Depuis quelques mois, l’intelligence artificielle est sur toutes les bouches. On entend parler de ChatGPT, de Bing mais aussi de MidJourney : des entités capables de générer du contenu de manière plus impressionnante que jamais. Des technologies qui peuvent être utilisées dans de nombreux domaines. Elles peuvent servir à générer des images pour le milieu artistique, relire des codes pour les développeurs voire rédiger des dissertations entières pour des étudiants en galère. Dans le milieu du jeu vidéo, l’utilisation de l’intelligence artificielle ne date pourtant pas d’hier. Depuis des années, les studios s’en servent. Le comportement des ennemis ? Intelligence artificielle. Génération procédurale d’environnement ? Intelligence artificielle. Il faut dire que le terme intelligence artificielle englobe tout ce qui est issu de la machine.

Si l’on s’y intéresse plus ces dernières années, c’est que l’intelligence artificielle a évolué. Certaines d’entre-elles intègrent le Deep Learning : un mot anglais qui désigne la capacité de l’intelligence artificielle à s’appuyer sur une base de données pour produire du contenu (image, texte ou son). Elle utilise alors cette base de données pour s’entraîner et fournir des contenus toujours plus pertinents. On le voit récemment avec ChatGPT : l’intelligence artificielle de l’entreprise OpenAI permet de rédiger de nombreuses choses (du code pour développeurs, dissertations, résumés de film ou biographie de personnes célèbres) et même d’inventer des intrigues de jeux vidéo fictifs. Il y a quelques mois, c’est également l’intelligence artificielle MidJourney qui fait parler d’elle puisqu’elle peut générer des images selon les thèmes souhaités par l’utilisateur. À titre d’exemple, on lui a déjà demandé d’illustrer des personnalités (comme Emmanuel Macron) en tant que personnage de jeux vidéo voire d’esquisser des personnages de mangas en live-action.

L'intelligence artificielle : utile depuis des années pour de la génération procédurale

Comme évoqué au début de ce papier, l’intelligence artificielle n’est pas nouvelle dans le monde du jeu vidéo. Certains titres très populaires ont même basé leur force sur elle. C’est le cas pour beaucoup de titres qui utilisent la génération procédurale d’environnements. Le jeu No Man’s Sky dispose d’un nombre colossal de planètes explorables grâce à la génération procédurale. Chaque nouvelle partie dans les jeux vidéo de survie comme Valheim ou Terraria est différente de la précédente car le monde n’est pas disposé de la même manière. Une technique qui permet l’existence du genre roguelite : Hades, Dead Cells ou encore Binding of Isaac l’utilise pour créer des niveaux différents à chaque partie. Dans ce sens, certains arrivent même à créer un générateur de niveau pour Super Mario Bros :

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En somme, la génération procédurale permet de produire un contenu en grande quantité de façon automatisée mais qui obéit quand même à un certain nombre de règles définies par les développeurs. Elle est principalement utilisée pour générer des environnements (en 2D ou 3D) mais peut également servir à créer du texte ou des dialogues. On peut prendre l’exemple récent du Youtubeur Joov. Grâce à ChatGPT, il a pu créer une IA capable de lui donner différentes quêtes dans Skyrim qu’il s’est amusé à réaliser.

Dans un autre registre, c’est surtout pour la création de lore et des personnages secondaires que semblent être intéressés les studios de jeux vidéo. On observe déjà l’émergence de mods qui s’appuient sur GPT pour rendre "uniques et authentiques" des PNJ (personnages non-jouables) dans Mount & Blade II : BannerLord. Un concept aussi utilisé par le studio chinois NetEase. Les co-développeurs de Diablo Immortal emploient cette technologie dans leur jeu Ni Shui Han : les PNJ pourront générer des réponses grâce à une intelligence artificielle. De quoi avoir la promesse de vrais dialogues mais qui peut vite avoir ses limites.

Tout d’abord parce que cette génération procédurale peut fonctionner de la même manière pour chaque PNJ. Réussir à faire dire des choses différentes pour une même phrase donnée n’est pas chose facile et nécessite de la personnalisation en amont. Dans un second temps, il est également possible que les développeurs mettent des limites quant à l’évolution possible de ces PNJ au fur et à mesure des conversations. Certains se rappellent par exemple de l’intelligence artificielle de Microsoft Tay : elle est créée dans un but conversationnel et sort en 2016 sur Twitter. À peine 24 heures après, elle est désactivée à cause de propos racistes et misogynes qu’elle tient.

Un autre exemple tient dans la difficulté, même en 2023, à réaliser une intelligence artificielle capable de tenir une conversation dans un jeu vidéo. Le dernier exemple en date tient de la semaine dernière. Square Enix sort, 40 ans après sa sortie initiale, le jeu d’enquête The Portopia Serial Murder Case : un jeu d’enquête où le joueur incarne un détective enquêtant sur plusieurs assassinats. La grande nouveauté de cette réédition consiste en l’intégration d’une intelligence artificielle liée à la linguistique. Le joueur est censé pouvoir interagir avec les autres comme s’ils discutaient avec eux par téléphone. En pratique, ça ne fonctionne pas : seulement 14% des évaluations recensées sur la page Steam sont positives. Les critiques soulignent une IA défectueuse qui n’arrive pas à formuler de réponses satisfaisantes aux joueurs.

