Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, la question de la modération des publications sur le réseau social est sur toutes les lèvres. Face aux craintes des utilisateurs, mais aussi face aux mises en garde des autorités de régulation de nombreux pays, le nouveau patron de la plateforme a été forcé de communiquer sur le sujet.
On ne va pas refaire une nouvelle fois l’historique des dernières semaines, qui ont été mouvementées chez Twitter. Depuis le rachat du réseau social par le milliardaire Elon Musk fin octobre, des milliers d’employés de l’entreprise ont été licenciés, ce qui comprend une bonne partie des équipes liées à la modération des contenus. Face aux inquiétudes liées à cette situation, le nouveau boss de Twitter avait rapidement réagi début novembre, en expliquant, dans un tweet, que « l’engagement de Twitter dans la modération des contenus n’avait absolument pas changé ».
Again, to be crystal clear, Twitter’s strong commitment to content moderation remains absolutely unchanged.
— Elon Musk (@elonmusk) November 4, 2022
In fact, we have actually seen hateful speech at times this week decline *below* our prior norms, contrary to what you may read in the press.
En France, Twitter inquiète l’Arcom
La communication d’Elon Musk ayant tendance à partir dans tous les sens, ses tweets destinés à rassurer n’ont pas toujours l’effet escompté. Surtout lorsque les paroles ne s’accompagnent pas toujours d’actes concrets. Fin novembre, l’Arcom, l’organisation française en charge de réguler les médias, a demandé à Twitter d’éclaircir la manière dont la plateforme comptait contrôler les contenus en ligne, notamment en ce qui concerne la désinformation et les discours haineux. En guise de réponse, Twitter a rendu une copie presque blanche à l’Arcom.
Face à une « transparence très relative concernant les données chiffrées » et « des éléments peu précis » concernant ses procédures de modération, l’Arcom a expliqué, la semaine dernière, sa volonté « d’entrer en dialogue » avec Twitter pour éclaircir la situation. Le 3 décembre dernier, c’est finalement le président Emmanuel Macron lui-même qui est allé à la rencontre d’Elon Musk avec qui il a eu « une discussion claire et sincère », selon ses propres mots. « Conditions d’utilisation transparentes, renforcement significatif de la modération des contenus et protection de la liberté d’expression : Twitter doit faire l’effort de se conformer à la réglementation européenne », a notamment déclaré le président de la République français.
Nous allons travailler avec Twitter pour améliorer la protection des enfants en ligne. Elon Musk me l'a confirmé aujourd'hui. Protégeons mieux nos enfants en ligne ! https://t.co/G31YgUFV6c
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) December 3, 2022
Une modération sur Twitter toujours présente, mais moins « humaine »
Modérer toujours plus avec moins d’effectifs serait donc l’objectif d’Elon Musk. Pour ce faire, le patron de Tesla, de SpaceX et de Neuralink souhaiterait favoriser une approche algorithmique de la modération sur Twitter. C’est l’agence Reuters qui révèle cette information, en s’appuyant sur le témoignage d’Ella Irwin, vice-présidente des produits de confiance et de sécurité chez Twitter.
L’idée serait d’accélérer la gestion des contenus problématiques en les identifiant de façon automatique, au lieu de se baser sur le système de signalement par les utilisateurs, qui demande une vérification manuelle chronophage. « Le plus grand changement récent, c’est que l’équipe de modération est pleinement habilitée à agir rapidement et à être aussi agressive que nécessaire », a, par ailleurs, expliqué Ella Irwin, récemment arrivée au sein de l’entreprise. Les hashtags, notamment, sont désormais plus prompts à être rapidement filtrés.
Twitter et la modération, un sujet épineux
Parmi les combats autoproclamés de Twitter, on trouve la protection des enfants et la traque des discours haineux. Cependant, il faut tout de même souligner un point important : Elon Musk ne souhaite pas nécessairement que les publications problématiques soient supprimées. Le patron de Twitter souhaite surtout en réduire fortement l’impact, en limitant « l’impression » des tweets en question.
C’est une nuance de taille et elle est importante pour comprendre la manière dont Elon Musk communique sur le « succès de la modération » de Twitter. Dans l’un de ses tweets du 2 décembre, il indique que « L’impression des discours de haine (le nombre de fois où le tweet a été vu) continue de baisser » sur le réseau social. Cela signifie qu’il n’est pas, ici, question de supprimer les messages, mais de les empêcher de s’afficher chez un maximum d’utilisateurs. « La liberté d’expression ne signifie pas la liberté d’accès. La négativité devrait et aura moins de portée que la positivité », ajoute le PDG de l’entreprise.
Hate speech impressions (# of times tweet was viewed) continue to decline, despite significant user growth!
— Elon Musk (@elonmusk) December 2, 2022
@TwitterSafety will publish data weekly.
Freedom of speech doesn’t mean freedom of reach. Negativity should & will get less reach than positivity. pic.twitter.com/36zl29rCSM
Le souci, c’est que même si, selon Elon Musk, l’impression des tweets haineux est en baisse, la publication des discours haineux est, quant à elle, en hausse. Le 4 décembre, la Commission européenne estimait que « Seuls 64% des signalements de messages haineux sont aujourd’hui traités sous 24h par les plateformes signataires du Code de bonne conduite de l’UE. Ce taux était de plus de 90% en 2020. » Et Twitter est pointé comme un très mauvais élève.
Il va donc falloir que Twitter soit plus persuasif que cela pour montrer sa bonne volonté dans la gestion des messages problématiques sur sa plateforme. Pour cela, il va clairement falloir qu’Elon Musk publie un peu plus qu’un graphique chaque semaine.