Si vous avez appris à dessiner depuis tout petit en espérant intégrer un jour l’équipe créative d’un studio de jeux vidéo, l’avenir pourrait être un peu décevant pour vous. C’est en tout cas ce que l’on commence à observer du côté de l’industrie vidéoludique chinoise, particulièrement touchée par l’arrivée de l’IA…
L’IA a déjà un fort impact sur l’industrie du jeu vidéo
Entre l’arrivée de Midjourney, DALL-E et autres ChatGPT, vous avez peut-être déjà essayé de tester les capacités de l’intelligence artificielle. Si certains diront qu’elle reste encore perfectible et qu’il est assez facile de différencier une création produite par l’IA d’un travail créatif réalisé par un humain, le fait est que les résultats sont parfois particulièrement impressionnants. La preuve en est qu’il est d’ores et déjà important d’apprendre à reconnaître ces images artificielles tant elles viennent inonder le net dans des contextes aussi sérieux que l’information généraliste.
Et alors que la question de l’éthique derrière l’utilisation d’une pareille technologie fait encore débat, certaines entreprises de l’industrie du jeu vidéo ont déjà commencé à l’intégrer dans leurs habitudes, provoquant un chamboulement qui pourrait faire peur à de nombreux aspirants travailleurs de ce milieu. A titre d’exemple, NetEase Games a récemment organisé un événement sur Naraka : Bladepoint durant lequel les joueurs étaient invités à utiliser l’IA pour imaginer les prochains skins du jeu. Si ce dernier a pu faire un peu de bruit, l’entreprise chinoise n’est évidemment pas la seule à s’être lancée sur ce chemin. On pourrait également citer Tencent qui ne se cache pas d’investir dans la recherche sur l’IA, et hoyoverse qui a utilisé cette technologie pour remplacer un de leurs comédiens de doublage alors qu’il avait été arrêté par les autorités et qu’il ne pouvait donc plus continuer son travail sur Tears of Themis.
Résultat direct de ce genre de pratiques : le nombre d’emplois d’illustrateurs dans le domaine du jeu vidéo a chuté de 70% depuis l’arrivée de DALL-E et de Midjourney. Selon les acteurs du marché chinois, deux employés se servant de l’intelligence artificielle pourraient arriver au niveau de productivité nécessitant auparavant une dizaine d’illustrateurs, un gain de temps et d’argent phénoménal pour les employeurs. Concernant les offres d’emploi restantes, elles seraient également bien moins rémunérées qu’avant selon l’artiste freelance Amber Yu. Le travail demandé ne serait alors plus que de la révision d’illustrations créées auparavant par l’IA, et serait payé dix fois moins cher qu’un travail créatif classique. Une situation qui ne peut qu’inquiéter les artistes qui ne voient pas toujours comment faire face à un tel chamboulement.
Les joueurs attendent encore d’être convaincus
Si les plus grandes entreprises chinoises commencent donc déjà à se servir de l’IA dans leurs productions vidéoludiques, les joueurs, eux, ne sont pas encore complètement convaincus du résultat. Lors de l’évènement sur Naraka : Bladepoint dont nous vous parlions plus haut, NetEase a dû faire face à la colère de quelques joueurs reprochant à l’entreprise un résultat bien moins joli que si les illustrations étaient faites par des êtres humains. Si les images sont impressionnantes à première vue, les joueurs remarquaient en effet une qualité décevante au niveau des détails du visage et des membres, et l’impression que les illustrations manquaient d’âme.
Même chose pour la voix générée artificiellement dans Tears of Themis, qui selon les joueurs n’était qu’une pâle copie de ce que savait faire le comédien d’origine. Tencent n’a également pas fait l’unanimité lorsqu’ils ont dévoilé quelques posters d’Alchemy Stars réalisés par des IA, et ont dû promettre aux joueurs que les prochaines illustrations seraient faites par des employés, qui seraient d’ailleurs filmés en direct pendant leur travail pour effacer le moindre doute.
En plus de ce résultat pas toujours au rendez-vous pour les illustrations promotionnelles des jeux, certains joueurs demandent également que le contenu payant des jeux continue d’être réalisé à la main par de vrais employés. Dans un article du site Rest of World, un ingénieur Shanghaïen insiste sur l’envie que ses achats continuent de soutenir le travail humain :
En tant que consommateur, j’espère qu’il y a du travail humain derrière mon achat. Mettre l’accent sur la création par l’IA convaincra les gens que ça ne vaut pas son prix.
Si l’IA reste une technologie à améliorer, les pratiques qui commencent à émerger en Chine prouvent donc bien qu’il faudra également la surveiller de près, et que le métier d’illustrateur risque de drastiquement changer dans les prochaines années.