L’Arcom, le gendarme d’Internet en France, vient de publier un long rapport qui pointe du doigt certaines entreprises du Net concernant la manière dont elles traitent les fake news. TikTok et Google sont en ligne de mire.
Dans un très long rapport nommé Lutte contre la manipulation de l’information sur les plateformes en ligne, l’Arcom s’intéresse à la manière dont les plateformes d’Internet travaillent pour éviter la désinformation. Par les temps qui courent, il s’agit d’un combat essentiel : les fake news ont connu une très forte recrudescence des dernières années, en particulier depuis le début de la pandémie de Covid-19. Le bilan de l’Arcom concerne l’année 2021, et il n’est pas toujours reluisant.
Désinformation sur Internet : de bons élèves, mais aussi des mauvais pour l’Arcom
L’Arcom, encore connu récemment sous le nom de CSA, s’est basé sur les résultats obtenus auprès de 12 entreprises pour réaliser cette longue étude : Dailymotion, Google, LinkedIn, Meta, Microsoft, Pinterest, Snap, TikTok, Twitter, Webedia, la Fondation Wikimédia et Yahoo. « La loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information impose aux opérateurs de plateforme en ligne un devoir de coopération avec l’Arcom, des obligations de moyens et une transparence à l’égard de leurs utilisateurs », rappelle l’organisme.
Parmi les obligations de moyen en question, on trouve « la mise en place d’un dispositif de signalement, une meilleure transparence des algorithmes, la promotion de contenus issus de sources vérifiées, la lutte contre les comptes participant activement à la manipulation de l’information, une transparence renforcée sur certaines publicités et des actions d’éducation aux médias et à l’information. » La liste est donc très longue et toutes les entreprises ne se plient pas de la même manière à ces obligations.
L’Arcom souligne cependant d’emblée une « amélioration de la quantité d’informations déclarées » qui résulte, selon l’organisme, d’une meilleure communication et d’une coopération renforcée entre les plateformes. Cependant, cela ne suffit pas toujours et l’Arcom n’hésite pas à épingler certaines entreprises qui ont encore du chemin à faire sur le sujet.
Yahoo et Google dans la liste des mauvais élèves
Parmi les entreprises pointées du doigt par l’Arcom, on peut tout d’abord citer Yahoo et Google, deux entreprises historiques qui n’ont vraisemblablement pas fourni suffisamment d’informations à l’organisme pour pouvoir dresser un bilan précis de leurs activités. Ces firmes « se démarquent particulièrement par l’absence d’informations tangibles » fournies dans le cadre de cette étude.
« Il y a des progrès et certains ont fait des efforts pour faire des réponses plus précises. Mais les plateformes restent globalement trop discrètes sur la réalité des phénomènes », explique notamment Lucille Petit, responsable de la direction des plateformes en ligne au sein de l’Arcom. « Elles donnent trop peu de chiffres. Cela pose une question sur leur capacité à mesurer et à combattre la désinformation. »
TikTok, un véritable problème pour l’Arcom
Mais pour l’Arcom, la plateforme qui pose le plus de problèmes aujourd’hui, c’est surtout TikTok. Le réseau social chinois était soumis aux obligations de l’organisme pour la première fois, et il ne s’est pas montré très ouvert à la collaboration. La déclaration du service s’est avérée « particulièrement imprécise », et « en décalage avec la place très importante prise par la plateforme, notamment chez les jeunes ».
« TikTok renvoie vers ses rapports de transparence, mais ne déclare que des éléments chiffrés au niveau mondial », précise, par ailleurs, l’Arcom. Il s’avère donc compliqué, pour ne pas dire impossible, de savoir comment l’entreprise gère la réglementation française. « La déclaration de TikTok est particulièrement imprécise, avec peu d’informations relatives au service en France et pas d’éléments tangibles permettant une évaluation des moyens et mesures mis en place. »
« Le statu quo n’est pas possible pour TikTok », estime le membre du collège de l’Arcom Benoît Loutrel. Le réseau social va donc être contraint de clarifier sa position dans les mois à venir. Cependant, difficile de savoir quelles sanctions l’attendent s’il décide de ne pas le faire…
🗨️ "Avec @tiktok_France, on a un décalage très clair entre la réponse (au questionnaire @Arcom_fr ) et le temps passé par les jeunes sur la plateforme (...) Le statu quo n'est plus possible. Il doit y avoir un rattrapage accéléré pour faire face à ses obligations" @beloutrel pic.twitter.com/QQVTRgF9g2
— Arcom (@Arcom_fr) November 28, 2022
Des inquiétudes du côté de Twitter
De son côté, Twitter n’est pas particulièrement un mauvais élève, surtout si on la compare aux autres services peu coopératifs. Cependant, la plateforme fait tout de même preuve d’une « transparence très relative concernant les données chiffrées », avec « des éléments peu précis » concernant ses outils automatiques.
Bien évidemment, l’actualité très mouvementée associée au rachat de Twitter par Elon Musk ne manque pas d’inquiéter l’Arcom. Cette dernière a contacté Twitter pour avoir des précisions concernant la manière dont le réseau social compte remplir ses obligations. Une réponse a bien été reçue, mais elle n’est pas totalement satisfaisante. « Le courrier fait une affirmation politique sur la volonté de respecter la réglementation. Mais il nous a laissés sur notre faim quant à la traduction concrète de ce discours au sein des équipes de Twitter. Nous allons entrer en dialogue avec Twitter pour avoir des précisions », conclut le président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre.