Faut-il un mode facile dans tous les jeux vidéo ? Cette fameuse interrogation revient éternellement et ne cesse d'alimenter les débats autour du moindre titre décidant de s'affranchir de toute forme de mode de difficulté. Mon avis est radical : non, il n'en faut pas, car la solution est ailleurs.
Il y a bientôt un an, déjà, sortait l'exceptionnel Elden Ring, décoré depuis fort justement du titre de Game of the Year (jeu de l'année), et dont très peu contestaient l'impact bien réel qu'il pouvait avoir eu sur une industrie se cherchant continuellement des "game changers". Avec sa nouvelle production, FromSoftware allait un peu plus au bout de ses idées, concrétisant plus d'une décennie d'évolution d'une formule aussi maîtrisée que décriée, rebaptisée grossièrement "Souls-like" du fait d'origines trouvées dans Demon's Souls et surtout la trilogie Dark Souls. Son maître à penser, Hidetaka Mizayaki, était ainsi devenu l'idole de certain(e)s et le cauchemar d'autres, redéfinissant les contours d'une manière impitoyable de jouer aux jeux vidéo, sans aucune forme d'assistance ni de choix de difficulté autre que celle imposée par ses œuvres. À raison, mais aussi à tort…
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
Sommaire
- La difficulté a toujours existé
- FromSoftware, la nouvelle référence des "hardcore gamers" ?
- À la recherche de l'équilibre
- Elden Ring, la solution au problème ?
- Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise difficulté
- Le mode facile n'est pas une solution
La difficulté a toujours existé
Dans les années 1990, le jeu vidéo a connu une explosion de popularité sans précédent, bien aidée en cela par la première PlayStation et sa machine marketing bien huilée, mais aussi l'héritage de deux bonnes décennies d'expérience d'un média osant timidement s'assumer comme une culture à part entière. Toutefois, rien ne semble fait pour rendre les jeux vidéo plus accessibles au grand public, en-dehors de l'utilisation de franchises lucratives tirées d'une culture populaire dont il demeure en marge. Les adaptations de films (d'animation ou non), de manga/anime ou de bandes dessinées sont légion, et si de telles productions ont clairement pour but de viser un public plus large, et de constituer une source de revenus aussi rapide qu'efficace, il ne s'agit que très rarement de titres à la conception exemplaire. Ainsi, de nombreux jeux dits "à licence" souffrent d'une jouabilité bancale, entraînant un challenge initialement non désiré et leur donnant une réputation de titres à la fois trop difficiles et médiocres, comme un Tintin au Tibet sur Super Nintendo pour ne citer qu'un des plus notoires. Brûle en enfer, escalade maudite.
Néanmoins, la difficulté "délibérée", celle pensée en amont par une équipe de développement désireuse de ne pas faciliter les choses aux joueurs, existait bien avant ces adaptations à l'équilibre incertain. Rien qu'à l'âge d'or de l'arcade et des toutes premières consoles, le concept de trois niveaux de difficulté était déjà mis en place, comme en témoigne un certain Adventure (c'est son titre) sorti en 1980. Dans ce jeu d'aventure (ah bon), l'objectif était d'évoluer dans des labyrinthes en vue du dessus et d'en sortir en trouvant une clé bien cachée, le tout en affrontant des ennemis redoutables avec une arme rudimentaire. Le jeu conçu par Warren Robinett disposait de trois modes de difficulté explicitement définis comme dans la majorité des titres publiés plus de 40 ans plus tard : facile, normale et difficile, ce dernier étant "caché" dans le hardware de l'Atari 2600 et devant être débloqué. Une base qu'il n'a même pas inventée, mais il demeure un des plus anciens jeux à incorporer une telle mécanique diversifiant le challenge proposé au joueur, avec des labyrinthes de plus en plus grands en fonction de la difficulté, jusqu'à disperser les objets clés qu'ils contiennent de façon aléatoire dans le niveau le plus élevé.
