La nouvelle est arrivée en toute fin de semaine et ne lui permet que de figurez ici, mais la Chine a accepté sans conditions le rachat d'Activision Blizzard King par Microsoft.
- Carton plein en deux temps pour The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom. 500 000 copies ont déjà été vendues en France selon les chiffres du Figaro. Ces données excluent le dématérialisé, laissant imaginer l'ampleur du lancement. Ajoutons à ça les 10 millions de copies vendues dans le monde en 3 jours, et vous avez le meilleur lancement d'un jeu first-party Nintendo.
- Fin de parcours pour Pac-Man 99, qui sera débranché définitivement le 8 octobre.
- L'Arabie Saoudite a augmenté sa participation au capital d'Electronic Arts par l'intermédiaire de son fonds public d'investissement. Le PIF détiendrait désormais 24,81 millions d'actions, soit environ 9% de l'entreprise.
- L'écosystème Nintendo Switch aurait généré 69 milliards de dollars selon TweakTown. Cela comprend le milliard de jeux vendus, les 125 millions de consoles écoulées et toutes les dépenses intégrées.
- Steam va arrêter d'utiliser Google Analytics. Valve affirme l'outil ne correspond plus à l'approche de Steam concernant la vie privée des utilisateurs.
- 2 millions de Xbox Series ont été vendues au Royaume-Uni depuis la sortie des consoles. C'est plus rapide que la Nintendo Switch, mais moins que la Xbox One qui s'était ensuite inclinée face à la PS4.
- 500 000 unités vendues pour le terrible Darkest Dungeon II, dont 230 000 après le lancement officiel du titre. Les développeurs de Red Hook Studio peuvent donc garder le sourire pendant que notre santé mentale disparaît !
Nos autres articles business de la semaine
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