Dans l’Histoire du jeu vidéo, il existe de nombreux exemples de créateurs chevronnés ayant très mal digéré la mutation soudaine de l’industrie et l’obligation, pour les studios, de faire appel à des équipes gigantesques en plus de mettre en place de nouvelles méthodes de production. Pour certains développeurs, le choc fut d’autant plus brutal qu’ils étaient de véritables stars dans leurs compagnies respectives. C’est notamment le cas de Yuji Naka, le co-créateur de Sonic.
Plus les semaines passent et plus la réalité semble douloureuse à gérer pour le créateur japonais. Véritable génie de la programmation (et le mot est faible), Yuji Naka n’a que 19 ans quand il est entre chez SEGA. En 1984, l’entreprise est en train de développer celle qui deviendra la Master System chez nous et se lance dans une vaste opération de recrutement. Le jeune homme profite de l’opportunité et devient, en quelques années, un employé très important. Il participe à de très nombreux jeux et pose les bases, avec Rieko Kodama (qui nous a quittés en mai dernier), d’un certain Phantasy Star. Avec l’avènement de la Mega Drive, le monsieur réalise un portage très réussi de Ghouls'n Ghosts et donne naissance, avec Naoto Oshima, à un certain Sonic. Au début des années 1990, le garçon est une pointure de SEGA, mais qui cache une part sombre. Si tout le monde loue son incroyable talent, beaucoup critiquent son ego démesuré.
Le problème, c’est que Yuji Naka s’est approprié Sonic (alors qu’il y avait aussi Naoto Oshima et d’autres collègues dans l’histoire). S’estimant mal payé et estimé après le succès de Sonic the Hedgehog, c’est par miracle qu’il a rebondi chez SEGA of America avant que la maison-mère ne mette un mouchoir sur les bisbilles du passé. Votre serviteur a pu s’entretenir à de nombreuses reprises avec des développeurs de SEGA et beaucoup ont rapporté que Yuji Naka, par son tempérament et son parcours à succès, n’était vraiment pas un employé/patron facile à gérer. Cette impression de « toute puissance » s’est ainsi matérialisée par plusieurs épisodes tout au long de sa carrière. Il y a notamment le refus de prêter le moteur 3D de Nights : Into Dreams à l’équipe américaine en charge de Sonic X-Treme sur Saturn (qui aboutira à l’abandon du projet et des développeurs au bord de la dépression). On peut aussi parler des embrouilles permanentes qu’il y avait entre Yuji Naka et des collègues. Par exemple, Kats Sato a refusé d’apparaître dans les crédits de Sonic R car il était constamment en désaccord avec son compatriote. Des histoires comme ça, il y en a – malheureusement – beaucoup.
Yuji Naka révèle avoir été viré par SEGA !
Dans une conversion en japonais, révélée par l’utilisateur de Twitter Dom Auffret, Yuji Naka explique qu’il n’est pas parti volontairement de SEGA. Ce dernier avait l’intention de terminer sa carrière dans cette entreprise et indique tout simplement avoir été viré !
Au détour d'une conversation, Yuji Naka indique qu'il aurait été viré de Sega au cours du développement de Sonic 06 (sur lequel il n'est pas crédité). Il est entré en conflit avec Sega, chez qui il pensait finir sa carrière, au sujet d'une augmentation de salaire des devs. pic.twitter.com/obggIahUlw
— Tamagochiste (@Dom_Auf) November 7, 2022
Il clarifie ses dires :
Ce n’était pas le bon moment pour moi de partir, parce que nous étions en train de faire Sonic 2006 pour le 15ème anniversaire de Sonic. Nous étions également en train de faire Phantasy Star Universe. À cette époque, quand j’ai osé parler du salaire de tous les développeurs, pas de moi, j’ai été soudainement écarté.
Entre les lignes, on devine ainsi que Yuji Naka serait monté au créneau pour réclamer une augmentation des salaires et que SEGA lui a donné sa réponse en l’écartant. On comprend dès lors qu’il a été viré et c’est pourquoi, dès l’année suivante, il a fondé son studio Prope. Pour celles et ceux qui s’intéressent à l’Histoire du jeu vidéo, le compte Twitter de Yuji Naka va de révélation en révélation depuis que le programmeur a été licencié de Bandai Namco (avant le fiasco de Balan Wonderworld). Il a d’ailleurs tellement été échaudé qu’il a carrément effacé d’une photo son collègue de l’époque, Naoto Oshima. Visiblement, lors du procès, des documents falsifiés auraient été présentés (selon Naka) et il espère pouvoir publier, un jour, la preuve de ces mensonges.
Encore une fois, nous n’avons qu’une version de l’histoire donc il faut prendre tout cela avec du recul, mais cela montre que le monde du jeu vidéo peut parfois être impitoyable. Une chose est désormais certaine : SEGA a tout simplement viré Yuji Naka en 2006 et la légende urbaine qui racontait qu’il était parti sous les vivats vient de s’écrouler.