Lorsque les experts en art n’arrivent pas à déterminer si un tableau de maître est authentique ou pas, ils peuvent désormais faire appel à une intelligence artificielle pour les aider. Cette démarche est révélatrice de la place que commence à prendre l’IA au sein de la société.
Si les experts en art ont généralement l’habitude d’étudier des tableaux en vue de les authentifier ou non, il leur arrive de ne pas parvenir à avoir un avis tranché sur la question. Entre des articles « copieurs » dont le talent parvient à égaler celui d’un peintre reconnu ou des tableaux qui peuvent parfois être trop abîmés pour en déterminer précisément la provenance, les personnes en charge de ces analyses n’ont pas toujours la tâche facile.
Pourtant, les enjeux sont souvent de taille, et on ne parle pas uniquement d’histoire de l’art. Un tableau d’un peintre célèbre a forcément plus de valeur que celui d’un artiste anonyme, et se tromper peut avoir des conséquences financières pour les collectionneurs.
Une intelligence artificielle à la rescousse d’un collectionneur d’art
Pour illustrer cette problématique, on peut évoquer l’histoire d’un tableau détenu par un collectionneur privé suisse. Celui-ci est persuadé qu’il s’agit d’un tableau peint par Auguste Renoir : le style est proche de celui du maître et la jeune femme peinte ressemble à Gabrielle, l’un de ses principaux modèles. Cependant, l’intuition d’un collectionneur ne suffit pas à authentifier un artiste : il a donc dû faire appel à des experts pour déterminer si son tableau était bien un vrai Renoir.
Le problème, c’est que les experts en question n’ont pas réussi à se mettre d’accord. Pour tenter de trancher, ils ont alors décidé d’utiliser Art Recognition, une intelligence artificielle dont l’authentification des œuvres d’art est la spécialité. Développée en Suisse, elle a déjà été utilisée pour authentifier plus de 400 œuvres.
« Notre base de données interne est constituée de millions d’images d’entraînement d’œuvres d’art authentiques vérifiées, allant des maîtres anciens aux œuvres contemporaines », explique le site de l’entreprise. « Pour chaque artiste, nous compilons un ensemble de données d’entraînement contenant des images de haute qualité de toutes les œuvres d’art connues comme étant authentiques par cet artiste. Nous recueillons également des images de faux et d’œuvres d’art produites par ses élèves ou disciples. »
L’intelligence artificielle apprend des techniques des habitudes de chaque artiste : cela va de la disposition des objets aux coups de pinceau, en passant par les couleurs utilisées et les éléments de composition. « Une fois que l’IA a été suffisamment entraînée sur l’artiste en question, elle renvoie une probabilité quant à l’authenticité de votre œuvre. Vous obtenez ainsi une prédiction impartiale fondée sur des données. »
Une démarche complémentaire, qui ne met pas l’humain de côté
Pour ce qui est du cas du Renoir supposé, Art Recognition considère qu’il y a 80,58% de probabilité qu’il s’agisse bien d’un tableau du maître. Au regard des experts, cette aide est utile, mais il est impossible de se baser entièrement sur l’analyse de IA pour s’assurer qu’une œuvre est réellement attribuable à 100% à un artiste spécifique.
« Beaucoup de peintures de maîtres anciens sont endommagées et défigurées par des couches de saleté et de peinture qui, sans inspection médico-légale, rendent difficile de discerner ce qui est et n’est pas original », explique le Dr Bendor Grosvenor, historien de l’art et présentateur de l’émission britannique Lost Masterpieces de BBC Four. « La technologie n’est pas encore capable de prendre en compte l’état d’une peinture. »
En résumé, l’étude de cette peinture potentiellement peinte par Renoir va continuer, mais les résultats donnés par Art Recognition devraient aider les experts à avancer dans la bonne direction. L’entreprise de ventes aux enchères Sotheby a estimé que si ce tableau se révélait authentique, sa valeur se situerait entre 116 000 et 175 000 euros.