Venez découvrir le puzzle game français How to Say Goodbye. Entre le style visuel des Trois Brigands et des Moomin, l'insouciance du Petit Prince et la dureté du sujet (le deuil), je vous propose de vous plonger dans ce jeu vidéo atypique signé Arte.
Perdre un être cher est probablement la pire hantise pour chaque humain sur terre. Si bien qu’il n’est pas facile d’aborder un sujet aussi poignant que le deuil, que ce soit en livre, en film ou en jeu. Pourtant, c’est bien cette horrible émotion qui est au cœur de l’expérience How to Say Goodbye. Et pour l’exprimer Florian Veltman et Baptiste Portefaix ont choisi une direction artistique un peu particulière : une DA inspirée des livres pour enfants des années 60. Elle est donc assez simpliste de prime abord, enfantine, bien loin de la gravité du sujet. Autant dire que cet étrange mélange m’a aussitôt intrigué. Dès la sortie, je me suis donc lancée dans cette expérience un peu à part sur Nintendo Switch. Au fond de mon lit, une petite boîte de mouchoirs à portée de main au cas où, je me suis aventurée dans les limbes d’How to Say Goodbye le temps d’une petite heure. Voici ce que j’ai vécu en tant que fantôme cherchant son chemin vers les cieux :
Il y a Wanted, votre nouvelle chronique qui parle de jeux indés décalés et amusants, et il y a cette chronique. Elle est dédiée aux jeux qu'on a à cœur de vous faire découvrir, dans un registre un peu plus personnel, à la manière d'un billet et avec quelques extraits vidéo.
Le deuil tout en douceur
Moomin, Les Trois Brigands, Otto, autobiographie d'un ours en peluche, Le Petit Prince, Max et les Maximonstres… Sans doute connaissez-vous au moins un de ces récits que j'ai dévoré étant enfant. Peut-être même êtes-vous capable de trouver le point qui les unit tous. On dit souvent que les films Disney/Pixar proposent une seconde lecture, mais ils n’ont rien inventé : ces cinq livres pour enfants, aux allures souvent minimalistes, traitent de thèmes durs que tous les parents angoissent à l’idée d’aborder avec leurs marmots. Ainsi, Otto raconte la vie d’un ours en peluche en pleine Seconde Guerre Mondiale. Les aventures des Moomin ont une portée écologique et parlaient d'homosexualité à une époque où aimer une personne du même sexe que soi était interdit. Et pour ce qui est de Le Petit Prince, il évoque la peur de grandir, l'abandon, la gestion des émotions et bien d'autres choses. Tous ces messages, plus poignants les uns que les autres, sont cachés des yeux des enfants. Seuls les plus attentifs parviennent à en saisir la pleine signification, et ils ne sont pas nombreux. Et c'est ça qui fait toute la beauté de ces livres. Pour en revenir au fait de comprendre leur message dès la première lecture, je ne crois pas que cela ait été mon cas. Ce n'est que plus tard, à l'âge adulte, que j'ai pu constater tout ce qu'ils cherchaient à représenter et cela ne m'a fait que les aimer davantage. En les contant à mes élèves, j'essaye de transmettre cet amour… ou du moins j'essayais. Je m'appelle Christine, mes amis m'appellent Chris. J'aime le gin et les patates rôties, et cette semaine je suis morte.
Les extraits de gameplay présents dans cet article sont issus de la version Nintendo Switch du jeu suite au patch Day One. Suite à des soucis de capture, ces extraits ne prennent pas en compte le son du jeu.
C'est donc à cela que ressemble l'autre côté ? Transformé en un fantôme à mon image, me voilà en effet plongé dans ces décors crayonnés que je connais si bien et qui me représentent si bien. Ou alors est-ce ma passion pour les Moomin et les Trois Brigands qui me joue des tours et me fait les voir partout ? Après tout, peu importe. J'avais toute une vie pour me poser des questions… Il est temps pour moi d'accepter de ne pas tout savoir, d'accepter la fin de ma vie, d'accepter l'inconnu, d'accepter ma mort. Et de ce que j'en vois cela n'a pas l'air si mal. Les couleurs autour de moi sont si douces, la musique entraînante et les âmes qui les découvrent avec moi semblent bien se porter, profitant du soleil pour s'octroyer un moment de détente autour d'un bon pique-nique (à base de gin et de patates rôties, miam). Ce n'est pas si mal au final mourir. Je me plais à errer dans les limbes, bien que je sache que ce moment est voué, comme toute chose, à trouver une fin. Je dois retrouver le chemin de la maison et tourner la page de ce monde qui m'a vu vivre puis mourir. Je le dois et je le ferai… Il me faut juste quelques minutes de plus, c'est tout. Ou peut-être quelques heures tout au plus. Après tout, regardez moi ces belles patates rôties… Là où je vais peut-être n'en verrais-je plus. Et dire que j'avais l'habitude de les partager avec ma famille et mes amis, au moins une fois par semaine. Faut-il vraiment que je laisse tous ces souvenirs derrière moi ?