Au fil des décennies et des générations de machines, le concept de mode de difficulté s'est étendu à pratiquement tous les genres de jeux vidéo, aussi bien là où cela est plus que pertinent comme les titres très arcade à scoring, dont l'âme est grandement basée sur la performance (shoot'em up, jeux de rythme), que sur des jeux connotés action-aventure, ce fameux label fourre-tout dans lequel sont classés toutes ces créations ayant davantage pour but de raconter une histoire et/ou de nous aider à nous évader. En soi, le choix entre plusieurs difficultés dans un jeu pas spécialement pensé pour cela de prime abord a pour but de diversifier son expérience, à la fois en fonction des profils de joueurs (les plus occasionnels privilégiant la simplicité voire l'assistance régulière, les plus acharnés désirant s'immerger dans ce qui constituerait un véritable défi si les événements du jeu se déroulaient dans la vie réelle) que d'une réelle volonté de rentabiliser une production à travers une replay value parfois très artificielle. Vous avez terminé ce jeu que vous aviez adoré, et voulez le revivre différemment ? Pourquoi pas le faire en mode "extrême" pour un peu plus de challenge, ou bien en mode "histoire" pour savourer encore davantage un scénario qui vous avait touché(e), après tout ?
FromSoftware, la nouvelle référence des "hardcore gamers" ?
Bien que des discussions récurrentes sur le thème de la difficulté des jeux vidéo aient animé les cours de récréation des années 1980 et surtout 1990 – je me souviendrai toujours de ce camarade prétendant avec fierté avoir triomphé de U.N. Squadron en "hard" – il faudra en vérité attendre l'émergence d'internet pour que le débat prenne une toute autre dimension. Si les forums de discussion n'ont pas tant amplifié le phénomène que les réseaux sociaux, Twitter en tête de file, c'est aussi et surtout parce que l'intellectualisation du jeu vidéo et les réflexions quasi philosophiques l'entourant régulièrement n'avaient pas encore trop fleuri partout sur la toile. Bien sûr, l'élitisme de certains joueurs a toujours existé, comme l'illustre si bien l'expression "PC Master Race" apparue en 2008 (*) mais ne faisant que traduire un état d'esprit déjà bien imprégné dans la communauté des joueurs depuis des lustres, et faisant état d'une potentielle supériorité du jeu vidéo PC vis-à-vis des consoles.
(*) La série de vidéos Zero Punctuation, fondée en 2007 par le comédien britannique Ben "Yahtzee" Croshaw, employa l'expression "glorious PC gaming master race" lors d'une critique de The Witcher, visant à se moquer des propos élitistes de joueurs PC de l'époque craignant que la qualité du titre de CD Projekt ne souffre du développement sur consoles.
Cependant, c'est clairement avec l'explosion de la notoriété d'une franchise a priori de niche qu'une certaine forme d'élitisme va peu à peu faire son nid dans la sphère gaming, et se placer bien au-delà d'une simple guerre ancestrale entre supports de jeu. Que vous jouiez au clavier/souris ou au pad, ce qui vous définissait, c'était désormais le type de jeu auquel vous jouiez, ou bien le mode de difficulté pour lequel vous optiez si le titre concerné permettait d'en choisir un. Autant Demon's Souls, sorti début 2009 sur PlayStation 3, n'avait pas plus fait parler de lui que cela en-dehors des férus d'action-RPG retors et obscurs (son exclusivité ayant peut-être joué contre lui), autant les choses furent très différentes pour le tout premier Dark Souls, paru initialement en 2011 sur consoles (PS3 et Xbox 360) avant de sortir sur PC un an plus tard avec un titre on ne peut plus explicite : "Dark Souls: Prepare to Die Edition". Tout un programme.
L'excellence indiscutable de Dark Souls, qui devient rapidement une nouvelle référence de l'action-RPG dans un univers médiéval fantastique, aurait fait de lui le concurrent le plus légitime à The Elder Scrolls V : Skyrim aux Game Awards 2011 si ces derniers n'avaient pas été créés trois ans plus tard. En renouvelant un genre et en donnant ses lettres de noblesse au jeu d'action-aventure punitif et sans aucune pitié, le premier véritable chef-d'œuvre acclamé de FromSoftware parvient à se créer une aura surprenante pour un titre absolument impitoyable, réputé pour sa grande difficulté qui rebutera instantanément le moindre joueur dénué de skill ou d'une patience extrêmement élevée – pour ma part, je ne vais pas vous mentir, j'appartiens à la seconde catégorie. La popularité du studio japonais ne va cesser de croître, aucunement entachée par un Dark Souls II moins convaincant, car très vite éclipsé par deux immenses chef-d'œuvre coup sur coup : Bloodborne en 2015, et Dark Souls III paru un an plus tard jour pour jour.
