Ces derniers temps, Santa Monica Studio a de quoi être fier de lui. Après le succès critique et commercial du God of War de 2018 avec plus de 23 millions, sa suite, God of War : Ragnarok, est bien parti pour être lui aussi un carton puisque le titre affiche un indice de 94/100 sur Metacritic. Si grâce à son travail acharné le studio est devenu l'un des fleurons du catalogue PlayStation, au coude-à-coude avec d'autres développeurs prestigieux comme Naughty Dog (Uncharted, The Last of Us) ou Guerilla (Horizon), cela n'a pas toujours été le cas. Alors, pour la sortie de Ragnarok, on vous propose de revenir dix ans en arrière, à une époque où Santa Monica Studios était en proie au doute.

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Penser l'après God of War : Ascension, sans Kratos

Tout commence en mars 2010, alors que Santa Monica Studio vient tout juste de sortir God of War III. Le titre est la conclusion des aventures de Kratos dans le monde de la mythologie grecque et offre un dénouement épique à la hauteur de la vengeance de l'ancien capitaine de Spartes. Instantanément, le jeu devient un classique de la PS3 et confirme que God of War est l'une des licences phares de PlayStation. Au départ, on retrouve à la tête du projet Cory Barlog, personnalité importante pour la franchise puisqu'après avoir été lead animator sur le premier jeu, il devient game director et story writer sur le second. Si ce dernier commence l'histoire et le design de ce troisième volet, il finit par quitter Santa Monica Studio et la production au bout de huit mois. Après ce départ, c'est Stig Asmussen qui récupère le projet en tant que director et qui mènera le jeu jusqu'au bout.

Après la sortie de God of War III, une grande partie de l'équipe de développement part travailler sur le jeu suivant, God of War : Ascension, un épisode préquel, tandis que Cory Barlog évolue de son côté, en travaillant sur le script de God of War : Ghost of Sparta, mais plus en tant qu'employé de Sony. Par la suite, il part travailler sur la pré-production du jeu Mad Max chez Avalanche avant de rapidement quitter le bateau pour aller diriger les cinématiques de Tomb Raider (2013) chez Crystal Dynamics. Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est ce qu'il se passe en interne chez Santa Monica Studio au début des années 2010.

Après la sortie de God of War III en mars 2010, God of War : Ascension récupère un grand nombre d'employés pour que son développement puisse s'accélérer. En parallèle, une autre partie du studio commence à penser à la suite et aux prochains jeux à produire. Mais dans cet avenir, on ne retrouve pas Kratos puisque Santa Monica Studio a l'ambition de grossir pour développer de nouvelles IP (Intellectual Propierty, des licences en gros) autre que God of War, de la même façon que Naughty Dog a souhaité se diversifier en produisant The Last of Us après Uncharted 3 : L'Illusion de Drake. Dans cette optique, plusieurs petites équipes au sein de l'entreprise se mettent à créer des prototypes. Finalement, il y en a un qui va finir par retenir l'attention des instances dirigeantes, un projet dont le nom de code est Internal 7 ou Darkside. Puisque dans le documentaire Raising Kratos consacré à la création de God of War (2018) les développeurs parlent d'Internal 7 plutôt que de Darkside, c'est comme cela que nous allons l'appeler à partir de maintenant.

Internal 7, symbole du renouveau pour Santa Monica Studio

À la tête de cette nouvelle franchise, on retrouve Stig Asmussen dont on vous avait parlé précédemment puisqu'il était director sur God of War III. Mais avant de jouer un rôle si important dans la conclusion des aventures de Kratos dans la mythologie grecque, ce dernier était lead environment artist et art director sur les précédents jeux de la saga. Par sa formation artistique à la The Art Institute of Pittsburgh et les postes qu'il a occupés par le passé, Stig Asmussen va mettre un point d'honneur à ce que la direction artistique de ce Internal 7 soit l'une de ses plus grandes forces, comme on pouvait le voir à travers les artworks qu'il reste.

