La Chine enchaîne les coups durs sur l'industrie des puces. Le petit monde des semi-conducteurs, assez ignoré du grand public, représente pourtant un secteur clef : toute la high tech en dépend. Aujourd'hui, la Chine doit affronter une sombre affaire de corruption en plus des assauts de son ennemi américain.
La Chine mise gros sur l'industrie des puces
La Chine fait de la production de circuits intégrés l'une de ses grandes priorités industrielles. Sur les 10 premiers mois de l'année 2020, environ 60 000 entreprises liées à la conception ou à la fabrication de puces furent créées dans l'Empire du Milieu. C'est monstrueux. Le plus surprenant, c'est que la plupart des entrepreneurs qui se sont lancés dans l'industrie des semi-conducteurs n'avait aucune expérience préalable dans ce domaine.
Pourquoi un tel "effet d'attraction" pour une industrie si particulière ? Tout simplement à cause de la grande période de pénurie de semi-conducteurs qui a frappé le monde pendant 2 longues années, à peu près en même temps que la crise sanitaire. Pour faire face à cette situation exceptionnelle, il fallait de nouveaux acteurs sur le marché.
La récente crise des puces dont nous venons de parler a accentué les tensions politiques entre les deux grandes forces industrielles que sont la Chine et les États-Unis. En 2020, le gouvernement chinois dénonçait les actions des États-Unis, qui semblaient déjà bien déterminés à torpiller la domination de son grand rival.
Cela fait à peu près une dizaine d'années que le secteur des puces est extrêmement stratégique pour la Chine : le pays est l'un des seuls au monde à avoir parfaitement bien anticipé l'explosion de la demande mondiale (avec le développement des voitures électriques notamment). Dès 2014, les dirigeants chinois ont approuvé un plan de 1400 milliards d'euros actuels visant à développer l'industrie des puces dans le pays. En 2023, ce plan déraille.
Les semi-conducteurs chinois dans la tourmente : une grosse affaire de corruption
Les milliards chinois ont été dispatchés entre des dizaines de milliers de jeunes start-up et les quelques grosses boîtes déjà bien établies dans l'industrie des puces. Les plus experts d'entre vous nous diront que l'Europe avec sa Chip Law et les États-Unis avec leur Chips and Science Act suivent à peu près la même voie. Il existe néanmoins une différence notable avec l'initiative chinoise : la puissance orientale ne cherche pas qu'à se renforcer, elle cherche également à réduire sa dépendance vis-à-vis du reste du monde.
Vous vous en doutez, une entreprise qui bénéficie d'aides d'Etat doit prendre une série d'engagements vis-vis de ce dernier. Petit hic : la plupart des boîtes chinoises ayant eu droit à ce coup de pouce n'ont pas été en mesure d'honorer leurs engagements ! En tout et pour tout, 7 grandes sociétés de fabrication de semi-conducteurs sont nées en Chine en 2019 et 2020... et aucune d'entre elles n'a produit la moindre plaquette. Certes, le développement d'une usine de technologies de pointe comme les circuits intégrés avancés prend du temps, mais, même en prenant ces défis techniques en compte, le gouvernement chinois semble avoir de très sérieux soupçons : tout indique que de grosses sommes d'argent auraient bel et bien été détournées.
C'est ainsi que les dirigeants de certaines des plus grosses sociétés de semi-conducteurs de Chine ont été accusés de corruption. Aujourd'hui, ces grands patrons ont tous été placés derrière les barreaux.
Une arrestation remontant au mois de juillet 2022 a fait plus parler d'elle que toutes les autres : celle de Zhao Weiguo, ex-PDG de Tsinghua Unigroup, l'une des plus grandes entreprises de puces et de télécommunication de Chine. Entre 2018 et 2021, Tsinghua Unigroup s'est fait rincer par l'administration chinoise. On parle de plus de 8 milliards d'euros détournés. Le procès a pris fin il y a peu : Zhao Weiguo est aujourd'hui officiellement inculpé pour corruption.
La grande vague d'arrestations qui déferle sur le secteur des puces chinoises ne s'abat pas que des dirigeants d'entreprises. Le gouvernement a désigné des personnes, notamment des banquiers, pour gérer l'argent des subventions. Vous vous en doutez : ces personnes ont elles-aussi eu droit à un passage devant les juges.
Bref, entre ces sombres affaires et les attaques répétées de l'alliance occidentale formée autour des USA, l'industrie des puces chinoises va mal. Nous vous parlions il y a peu des accords conclus entre de nombreux pays pour dynamiter le marché des semi-conducteurs chinois. Fin mars 2023, à peu près tous les géants du secteur sont unis contre la Chine. États-Unis, Japon, Corée du Sud, Pays-Bas, Allemagne... face à tout ce beau monde, la Chine ne peut pas permettre à ses entreprises de saboter la stratégie nationale. L'Empire du Milieu va devoir réagir rapidement ou la bataille sur ce secteur économique clef sera définitivement perdue.