Des jeux entièrement çoncus de A à Z par une intelligence artificielle, la fausse bonne idée ?
Au début du mois de septembre, un papier publié dans les colonnes de Kotaku communique la sortie d’un énième jeu sur la plateforme Steam. This Girl Does Not Exist, uniquement disponible en anglais, est proposé pour une poignée d’euros, à peine 3,99. Mais outre l’article, la communication autour du jeu semble avoir flanché quelque part ; à l’heure où nous écrivons ces lignes, seuls trois utilisateurs n’ont encore laissé d’évaluations sur la page du jeu : “Cute Pen Games a beaucoup d'idées et probablement une réserve inépuisable d'énergie pour créer d'autres productions”, écrit Captain Deatumner. “Quand on pense à tout le travail qu'il a fallu faire pour réaliser ce jeu, c'est un excellent résultat”, félicite DDZ. Seul un certain Fireflies semble déçu de l’expérience : “La description rend le jeu plus intéressant et plus approfondi qu'il ne l'est réellement.”
L’objectif de This Girl Does Not Exist est d’assembler des pièces de puzzles illustrant de jolies filles au fil de vos rendez-vous amoureux avec ces dernières. Un concept pour le moins sommaire que l’on retrouve déjà dans une flopée d'autres suggestions en bas de page. Les illustrations peuvent faire penser à un vieil artbook de l’auteur chinois Benjamin. Mais là n’est pas la particularité du titre : Le développeur affirme que tout, de l'art à l'histoire en passant par la musique et les doublages a été généré par une sorte d'IA. L’idée vient d’un couple de développeurs réunis sous la bannière Cute Pen Games, plutôt habitué aux jeux pornos classiques. Et si elle pourrait sembler visionnaire, personne ne mord vraiment à l’hameçon. Le duo a transféré des clés de son projet à pas moins de 250 YouTubers, sans qu'aucun, presque, ne daigne répondre. Et malgré un catalogue rempli de contenus NSFW, This Girl Does Not Exist est le plus gros échec commercial du studio. Car malgré l'ingéniosité du procédé, c'est la part de créativité qui semble manquer à l'appel.
MidJourney, star des jeux générés par une IA
S'il n'en est encore qu'à ses balbutiements, personne n’est vraiment surpris par le concept. Des contenus générés par une intelligence artificielle inondent déjà les réseaux sociaux, en particulier Twitter. DALL-E, MidJourney… ces outils de génération automatisée d’images n’ont besoin que d’une simple description pour créer des visuels parfois époustouflants. C’est d’ailleurs ce dernier qui sert d’outil de base au jeu de Cute Pen Game. Cet été, un autre titre s’essayait aux magies de l’IA : Shoon, un petit jeu de tir en 2D réalisé en trois jours à peine par "Nao_u" en autodidacte. MidJourney façonne pour lui l'arrière-plan, le vaisseau du joueur et les ennemis. Au préalable, le développe construit les modèles de navires en donnant au logiciel des invites textuelles liées à Star Wars et Armored Core. Bien sûr, plusieurs essais sont nécessaires avant d’obtenir quelque chose de vraiment utilisable. En revanche, difficile de convaincre par de belles perspectives ; les environnements sont statiques, impossibles de distinguer les nuages de la végétation, par exemple. L’IA connaît d’autres limites du même acabit : le sprite des personnages ne pas s’animer. Si la présence de vaisseaux spatiaux statiques peut contourner ce problème, le souci restreint tout de même considérablement le champ des possibles.
Midjourneyで生成した絵を使って横スクロールシューティングゲームを作ってみた pic.twitter.com/M6HUMhzKkW
— Nao_u (@Nao_u_) August 13, 2022
Mais le processus est quand même capable de jolies prouesses. En 2018, à l'Institut de technologie de Géorgie, un algorithme conçu par Matthew Guzdial, étudiant en doctorat, et Mark Riedl, professeur associé, a absorbé des heures de séquences de personnes occupées à jouer à Super Mario Bros., Kirby's Adventure et Mega Man. Le système d'apprentissage automatique s’est ensuite servi de ces séquences comme base pour ses propres titres. Le duo a notamment mis au point Death Walls, un petit jeu aux illustrations sommaires dans lequel le joueur essaie de devancer un mur mortel qui s'approche rapidement de lui. "C'est l'approche de la créativité par mimétisme, ce qui n'est pas un mauvais point de départ, car les humains apprennent également à être créatifs en imitant au début", racontera M. Riedl dans les colonnes de Vice. Et au-delà de la simple reproduction, l’IA mise au point est aussi capable de combiner la conception de plusieurs niveaux de jeux afin d’en créer de nouveaux. Mais pour vraiment trouver la bonne recette, il faudrait d'abord savoir à quelle place reléguer l'IA dans le groupe de travail.
Nous ne savons pas comment les humains et l'IA devraient travailler ensemble au niveau de la conception. L'IA pourrait être un assistant, elle pourrait être un sous-traitant qui remplit les blancs, elle pourrait être un pair, et - à l'extrême - elle pourrait prendre la tête et l'humain pourrait être l'assistant.
Dans les grands studios, une autre priorité
Dans les grands studios de jeux, on préfère tout de même concentrer les efforts de recherche en matière d'IA sur des aspects bien précis d'une expérience vidéoludique, qui se traduisent généralement par les PNJ. Au mois de mai 2021, le PDG de Sony, Kenichiro Yoshida, annonce une collaboration solide entre la division de recherche en intelligence artificielle de la société, Sony AI, et les développeurs PlayStation dans l’optique de créer des personnages intelligents contrôlés par ordinateur. Ces derniers suivraient un processus d'apprentissage par renforcement par lequel une IA apprend comment agir par essais et erreurs et deviendrait donc capables d’imiter les joueurs humains. "En tirant parti de l'apprentissage par renforcement nous développons des agents d'intelligence artificielle de jeu qui peuvent devenir l'adversaire ou le partenaire de collaboration d'un joueur dans le jeu", dit Yoshida.
some midjourney generations pic.twitter.com/VDXZOfPheL
— Aella (@Aella_Girl) October 14, 2022
La même année, Electronic Arts affirme sa volonté de développer des outils capables d'utiliser l'apprentissage automatique pour reproduire les expressions faciales et les mouvements du corps à partir de vidéos et de photos. Un système qui permettrait d’exclure l’utilisation d’acteurs dans un studio de mo-cap. Mieux encore, il était aussi envisagé d'utiliser du contenu généré par les utilisateurs pour qu’ils puissent créer un avatar en capturant leur propre silhouette depuis un smartphone ou une webcam. Chez Microsoft, l'équipe de recherche sur l'intelligence artificielle de Cambridge mène le projet Paidia, qui de façon similaire, étudie elle aussi l'utilisation de l'apprentissage par renforcement.
L’IA des adversaires est ainsi beaucoup plus facile à coder que celle des alliés gérés par l’ordinateur. Avec l’adversaire, la relation est brève. Il n’a pas besoin de comprendre vraiment ce que je suis en train de faire, alors qu’un allié doit comprendre ce que je fais, comme prendre les ennemis à revers ou me couvrir lors d’une attaque. C’est pourquoi nous utilisons souvent des ordres, qui simplifient grandement la programmation des IAs des alliés. - Le journaliste Jean Zeid pour Polytechnique Insights.