Cette année, il y a un jeu qui a été boudé aux Game Awards et qui aurait, selon moi, mérité une pluie de récompenses : IMMORTALITY, une expérience qui ne ressemble à aucune autre.
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV. Merci d'avance, bonne lecture !
Cette année, je n’ai rien trouvé de plus épique que la nouvelle épopée de God of War : Ragnarok. Pour autant, quand je retrace le fil des titres que j’ai eu l’occasion d’explorer, il me semble que rien ne m’a plus animée ni même troublée qu’IMMORTALITY. D’ordinaire assez concise dans ma consommation, c’est bien l’une des premières fois que je n’ai eu de cesse de relancer un jeu toutes les semaines dans l’espoir d’en débloquer tous les succès. À mon sens, si vous aimez les expériences narratives, la création de Sam Barlow ne peut pas passer sous votre radar. Et si vous avez apprécié les précédentes productions de ce dernier, à savoir Her Story et Telling Lies, ou que vous êtes un tant soit peu sensible à l’utilisation de la full motion video, vous pourriez bientôt considérer qu’IMMORTALITY est maître dans son registre. À l’instar d’autres exemples comme TUNIC, Pentiment, ou plus anonymement Not For Broadcast, ce jeu est selon moi l’étendard de la créativité vidéoludique en 2022.
Des perfomances à oscariser
Posté devant une interface quasi vide, le joueur peut déclencher les séquences de pellicules égarées. Elles sont toutes issues d’un tournage différent dans lequel Marissa Marcel, étoile montante, endosse un rôle principal. Étrangement, aucun de ces long-métrages n’a atteint les salles obscures et Marcel s’est volatilisée dans la nature sans laisser de note. D’autant de mystères à déficeler au gré des pellicules que vous débloquerez en cliquant sur les éléments clés d’une image : une plante, un oiseau, une larme, une flaque de sang, etc.
Et pendant que j’essaye de mettre le doigt sur la qualité première d’IMMORTALITY, il me semble bien difficile de choisir entre ses performances de haute volée ou sa narration d’une générosité exceptionnelle. Comme cela arrive souvent chez Barlow, tous les comédiens sont très bons ; mais Manon Gage, rôle principal, est particulièrement magnétique dans l’incarnation de ses personnages et fait amplement honneur à leur écriture, à tel point que sa performance gravitera encore dans mon esprit quelques jours après en avoir terminé avec le jeu. Les autres ne sont pas en reste ; Charlotta Mohlin (Marvel: Les agents du S.H.I.E.L.D. (2013), True Blood (2008)), qui incarne également un rôle majeur, délivre un jeu si mystique et déroutant qu’elle me donne l’impression d’être capable d’aspirer mon âme à travers l’écran d'un simple sourire. Tant de qualités d'ailleurs sublimées par une mise en scène léchée et une ravissante photographie qui vous encouragera à multiplier les captures d'écran.
Narration de haute volée
Et puis il y a cet entremêlement de récits et d'intrigues que j’ai trouvé passionnant : d’abord ceux racontés par les films dans lesquels Marissa incarne respectivement une figure de Satan ultra-sexualisée, la muse énigmatique d’un peintre assassiné ainsi qu’une popstar qui subit les vices d’une industrie immorale. Il y a aussi le récit que nous suivons derrière les caméras, le développement impeccable des personnages, et puis tout ce qu’on ne peut raconter dans ce billet sans risque de vous gâcher le plaisir. Si vous pouvez parfaitement choisir de clôturer l’expérience en 10 heures de temps, vous avez tout le loisir de la prolonger 10 heures supplémentaires pour en dévoiler toutes les sous-couches. Et c’est très certainement un jeu dont vous aimerez discuter de la poignée d'interprétations possibles avec les gens.
Alors bien sûr, je trouve tout de même à l’expérience quelques défauts, dans ses mécaniques principalement, qui l’empêchent d’atteindre la quasi-perfection. Les dernières heures souffrent de vos cliquetis chronophages sur les éléments clés des images et de leur matching parfois aléatoire. Mais à mes yeux, IMMORTALITY n’en reste pas moins un chef-d'œuvre de narration, qui plus est accessible au plus grand nombre. Je me suis d’ailleurs empressée de le suggérer à mes amis les moins joueurs, puisqu'il constitue une excellente porte d'entrée pour les néophytes. La réalisation de Sam Barlow aurait, je pense, mérité plus de reconnaissance et de distinctions pour son individualité et son immense respect pour l'art. Il ne reste qu'à encourager les gens à y jouer. Si le coeur vous en dit, notez que le jeu est disponible sur PC, consoles Xbox, mais aussi dans le Xbox Game Pass et sur Netflix (et donc pas extension sur tablette).