L’intelligence artificielle ChatGPT est utilisée dans de nombreuses situations, y compris les plus opportunistes. La preuve, avec l’arrivée massive d’ebooks qui sont rédigés à l’aide du bot conversationnel.
Fut un temps où écrire un roman demandait des années, mais aussi beaucoup de talent de la part de son auteur. Aujourd’hui, il suffit d’une intelligence artificielle, d’un peu de pratique et de quelques jours pour vendre un ouvrage numérique en ligne.
C’est un constat facile à faire : il suffit de se rendre sur la boutique Kindle d’Amazon pour constater que plusieurs centaines de livres sont d’ores et déjà crédités avec ChatGPT comme co-auteur. Cette situation, relevée par l’agence Reuters, prend de l’ampleur jour après jour.
« Des gens pourraient en faire toute une carrière »
Brett Schickler, un vendeur de Rochester dans l’état de New York, compte parmi les premiers à avoir compris que ChatGPT pouvait potentiellement l’aider à réaliser son rêve : devenir auteur. « L’idée d’écrire un livre semblait enfin possible », explique-t-il à Reuters. « Je me suis dit que je pouvais le faire ». Avec l’aide du chatbot, il a écrit un livre pour enfant d’une trentaine de pages. En quelques heures, l’affaire était pliée, et le livre était en vente au format électronique sur Amazon.
Son ouvrage « The Wise Little Squirrel: A Tale of Saving and Investing » raconte l’histoire d’un écureuil qui apprend à faire des économies. Vendu au prix de 2,99 dollars en version numérique ou à 9,99 dollars en version imprimée, il a, pour l’heure, rapporté moins de 100 dollars à son auteur. Mais ce dernier a de la suite dans les idées : « J’imagine que des gens pourraient en faire toute une carrière », estime-t-il.
Par ailleurs, tous les « livres » co-écrits par ChatGPT référencés sur la boutique Kindle ne sont pas des romans : on y trouve aussi des guides pour apprendre à utiliser l’intelligence artificielle ou encore des recueils de poésie. Difficile de savoir si ces ouvrages trouvent réellement preneurs, mais l’offre évolue, dans tous les cas, de manière exponentielle.
Une situation qui pose déjà problème aux vrais écrivains
Après avoir questionné bien des professions en lien avec l’écriture, notamment la presse, les professeurs ou encore les développeurs, ChatGPT pousse le domaine de la littérature à s’interroger.
Dans les faits, il est assez peu probable que ChatGPT devienne de lui-même un « auteur à succès », mais on peut imaginer qu’un « écrivain » capable de manipuler efficacement l’IA puisse en sortir un récit cohérent. Par ailleurs, en dehors de la question de la qualité, il y a celle de la quantité : « C’est quelque chose dont nous devons vraiment nous inquiéter, ces livres vont inonder le marché et beaucoup d’auteurs vont être au chômage », estime Mary Rasenberger, directrice exécutive du groupe d’écrivains The Authors Guild.
Textes écrits par des IA : un magazine abdique déjà
Les conséquences se font déjà ressentir dans le secteur. La semaine dernière, le magazine américain de science-fiction Clarkesworld a annoncé qu’il fermait son service de soumission de nouvelles. Jusque-là, il publiait chaque mois une sélection de récits envoyés par ses lecteurs. Seulement, ces dernières semaines, la rédaction a tout simplement été inondée de textes rédigés par des IA telles que ChatGPT.
« Les soumissions sont actuellement fermées. Ce n’est pas compliqué de comprendre pourquoi », a tweeté le magazine le 20 février dernier. La rédaction a précisé que la situation était temporaire, le temps que les outils de détection des textes rédigés à l’aide d’une intelligence artificielle deviennent suffisamment efficaces pour déjouer les pièges.
Pour le moment, les biais d’écriture des IA font de leurs récits des textes faillibles, qui nécessitent d’être retouchés pour devenir intéressants à lire. Mais qu’en sera-t-il à l’avenir ? « La technologie sous-jacente ne va faire que progresser, et la détection va représenter un défi de plus en plus important », estime Neil Clark, le fondateur de Clarkesworld. C’est une situation que même la littérature de science-fiction n’avait pas vue venir…