Mais alors que je veux rester, l'environnement qui me plaît tant commence à changer, à muter. Fini les couleurs pastel rassurantes et bonjour la noirceur et les airs de lieu maudit. Un son angoissant parvient jusqu'à mes oreilles. C'est donc à cela que ressemblent réellement les limbes ? Cette terrifiante prison où se perdent les âmes en peine avant de se retrouver à la merci des spleens. Qui sont donc ces créatures ? Une matérialisation de mes pires angoisses ? Ou peut-être des âmes qui n'ont jamais su trouver le chemin de l'acceptation, des âmes qui ont refusé d'accepter leur mort et tentent maintenant de dévorer celles qui doutent encore ? Moi je ne céderai pas ! Je vais apprendre à faire le deuil, le deuil de ma vie passée, embrasser la mort et accepter mon destin funeste. Et pour cela, il faut que j'avance jusqu'à l'ultime porte, celle qui me permettra d'élever mon âme jusqu'aux cieux. Mais malheureusement, tout n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît ici. Pour y parvenir, je vais devoir me frayer un chemin sur ce terrain amovible semé d'embûches… Mais en suis-je réellement capable ?
Un chemin semé de puzzle
Moi qui pensais que la mort était l'état de quiétude ultime, je me trompais. Car avant d'accéder au repos éternel, il va falloir que je me creuse les méninges une dernière fois. Je vois des portes, des clés et des objets, parfois plus ou moins accessibles. Le sol sur lequel je me trouve est composé de cases et de lignes, à la manière d'un Rubik's cube que l'on aurait aplani. Instinctivement, je comprends vite ce qu'il me reste à faire : faire glisser les lignes pour accéder aux clés, ouvrir les portes correspondantes et continuer ainsi de pièce en pièce, de niveau en niveau. Jusqu'ici tout va bien. Mais entre la théorie et la pratique, il y a parfois un fossé. Et oui car bouger la ligne sur laquelle je me trouve implique que je fasse se déplacer tout ce qui s'y trouve. Et puis elles n'en font parfois qu'à leur tête, répondant de façon hasardeuse à mes demandes de déplacement (j'ai comme l'impression que cela n'est pas tout à fait normal, si tant est que la normalité existe dans ce monde étrange). Mais bon, malgré tout je parviens à avancer de façon assez rapide à travers les différents chapitres de ma mort. Si je continue comme ça il ne me faudra qu'une petite heure pour m'élever dans les cieux. Mais mon petit doigt me dit que cette épopée mortuaire durera plutôt trois heures. Et pour cause, nombreuses sont les embûches qui vont venir me compliquer la tâche.
Si mon reflet va pouvoir m'aider à avancer, il ne suffit pas à combler le vide laissé par mes proches encore sur Terre. Seule, je ne suis rien, mais seule je ne suis pas. Ils existent en effet d'autres âmes en peine qui cherchent à trouver le même chemin que moi. À mesure que j’avance, leur aide me sera précieuse, voire indispensable. Quand on se retrouve seul dans cet espace entre-deux, l’avancée devient plus difficile, certaines sorties inaccessibles. Je sens que cette épreuve est censée m’apprendre quelque chose sur la solitude, sur comment faire son deuil, comment accepter la mort… Et je pense que si mes proches laissés derrière pouvaient voir mes aventures, peut-être me regarderaient-ils avec émotion et parviendraient, eux aussi, à faire leur deuil.
How to Say Goodbye est un puzzle game qui ne conviendra pas à tout le monde, il est vrai. Calme et poétique, il plaira uniquement aux adeptes de quiétude et de sens. Si c'est votre cas, on ne peut que vous conseillez de vous glisser sous un plaid pour découvrir cette courte aventure pleine de réflexion, aussi bien sur les puzzles que sur la vie (et la mort). How to Say Goodbye est disponible sur mobiles, Nintendo Switch et PC.
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