À la recherche de l'équilibre
Bien que notoirement exceptionnels, régulièrement récompensés et très bien vendus, les jeux FromSoftware ne devinrent pas faciles pour autant. Ce n'est pas parce que l'on est connu et que nos œuvres jouissent d'une réputation très positive que ces dernières sont accessibles, sinon les films de David Lynch feraient autant d'entrées que ceux de James Cameron. Les productions dirigées par Hidetaka Miyazaki ont indiscutablement élargi leur public, sans pour autant atteindre le succès de franchises plus mainstream nées durant la même génération comme – au hasard – The Witcher, Assassin's Creed ou Mass Effect. Et pour cause : aucun jeu du studio japonais ne dispose d'un quelconque choix de mode de difficulté, et s'est entêté à persister dans cette philosophie immuable avec ses deux jeux suivants, partageant pour illustre point commun le fait d'avoir tous deux été élus "GOTY" lors de la grand-messe annuelle des récompenses du jeu vidéo : Sekiro Shadows Die Twice en 2019, et donc Elden Ring en 2022.
On pourrait dès lors penser que, si l'industrie toute entière décide de récompenser l'état d'esprit animant les créations de FromSoftware, c'est parce qu'elle valide ce parti pris pour le moins discutable consistant à imposer un seul et unique mode de difficulté. Après tout, bon nombre des plus grands jeux vidéo de l'histoire, ceux considérés comme pierres angulaires du média, ne proposait aucun compromis pour autant : ni un Super Mario Bros. en 1985, ni un The Legend of Zelda : Ocarina of Time en 1998, ni un Grand Theft Auto : San Andreas en 2004 ne s'encombraient de ce type d'artifice. Aussi, pourquoi chercher à diversifier le niveau de challenge d'un jeu si celui-ci est équilibré de base, et surtout, correspond de toute évidence à la vision de ses auteurs ? C'est sans doute en partant d'un constat de ce style que Hidetaka Miyazaki et son équipe ont non seulement estimé que la difficulté de leurs jeux était la bonne, mais surtout, qu'ils ont refusé de permettre aux joueurs de l'abaisser. Aimez-les comme ils sont, ou abstenez-vous, telle est clairement leur ligne de conduite.
Elden Ring, la solution au problème ?
Alors que bon nombre de triples A, ces productions d'envergure massive n'ayant plus rien à envier aux blockbusters hollywoodiens, persistent à proposer a minima les trois modes de difficulté historiques du jeu vidéo – facile, normal et difficile – au démarrage, verrouillant régulièrement l'accès au plus ardu de tous afin de motiver les joueurs à terminer le jeu, FromSoftware a décidé qu'il n'en avait absolument rien à faire et a persisté dans sa ligne directrice sans jamais donner l'impression de la remettre en question. Relativement linéaire, et ressemblant presque davantage à un immense boss rush teinté de mécaniques de jeu de rythme masquées que j'ai personnellement détestées, Sekiro : Shadows Die Twice a savamment ignoré un débat revenant de plus en plus régulièrement à la fin de la précédente décennie : "faut-il un mode facile dans tous les jeux vidéo ? Autant suis-je en mesure de reprocher énormément de choses à ce titre auquel je n'ai plus jamais l'intention de me frotter, autant ai-je un minimum apprécié de voir FromSoftware ne pas céder face à la pression populaire.
En effet, et je vais bientôt vous expliquer le pourquoi du comment, je ne suis absolument pas favorable à la mise en place d'un "mode facile" dans les jeux FromSoftware, ni même dans aucun style de jeu disposant d'une difficulté unique par défaut. En apprenant que Elden Ring voulait la jouer plus consensuel, notamment à travers des déclarations de son réalisateur lors d'une interview en marge de l'E3 2021, je m'inquiétais quelque peu d'une propension à céder aux sirènes de l'accessibilité… mais de la mauvaise manière. S'il n'était absolument pas problématique à mes yeux que l'un des jeux vidéo le plus attendus de tous les temps cherche à se rendre un peu plus "universel", j'espérais surtout que l'immense intelligence des développeurs des "Souls" les conduirait à repenser la notion d'accessibilité, et peut-être même d'établir une nouvelle référence dans le domaine, plutôt que de se conformer à un diktat n'ayant pas lieu d'être dans leur univers. En marge de sa sortie, nous évoquions par ailleurs des changements notables rendant le jeu moins frustrant, et l'expérience finale confirmera que nous pouvions faire confiance à FromSoftware.