Bon, concrètement, que sait-on de ce projet aujourd'hui ? Dans le documentaire Raising Kratos, on apprend qu'il s'agissait d'un titre qui se déroule dans un univers futuriste de science-fiction et qu'on y trouvait des armes à feu, une première pour le studio. À partir de ces éléments, on peut s'imaginer qu'il s'agissait d'un jeu de tir, peut-être à la troisième personne compte tenu du savoir-faire de l'entreprise, mais il aurait aussi très bien pu s'agir d'un FPS. Des quelques rares artworks qui ont révélés lors du documentaire, il semble que des extraterrestres soient également de la partie. Au-delà de ça, ces illustrations nous laissent entrevoir un projet ambitieux qui fait penser à Mass Effect pour son aspect shooter dans un univers de science-fiction, voire à Gears of War compte tenu de l'armure de ses personnages. Mais lorsqu'on jette un oeil aux monstres présentés, on aurait aussi tendance à pencher vers une influence plus horrifique comme Dead Space. Enfin, un certain air de Destiny se dégage également de ses artworks, alors que le projet était loin d'être révélé. En tout cas, une chose est sûre, le but est de faire quelque chose de complètement différent par rapport à God of War.

S'il ne reste plus grand-chose du jeu aujourd'hui, on sait que les équipes en interne en étaient assez fières. Des mots de Shannon Studstill, dirigeante de Santa Monica Studio à l'époque, il s'agissait d'un "rêve" pour ceux qui travaillaient dessus. Alors que le développement de God of War : Ascension bat son plein, Stig Asmussen s'entoure d'une petite vingtaine personnes pour s'attarder sur la pré-production de Internal 7 qui aura duré au total 36 mois. De quoi bien préparer le terrain avant que le projet hérite des équipes d'Ascension et qu'il entre dans une phase de développement plus intense. Malheureusement, les choses ne vont pas se passer comme prévu.

Une annulation soudaine et un bouleversement pour God of War

2013 va être une année assez déterminante dans l'histoire de Sony Santa Monica Studios. Tout d'abord, en mars, God of War : Ascension sort enfin avec une réception critique et commerciale mitigée qui va jouer un rôle important dans la suite des événements. Mais puisque le développement du titre est terminé, les équipes rejoignent les rangs du projet Internal 7 qui gagne plus de 110 employés pour avancer concrétement la production du titre. En parallèle, Cory Barlog quitte Eidos Montréal en avril après avoir joué le rôle de cinematic sur Tomb Raider (2013) pour finalement retourner chez Santa Monica Studio en août. Il prend alors la tête d'un petit groupe chargé de penser l'avenir de la licence God of War dont la réputation est en berne dans les sondages. Parmi les causes ciblées par Cory Barlog, il explique que le côté anti-héros de Kratos n'a pas évolué depuis le premier jeu et que le public ne le perçoit que comme un guerrier avide de sang obsédé par la vengeance. Tout l'enjeu de Barlog et ses équipes va alors être de faire évoluer ce personnage pour proposer quelque chose de nouveau au public, ce qui aboutira au God of War de 2018 que l'on connaît aujourd'hui.

Alors qu'Internal 7 prend de l'ampleur et que le groupe de Cory Barlog est en phase de conceptualisation, les instances dirigeantes de Santa Monica Studio décident de déménager les locaux de l'entreprise. L'idée derrière cette décision est de faire en sorte que le studio reste compétitif en accueillant la gestion de deux licences, God of War et Internal 7, au sein d'un même bâtiment. Pour être à la hauteur de cette ambition, il faut donc des bureaux plus grands. Ainsi, les employés visitent les nouveaux locaux, appelés The Reserve, en octobre 2013 avec pour objectif d'y emménager à l'horizon de l'été 2014. Une nouvelle réjouissante pour les développeurs qui sont heureux de travailler dans des immenses locaux qui représentent bien la nouvelle ambition du studio, mais qui est aussi vue comme un signe de confiance de la part de Sony.

