2023 devrait, normalement, signer une passation de pouvoir indirecte entre deux réalisateurs incontournables du monde de l'animation. Un passage de flambeau entre Hayao Miyazaki, considéré comme le maître suprême avec des films comme le Voyage de Chihiro et Le Château Ambulant, et Makoto Shinkai. C'est lui qui a secoué le box-office japonais avec le film Your Name et s'apprête à revenir en France au mois d'avril avec Suzume no Tojimari. De quoi consacrer l'échange de témoin ?
Suzume no Tojimari en quelques mots
Suzume no Tojimari est le dernier film de Makoto Shinkai. Derrière la création de plusieurs films, ce réalisateur japonais s'est surtout fait connaître après le succès unanime de Your Name. Depuis, il a réalisé Les Enfants du Temps et est plus qu'attendu en Europe avec la diffusion prochaine prochaine de Suzume no Tojimari. En témoigne sa nomination au Festival du film de Berlin, une grande première pour un film d'animation depuis Le Voyage de Chihiro en 2002. De quoi légèrement amorcer un échange de témoin avec Hayao Miyazaki qui va son dernier film ?
En tout état de cause, les structures de leurs films se ressemblent et Suzume no Tojimari ne fait pas exception à la règle. Il fait l'apologie des relations sociales de tous les jours avec un soupçon de fantasy et un grain d'émotion pour concocter le tout.
Le long-métrage d'animation (2h02) se déroule dans le Japon des années 2010. La lycéenne Suzume fait alors la rencontre de Sôta, un étudiant dans la vingtaine, à la recherche d'une porte. Elle le rejoint alors dans des ruines situées dans la montagne et doit l'aider à refermer cette porte à l'origine de nombreux tremblements de terre. S'ensuit alors un voyage à travers tout le Japon pour empêcher que l'archipel ne sombre à la suite de ces secousses toujours plus violentes les unes que les autres. De quoi narrer "l'histoire de la liberté d'une jeune fille et de sa croissance, prenant son envol dans la vie" avait-on pu lire sur le site officiel.
- Tout savoir sur Suzume sur AlloCiné.
Un film mystique et poignant
Pour raconter le voyage initiatique de Suzume, c'est CoMix Wave qui anime avec brio les péripéties des fermeurs de portes. Compagnon de route de Makoto Shinkai depuis son premier film (Elle et son chat), le studio japonais flatte la rétine. Outre les nombreux environnements colorés qui alternent entre milieu rural et grande métropole, CoMix Wave affiche une maîtrise des effets de lumière qui a encore plus de sens dans les salles obscures. Une esthétique au poil à laquelle vient s'ajouter une bande-originale bien dans la veine des précédentes créations de Makoto Shinkai : c'est normal puisque c'est toujours le groupe Radwimps qui gère la partition (avec l'aide de Kazuma Jinnouchi, ancien compositeur pour 343 Industries). On conseillera seulement aux amateurs de ne pas se la tourner en boucle dans les oreilles avant la sortie en salle pour conserver la surprise.
La direction artistique travaillée rend service aux personnages hauts en couleur que Suzume va rencontrer et qui lui permet de se trouver elle-même. Tous apportent leurs personnalités pétillantes et l'on s'y attache d'autant plus facilement que les dialogues sont rythmés par de nombreux traits d'humour portés par l'excellence des doubleurs au micro.
En résumé, Suzume no Tojimari constitue bien un film digne de celui que de nombreux amateurs de films d'animation considèrent comme "l'héritier spirituel d'Hayao Miyazaki". Il est toujours aussi beau, toujours aussi mystique et le film a encore plus de sens lorsque l'on apprend que Makoto Shinkai réalise un devoir de mémoire : c'est pour parler de la série de séismes qui a frappé le Japon en 2011 et entraînant une vague de migration de l'est vers l'ouest du pays qu'il a réalisé ce film.
Les portes à refermer dans des endroits abandonnés sont alors synonymes d'une page qui se tourne pour les victimes, obligées d'avoir une nouvelle vie. Si l'on reste un peu décontenancé par cette fin émouvante mais qui aurait mérité meilleur au revoir, Suzume No Tojimari de Makoto Shinkai reprend bien le chemin pavé par Hayao Miyazaki : des longs-métrages poignants reprenant des problématiques bien ancrées dans le réel mais dont le soupçon de magie nous apporte tout l'optimise nécessaire pour y faire face.