En tout état de cause, on ne peut pas encore compter sur les IA dotées de DeepLearning pour remplacer les scénaristes et plumes du jeu vidéo. C’est notamment dans cette optique-là qu’Ubisoft (Assassin’s Creed, Far Cry…) a créé Ghostwriter : une IA qui "ne remplace pas le scénariste de jeux vidéo, mais allège l'une de ses tâches les plus rébarbatives : l'écriture des barks, ces brèves répliques ou sons des PNJ en réaction à un événement."

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Une IA utilisée aussi pour le domaine artistique du jeu vidéo

Un constat que l’on peut également faire pour le milieu artistique. Il y a peu, c’est le studio HoyoVerse qui déclare se servir de l’intelligence artificielle pour le développement de ses jeux. Le dernier en date ? Honkai : Star Rail, sorti il y a peu sur mobiles. Voici leurs propos dans une interview récemment accordée à IGN :

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Notre équipe s'intéresse de près à l'IA, en particulier à son impact sur l'industrie du jeu. En effet, nous avons déjà intégré certaines des dernières technologies d'IA dans Honkai : Star Rail. Ces technologies ont été mises en œuvre pour améliorer l'apparence faciale et les modèles de comportement des personnages, améliorant ainsi l'expérience de jeu en la rendant plus naturelle dans l'ensemble.

Des déclarations qu’il contrebalance. Il ne fait pas encore confiance les yeux fermés à l’IA aujourd’hui :

Ceci étant dit, nous avons également constaté que l'application actuelle de l'IA est encore limitée. Il s'agit davantage d'une technique de "cerise sur le gâteau" pour compléter ce que nous avions déjà au lieu de résoudre fondamentalement les problèmes à partir de la base. Nous allons nous concentrer sur les répercussions et le développement de l'IA, en imaginant une mise en œuvre plus robuste à l'avenir.

Au-delà de ça, l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine artistique pour le jeu vidéo reste maigre. Il y a par exemple le jeu vidéo High on Life qui a habillé ses murs d’images générées par Midjourney. Il faut dire que l’utilisation est sujet à débat. Pas dans le milieu du jeu vidéo mais dans celui plus général de la création artistique. De nombreuses voix se sont élevées lorsque MAPPA, studio pourtant connu pour la qualité de son travail avec L'Attaque des Titans ou Chainsaw Man, fait parler de lui lorsqu’il publie le court-métrage The Dog and the Boy Une petite histoire esquissée en partie par une intelligence artificielle qui a aidé les artistes dans le processus de création. Certains parlent de vol de travail, quand d’autres défendent que cela permet de mettre les artistes sur les aspects les plus importants de la production.

Dans ce sens, que certains puissent se rassurer : le bureau américain des droits d'auteur explique qu'un oman graphique créé à l'aide du système d'intelligence artificielle Midjourney n'aurait pas dû bénéficier de la protection des droits d'auteur. Quelques semaines plus tard, il revient sur sa conclusion en expliquant qu'il faudra désromais savoir si les productions de Midjourney étaient "le résultat d'une reproduction mécanique" ou de la "''propre conception mentale" de l'auteur.

Les IA peuvent-elles développer un jeu vidéo toute seule ?

Saluée pour sa capacité à corriger des codes voire à en proposer, l’intelligence artificielle comme ChatGPT peut soulever la question suivante : l’IA peut-elle remplacer les développeurs ? Sans tergiverser, certains sont directement passés à l’acte : ils ont demandé au robot d’OpenAI de reproduire certains jeux célèbres. S’il est impossible d’y jouer directement sur son site, ChatGPT fournit les codes de jeux vidéo comme Snake, Doom ou encore Pong. Elle permet même de jouer à une version textuelle de Pokémon Émeraude.

Démarre le jeu sans problème, assez précis jusqu'à présent, en sautant la scène du camion de déménagement et du réglage de l'horloge qui, honnêtement, n'est pas la chose la plus captivante de ce jeu de toute façon.

De quoi inquiéter les développeurs ? Pas le moins du monde sur le papier et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce qu’elles ne sont pas spontanées. Elles découlent de la créativité humaine pour fonctionner. Quelque chose qui s’observe avec les différents exemples mentionnés ci-dessous : il y avait un cerveau humain pour lancer le processus de l’IA, aux résultats plus que mitigés à chaque fois. Il est toutefois indéniable que la présence de l’IA monte ces dernières années. Il est normal que l’on s’y intéresse avec une graine d’appréhension tant ce qu’elle peut faire semble fou. Reste que l’humanité a encore de beaux restes devant elle, surtout si elle décide vivre avec elle plutôt que de la refouler.