La guerre commerciale fait rage entre les États-Unis et la Chine sur le marché des semi-conducteurs. Avec les deux plus gros constructeurs de puces de Corée du Sud, les USA pensaient tenir là un allié de taille. Oui mais voilà, il vient d'y avoir un gros retournement de situation.
Les États-Unis : nouveaux rois de l'industrie des semi-conducteurs ?
Cela fait déjà quelque temps que nous vous parlons des mouvements de fond qui secouent l'industrie des semi-conducteurs. Avant toute chose, il faut rappeler ce qu'est un semi-conducteur. Ce composant électronique de la taille d'un grain de sable constitue une pièce essentielle de l'écrasante majorité des produits high tech. Smartphone, PC, voitures électriques, et même TV 4K : tout le monde a besoin de semi-conducteurs.
On imagine que vous n'avez pas forcément le temps de lire tous nos articles précédents concernant l'état du marché des puces. Voici, en résumé, ce qu'il se passe actuellement dans ce secteur industriel clef !
Une seule chose est essentielle à comprendre : petit à petit, le monde entier s'allie contre la superpuissance chinoise. Les États-Unis ne cachent pas leur animosité envers l'Empire du Milieu et font tout pour isoler la Chine, la couper de tous les autres acteurs principaux de l'industrie des puces (Japon, Corée du Sud, Allemagne, Pays-Bas...). Une sorte de "bloc occidentalisé" s'est formé et la stratégie fonctionne : la Chine prend coup sur coup.
Dans cette dynamique, la présidente de la Commission européenne Ursula von del Leyen a annoncé début février 2022 un plan chiffré à 43 milliards d'euros pour renforcer l'industrie des puces du Vieux Continent. De leur côté, les États-Unis souhaitent consacrer 52 milliards de dollars à cette même fin.
Dit comme cela, ces chiffres semblent relativement proches. Lorsqu'on connait un peu le sujet, on se rend vite compte que la situation est en réalité un poil plus complexe que cela. En effet, les USA et l'Europe ne partent pas du tout du même point ! Le sol américain compte déjà un grand nombre d'usines de semi-conducteurs et certaines d'entre elles se situent même à la pointe des technologies actuelles. Nous pouvons citer, par exemple, les usines d'Intel en Oregon et en Arizona, l'usine de TSMC à Washington ou encore l'usine de Samsung au Texas. Comparée à tout ça, l'industrie européenne des circuits intégrés a l'air presque ridicule.
Le chemin paraît tout tracé pour le pays de l'oncle Sam. À moins que.
Un partenaire commercial majeur et essentiel pour les États-Unis vient de les planter : les constructeurs sud-coréens refusent les conditions commerciales imposées par les États-Unis.
Samsung et SK Hynx : la Corée du Sud contre l'industrie des puces américaine
Les 52 milliards de dollars des USA ne sont pas nécessairement destinés à renforcer les entreprises américaines, mais les entreprises présentes sur le sol américain. Cette petite nuance change tout. Les constructeurs de puces étrangers peuvent parfaitement prétendre à leurs subventions s'ils en font la demande. Les sud-coréens de chez Samsung et SK Hynx ont même déjà pris les mesures nécessaires pour en profiter !
- Samsung a récemment investi 17 milliards de dollars afin de mettre sur pied une nouvelle usine dans la ville de Taylor, au Texas. Sauf contretemps surprise, et il pourrait y en avoir un, cette usine devrait être en mesure de cracher ses premiers circuits intégrés vers l'automne 2024.
- SK Hynx est un nom bien moins connu que celui de Samsung. Ne le négligez pas pour autant : il s'agit de l'un des plus grands fabricants de circuits intégrés de mémoire et de capteurs CMOS au monde. SK Hynx devrait bientôt construire une usine de conditionnement de semi-conducteurs avancés aux États-Unis. Là encore, des milliards sont en jeu.
Ces deux investissements majeurs sont extrêmement importants pour l'industrie des puces états-unienne. Ils seront précieux dans la lutte contre la Chine. Oui mais voilà : il y a à présent une probabilité non nulle de ne pas voir ces projets aboutir.
Le 27 mars 2023, le Département du commerce des États-Unis a détaillé les conditions que doivent remplir les entreprises qui désirent bénéficier du grand plan d'investissement du pays en lutte contre la Chine. Surprise : toutes les entreprises qui désirent les milliards américains sont obligées de livrer leurs prévisions de rentabilité (l'objectif serait de confisquer d'éventuels profits excédentaires). Samsung et SK Hynx se verraient donc contraintes de donner aux États-Unis des fichiers Excels détaillants tous les calculs prévisionnels liés aux deux usines dont nous venons de parler.
Le gouvernement de Joe Biden veut tout savoir : capacités techniques de production, volume de production classé par types de plaquettes, prix de vente... tout. D'après les informations du journal BusinessKorea, Samsung et SK Hynix ne seraient pas disposés à accepter de telles conditions, ce qui remet en question leur présence sur le sol américain. Les deux géants coréens affirmeraient que leur compétitivité pourrait être fortement affectée par cette livraison d'informations sensibles.
Début avril 2023, l'heure est aux négociations. Qui finira par céder ? Le suspens reste entier.