Pour tous les amateurs de manga et d’animation, cette semaine a débuté par un choc. Le légendaire Leiji Matsumoto, créateur d’Albator, nous a quittés. Comme c’est souvent le cas ces derniers temps avec les personnalités japonaises, l’annonce a eu lieu quelques jours après le décès. Le mangaka est en effet mort le lundi 13 février d’une insuffisance cardiaque. Il avait 85 ans et laisse dans le monde des millions de fans attristés.
Né le 25 janvier 1938 à Kurume, sur l’île de Kyushu, Akira Matsumoto (qui deviendra Leiji, on en parle plus loin) se passionne très jeune pour l’aviation. Son père est officier du service aérien de l’Armée impériale japonaise et le garçon se délecte des récits du vétéran de la Seconde guerre mondiale. Pour suivre les traces de son paternel, il envisage de devenir pilote :
Mon père était pilote et je me suis mis à rêver de voler dans le ciel. J’avais pour projet d’être moi aussi pilote. Mais malheureusement, je suis devenu myope quand j’étais collégien. J’ai donc envisagé le métier d’ingénieur en aéronautique, mais après la défaite japonaise, mon père a été démis de ses fonctions et nous sommes devenus pauvres. Donc, cette fois, j’ai décidé de devenir dessinateur afin de pouvoir ce dont je rêvais.
Le premier contact de Leiji Matsumoto avec l’univers de la bande dessinée japonaise remonte à l’âge de ses 9 ans. C’est à ce moment-là qu’il découvre les œuvres du légendaire Osamu Tezuka (considéré comme le père des manga), mais aussi les films d’animation des studios Disney. Le charme agit instantanément et l’intéressé comprend qu’il peut créer des univers entiers à l’aide d’un simple crayon. Il réalise ses premières bandes dessinées (avec un personnage pirate appelé Bokenki) et sort victorieux, à l’âge de 15 ans, d’un concours éditorial qui lui permet de sortir son tout premier manga : Les Aventures d’une abeille.
En 1957, alors qu’il s’est lié d’amitié avec un autre mangaka, Tetsuya Chiba, il décide de quitter son île natale pour rejoindre la capitale japonaise. À Tokyo, il s’installe non loin du quartier de Shinjuku et se met à créer des shojos pour le compte de plusieurs revues, autrement dit des mangas à destination des jeunes filles. On y trouve des œuvres comme Ganjisu no Me, Wakare no Waltz, Gin no Tani no Maria (inspiré par le film franco-allemand Marianne de ma jeunesse, dont le mangaka a vu les décors sur le tournage) ou encore Mizu no Okâsan. Petit à petit, il bifurque vers des mangas plus matures, mais la création est délicate. Dans une interview accordée à la revue, il explique la chose suivante :
Osamu Tezuka a posé un problème considérable à tous les mangakas, car plus ses œuvres étaient abouties, plus elles demandaient que l’on s’en démarque. Notre destin était ainsi soumis à notre capacité à produire des œuvres qui s’affranchissent de son style.
Pour se démarquer, il s’inspire alors des récits de son père et prône un message anti-guerre. Sur le site Planetebd.com, il relate :
Le message que je veux faire passer à travers mes œuvres est que ce n’est pas, et ce n’est même surtout plus, le moment de se battre entre tous les hommes. C’est le moment au contraire de se réunion pour essayer de sauver la vie humaine. Sinon, nous allons tout droit vers l’extinction. Nous devons protéger notre planète, nous sommes dans une période de réchauffement climatique et autres problèmes écologiques qui sont du fait de l’homme. Nous devons tous nous unir pour sauver la vie, protéger la vie sous toutes ses formes.
Leiji Matsumoto s’est éteint, mais son œuvre restera
En 1961, Leiji Matsumoto épouse Miyako Maki, une des premières femmes mangaka et future créatrice de la célèbre poupée japonaise Licca-chan, concurrente de Barbie. C’est à cette période qu’il décide de se faire appeler Leiji en lieu et place de son véritable prénom : Akira. Leiji est en réalité la retranscription du mot « Reiji » qui signifie « combattant de l’infini ». La raison ? Sa mère descendait d’une lignée de samouraïs et il estimait que le nom Akira – très courant au Japon - n’avait aucun impact artistique. En 1968, il signe l’une de ses premières œuvres majeures : Sexaroïd. Comme le nom le laisse suggérer, le ton est bien plus adulte et il embrasse peu à peu cet amour pour la science-fiction. Durant la décennie suivante, Leiji Matsumoto devient un mangaka absolument incontournable et signe de véritables chefs d’œuvre avec Galaxy Express 999, Albator ou encore Space Battleship Yamato.
L’auteur se fait plus discret dans les années 1980, mais cela ne l’empêche pas de connaître une grande popularité dans le monde. En France, il est ainsi l’un des premiers mangaka à se faire connaître grâce à la diffusion du dessin animé Albator. Sa philosophie a toujours été celle d’un homme désireux de laisser une marque, tout en prônant un véritable message de paix et d’amour. Ainsi, la tête de mort arborée sur le drapeau du vaisseau est en vérité un message de liberté. Pour la revue Atom, il confie :
L’étendard frappé d’une tête de mort signifie ceci : rejoignez les rangs de ceux qui veulent vivre libres, débarrassés du joug des puissants. C’est un appel aux hommes qui veulent agir et penser selon des valeurs dégagées des pressions extérieures. La tête de mort n’est en aucun cas un symbole menaçant ; ce que veut dire ce crâne, c’est que même après ma mort, quand il ne restera plus que mon squelette, je serai toujours un homme libre, fidèle à mes principes.
Fait Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2012, il a connu un sursaut de popularité en signant, une dizaine d’années auparavant, le moyen métrage d’animation Interstella 5555 en collaboration avec le groupe français électro Daft Punk. Si Leiji Matsumoto nous a quittés brusquement, nous pouvons en être assurés : son œuvre perdurera à jamais.
Aurevoir Mr. Matsumoto et merci.