Plus ouvert que n'importe lequel de ses prédécesseurs à travers son open world audacieux, dont je ne chercherai pas à vous convaincre une énième fois du génie de level design, Elden Ring a ainsi transformé une formule un tantinet vieillissante qui aurait fini par peut-être faire grincer des dents s'il s'était juste bêtement contenté d'être un "Dark Souls IV" – ce qu'il n'a, heureusement, jamais eu l'intention d'être, de toute évidence. À travers une construction différente et une exploration beaucoup plus libre, il a trouvé le moyen de se rendre plus abordable, et finalement encore plus "RP" que ses prédécesseurs, diversifiant beaucoup plus l'expérience pour chaque joueur, tout en conservant l'une de ses forces essentielles : ce sentiment d'accomplissement grisant à chaque boss terrassé. Je ne vous réexpliquerai pas en long et en large pourquoi Elden Ring a réussi son pari, ceci d'autant plus que le résultat final est incontestable : non content d'avoir renouvelé le sous-genre dont il ne peut que revendiquer la paternité (le fameux "Souls-like"), et d'avoir également apporté un coup de fouet nécessaire à l'action-RPG, il a transformé la notion d'accessibilité dans les jeux vidéo dénués de tout choix de mode de difficulté, et s'est rendu ainsi bien plus jouable pour pas mal de sceptiques ayant fini par l'adopter, tout en souffrant mais en prenant bien plus de plaisir à apprendre à son contact.
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise difficulté
Bien entendu, il serait parfaitement abusif de penser que Elden Ring est le seul et unique jeu vidéo à avoir changé la face de l'accessibilité dans les jeux vidéo… tout comme il serait terriblement incorrect d'estimer que sa vision est la plus juste de toutes. En vérité, la manière dont le dernier jeu de Hidetaka Miyazaki cherche à se rendre abordable est résolument pensée pour un titre de sa trempe, et ne conviendrait pas à tout un tas d'autres action-RPG ou jeux d'aventure, a fortiori lorsque ces derniers sont bien plus linéaires comme The Last of Us Part II par exemple ou, tout au plus, semi-ouverts, tel un God of War Ragnarök. Si j'ai cité les deux dernières superproductions majeures de l'écosystème PlayStation, respectivement élues GOTY 2020 et même virtuellement GOTY 2022 dans un monde où Elden Ring serait sorti 3 mois plus tôt, c'est pour une bonne raison. Depuis quelques années, les dernières exclusivités Sony en date ont en effet mis un point d'honneur à élargir le spectre de l'accessibilité bien au-delà d'une simple notion de difficulté, mais également à davantage personnaliser cette dernière.
Bien que les studios "maison" PlayStation soient loin d'être les premiers à avoir intégré cette nécessité d'étalonner autrement le concept de difficulté dans un jeu vidéo, il est fort appréciable de constater qu'ils ont pris le temps de permettre aux joueurs de personnaliser dans les moindres détails le degré de challenge de leurs jeux. Un effort de plus en plus courant, qui constitue véritablement une route idéale à suivre vers l'accessibilité la plus juste possible, et que des productions d'une telle importance contribuent à populariser et rendre "logique" aux yeux du grand public. Ce mouvement, devenu finalement nécessaire une fois que tout le monde a constaté sa pertinence, permet ainsi de contourner la facilité (un comble) des modes de difficulté généralement mal équilibrés, dont le seul et unique but est généralement d'augmenter la résistance aux dégâts du joueur ou de ses ennemis, au point d'arriver à des aberrations dans les modes les plus "extrêmes" de certains titres, parfois particulièrement absurdes.