Malheureusement, en février 2014, suite à l'accueil critique et commercial mitigé de God of War : Ascension, Santa Monica Studio fait l'objet d'une vague de licenciements, tandis qu'Internal 7 est tout simplement annulé puisque parmi les départs, on retrouve Stig Asmussen. Par la suite, ce dernier saura rebondir car la même année, il entre chez Respawn Entertainment (Apex Legends, Titanfall) au sein duquel il finit par devenir game director sur Star Wars Jedi : Fallen Order. Pour le reste du studio, la nouvelle pèse lourdement sur le moral des employés qui étaient très attachés à ce projet qui leur permettait de faire autre chose que du God of War, soit une première depuis le début de la saga en 2005.

Du côté de Cory Barlog et ses équipes, cette décision bouleverse aussi complètement leurs plans. Tandis qu'ils n'étaient encore qu'à l'étape de conceptualisation du projet, ils se retrouvent du jour au lendemain à gérer plus de 110 développeurs, ceux ayant travailler sur Ascension et qui ont ensuite basculé sur Internal 7, alors qu'ils n'ont rien à leur faire faire. Comme le dit Cory Barlog lui-même dans le documentaire Raising Kratos, ils sont arrivés huit-neuf mois trop tôt dans la production dut titre. Dans cette situation, la pression est d'autant plus forte pour le game director qu'ila déjà pour lourde mission de réinventer une franchise autrefois adulée qui est désormais en perte de vitesse. Après cet événement inattendu, le développement de God of War n'a pas été de tout repos, mais finalement, lorsque le jeu sort en 2018, le titre devient le succès critique et commercial que l'on connaît aujourd'hui, permettant à Santa Monica Studio de retrouver sa place prestigieuse parmi les PlayStations Studios.

Après God of War : Ragnarok, un retour du projet est-il possible ?

Aujourd'hui, God of War : Ragnarok est sorti, quatre ans après God of War, et ce lancement marque déjà la fin des aventures de Kratos dans le monde de la mythologie nordique. Lorsqu'on lui demande pourquoi avoir choisi de faire une duologie plutôt qu'une trilogie, Cory Barlog explique que le développement de trois jeux aurait pris quinze ans de développement au studio et que ce laps de temps était beaucoup trop long pour proposer une histoire. Il poursuit également en ajoutant que le coeur de cette saga nordique est avant tout la relation entre Kratos et Atreus et que tout ce que les développeurs souhaitaient raconter pouvait être fait en deux jeux. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'il s'agit du dernier jeu de la saga God of War, ne vous y trompez pas.

Cependant, on peut se demander si derrière cette décision de faire un jeu en moins, Santa Monica Studio ne voudrait pas retenter sa chance de proposer une nouvelle licence autre que God of War maintenant qu'ils ont réussi à prouver aux joueurs et à Sony qu'ils sont capables de créer des titres qui mettent tout le monde d'accord. Dans le sens de cette hypothèse, on peut noter que Cory Barlog n'est que producteur sur Ragnarok alors qu'il était director sur le premier jeu. Si cette fonction reste importante dans le développement d'un titre, elle nécessite beaucoup moins d'être constamment avec les équipes que lorsqu'on est director, ce qui laisserait donc une certaine marge pour travailler sur un autre projet à côté.

Pour ce qui est d'Internal 7, il est cependant très peu probable que ce dernier fasse son grand retour un jour ou l'autre, du moins chez Santa Monica Studio. La première raison à cela, c'est que les têtes pensantes à l'origine du projet ne sont aujourd'hui plus là, comme on l'a vu avec Stig Asmussen qui est parti chez Respawn Entertainement depuis. Au-delà de ça, cela fait presque dix ans que la production a été annulée et il est probable que la proposition ne corresponde plus aux inspirations du studio aujourd'hui. Dans tous les cas, après une saga nordique qui aura su mettre tout le monde d'accord, on se demande bien ce que Santa Monica Studio nous réserve désormais à l'avenir.

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