Voici une histoire digne d’un film où les États-Unis mènent une bataille diplomatique contre la Chine pour le contrôle d’Internet. Une guerre impliquant de l’espionnage et des pressions à tous les niveaux.
La Chine perd le contrat au profit de la France et des USA
L’agence Reuter a mené l'enquête et raconte pour la première fois le dessous des négociations pour l’un des câbles sous-marins les plus importants. Reliant Singapour à Marseille, le câble nommé SeaMeWe-6 passe aussi par l’Inde, l’Afrique et le Moyen-Orient. Une connexion très stratégique que les États-Unis ont voulu contrôler, même s’il ne passe pas du tout par les territoires américains. Malgré tout, Washington est entré dans les négociations alors qu’une entreprise chinoise avait déjà le contrat. L’alliance entre Microsoft et Orange a ainsi remporté l’appel d'offres à coup de pressions diplomatiques.
Début 2020, la société HMN, ancienne entreprise de Huawei, est sélectionnée pour ce contrat pharaonique. Avec une proposition, un tiers plus basse que celle du groupe américain SubCom, le choix était évident. Surtout que Pékin assurait des subventions pour arriver à un tarif de 500 millions de dollars. Sauf que Washington ne comptait pas laisser HMN, un consortium d’une douzaine d’entreprises chinoises remportées l’appel d'offres.
Un projet financé par des entreprises chinoises et par le gouvernement de Chine était impossible aux yeux des USA. Dès les premiers signes de la perte du contrat par SubCom, Washington est entré dans les négociations avec des méthodes plus que douteuses. La grande crainte était de voir la Chine installer un dispositif d’espionnage. Pour rappel, 95% du trafic Internet international passe par les câbles optiques sous-marins, l'enjeu est colossal.
Tout est permis pour remporter le contrat !
Le câble reliant Singapour à la France est ainsi devenu après 2020 un sujet qui a cristallisé de nombreuses tensions. Washington n'a qu'une seule solution pour faire pencher la balance du côté de l’alliance franco-étasunienne : faire pression.
Et pour mettre la pression, il existe l’utilisation du bâton ou de la carotte. Donc soit des menaces de sanctions, soit des incitations diverses. La Maison-Blanche semble avoir utilisé les deux méthodes pour arriver à ses fins selon les informations de Reuters. Ce projet de lobbying est connu en interne sous le nom de Team Telecom.
Commençons par le positif avec une potentielle offre de bourses d’une valeur totale de 3,8 millions de dollars à cinq sociétés se trouvant sur le passage du câble. En échange ils s'engagent à choisir SubCom. Aucune des entreprises impliquées n’a souhaité répondre aux questions de Reuters, donc tout cela reste hypothétique.
Si les incitations n'étaient pas suffisantes, il a tout de même fallu rappeler la puissance américaine. Les entreprises qui votent se sont donc potentiellement vues menacées par les diplomates étasuniens de voir leur investissement dans ce câble réduit à néant si Washington a imposé des sanctions contre HMN. En 2021 d’ailleurs, le département américain du Commerce a commencé les sanctions contre l’entreprise prétextant qu’elle essayait d'acquérir des technologies américaines au profit de l'armée chinoise. Un haut responsable qui reste anonyme a ainsi expliqué à Reuters :
Le département avait plaidé, par l'intermédiaire de ses ambassades, pour aider SubCom à remporter le contrat, notamment en avertissant les autres pays des risques de sécurité posés par HMN Tech. Bien que le câble ne débarque pas sur le territoire chinois, le gouvernement américain pense que HMN Tech pourrait insérer un équipement de surveillance à distance à l'intérieur du câble
Victoire des USA sur la Chine
Et voilà que quelques mois plus tard, alors que le contrat partait pour HMN initialement, la bascule s’est renversée et pour un coût de 100 millions de dollars supérieurs, remportée par l’alliance franco-étasunienne.
Orange s’est ainsi félicité en février 2022 de faire partie de ce consortium. Cela le place ainsi comme l’un des leaders mondiaux, avec plus de 40 câbles optiques sous-marins, sur les 400 existants. Cela place aussi la France comme un incontournable de la distribution d’Internet. Marseille en particulier est devenue la 5e place importante des câbles optiques.