Par exemple, la compilation Uncharted : The Nathan Drake Collection avait rajouté un mode "brutal" ridicule de difficulté, quand il n'était pas tout bonnement stupide au vu de la disposition de checkpoints non retravaillés en conséquence : l'un de ceux de la version remasterisée de Uncharted 2 : Among Thieves faisait réapparaître le héros à un endroit où il risquait, 9 fois sur 10 à chaque respawn, d'encaisser un tir fatal du fait de sa résistance quasi inexistante dans ce mode. Ce mode de fonctionnement n'est clairement ni optimal ni franchement malin si l'on veut rendre un jeu plus délicat : donner au joueur, par exemple, la possibilité de limiter le nombre de checkpoints et/ou de choisir le niveau de létalité des attaques adverses, lui permettrait d'éviter ce genre de situation ubuesque qui n'est satisfaisante pour personne, pas même les plus gros "tryhardeurs". Ceci d'autant plus que ces derniers sont bien moins courants dans le domaine des AAA grand public que du côté des jeux indépendants… qui, pour certains d'entre eux, ont beaucoup mieux cerné le problème.
Le mode facile n'est pas une solution
Si tout un tas de jeux indépendants ne se prennent pas la tête et imitent les grosses productions en proposant deux ou trois modes de difficulté d'emblée, d'autres prennent davantage de risques et cherchent à innover. On remerciera ainsi un Celeste d'être passé par là début 2018 : le jeu de Maddy Thorson, dont le propos central se devait d'être associé à une vision juste et efficace de la notion de défi, avait choisi de s'affranchir de toute forme de "mode de difficulté pour permettre aux joueurs de définir par eux-mêmes les aides qu'ils souhaitaient utiliser ou non (à travers un spectre assez important pour certaines), les désactivant par défaut. Une vision magistrale puisqu'elle permettait de proposer d'emblée la vision de la personne ayant conçu le jeu, modulable à volonté en fonction des profils. Chose que Cuphead, aussi formidable soit-il, a beaucoup moins bien intégré, se voulant résolument difficile et ne proposant qu'une alternative assez bâtarde à son challenge original, via un mode "facile" qui l'est beaucoup trop en comparaison de l'expérience de base, et frustrera le joueur incapable de progresser autrement puisqu'il n'est pas possible d'atteindre la fin du jeu sans abattre tous ses boss en mode "normal".
Pour conclure, et bien que je ne sois pas convaincu à 100% que Celeste détienne la solution idéale à ce qui est de toute façon un faux problème, il faut accepter que chaque jeu vidéo demeure l'œuvre d'une équipe de concepteurs qui en ont une vision de base, qui se doit d'être jouée comme telle pour l'apprécier de manière optimale. C'est ensuite à eux de décider s'ils souhaitent imposer leur vision sans concessions, forçant le joueur à apprendre toutes les subtilités du gameplay afin de le maîtriser à fond et d'en ressentir grandi (coucou Hollow Knight), ou bien de permettre au plus grand nombre d'affiner l'expérience qu'ils offrent à leur guise. Reste que dans tous les cas, la gestion la plus juste de la difficulté reste celle qui permet au joueur de la modeler en fonction de ses propres goûts et de son vécu manette en main. En aucun cas, ce n'est une bonne idée de laisser un non-choix entre une sélection trop faible de modes pré-réglés, quasi systématiquement mal équilibrés, dont seul le "mode normal" – joué par la majorité qui plus est – correspond à la vision originale des créateurs, et devrait être celui dont découlent des dizaines voire centaines de personnalisations propres à chacun(e).
Non, le mode facile n'est pas une solution pour rendre les jeux vidéo plus accessibles, et non, ils ne devraient pas forcément en avoir un. Fruit d'une volonté parfois paresseuse de développeurs juste soucieux de donner une fausse replay value à leurs titres, ou pire, une impression de diversité d'expériences finalement très limitée, les modes de difficulté pré-établis sont un choix de game design que j'apprécierais à terme de voir disparaître dans les jeux vidéo. Si je botterai en touche concernant l'éternelle question "tel jeu doit-il avoir un mode facile ?", considérant que cette décision relève d'un choix purement artistique que nous ne devrions pas être en mesure de contester, j'estime que tout développeur désireux d'offrir un challenge adapté à chacun(e) devrait s'inspirer de jeux comme Celeste. La difficulté basée sur une seule façon originale de jouer, celle du développeur, mais dont les contraintes et aides sont largement modulables en fonction des préférences du joueur, demeure à mes yeux le meilleur des compromis, pour ne pas dire l'expérience la plus optimale et intelligente. Et si on ne veut pas incorporer d'options de ce style, il reste heureusement des jeux dont l'environnement est assez brillant pour s'y substituer, comme un certain GOTY 2022 qui justifie encore un peu plus sa récompense dans un débat de ce type.