C'est le 13 octobre 2009 que sortait Uncharted 2 : Among Thieves, un jeu vidéo signé Naughty Dog, toujours autant apprécié par les joueurs 13 ans plus tard, et qui a marqué sa génération. Plus qu'une simple suite contribuant à la popularité d'une licence et de son héros, le deuxième épisode des aventures de Nathan Drake a propulsé ses créateurs sur le devant de la scène.
En 2009, la PlayStation 3 commence à refaire son retard sur la Xbox 360, une concurrente féroce ayant bien mieux réussi son lancement un an plus tôt qu'elle. La console de Sony a commencé à rassurer les fans de la marque PlayStation avec des exclusivités de qualité, et l'année s'apprête à se conclure avec la suite d'Uncharted : Drake's Fortune, une de ses premières belles cartouches parue deux ans auparavant. Intitulé Uncharted 2 : Among Thieves, ce nouvel opus avait fait sensation avec une première bande-annonce publiée fin 2008 et qui marqua immédiatement les esprits. On ne l'imaginait pas encore à ce moment-là, mais Naughty Dog était en train de préparer un titre d'anthologie qui allait changer pour toujours sa place dans l'industrie du jeu vidéo…
Sommaire
- Tout sauf des jeux de niche
- Les débuts d'un voleur
- Better, faster, stronger
- Une aventure "game changer"
- Le train de la hype
- L'odyssée de Drake
- Le studio d'une génération
- Naughty Dog, la pépite de Sony ?
Tout sauf des jeux de niche
S'il a été fondé en 1984, le studio créé par les amis d'enfance Andy Gavin et Jason Rubin a attendu de longues années avant de vraiment se faire un nom. C'est avec Crash Bandicoot, platformer déjanté au gameplay redoutable de précision, que les "Dogs" se feront connaître du grand public. Le hit de la première PlayStation rencontra en effet un succès mérité, grâce entre autres à la mascotte créée par le studio, et la licence sera déclinée en une trilogie rapidement devenue culte. Les trois épisodes dépasseront les 21 millions d'exemplaires (beaucoup mieux que la trilogie "concurrente" Spyro the Dragon de Insomniac Games) auxquels se rajouteront 4 nouveaux millions pour l'excellent spin-off CTR : Crash Team Racing, achevant de faire de Naughty Dog un studio précieux aux yeux de Sony pour qui il a exclusivement travaillé durant la troisième génération de consoles. En 2001, le rachat par le constructeur des consoles PlayStation sonne alors comme une évidence : les "Dogs" ont réalisé 3 des 11 meilleurs ventes de l'histoire de la première console de Sony, et sont les seuls à avoir placé autant de leurs titres à ce niveau du hit-parade, devant Polyphony Digital et ses deux Gran Turismo, mais aussi Squaresoft (et ses Final Fantasy) ou Namco (avec ses Tekken) excusez du peu…
C'est aussi en 2001 que Naughty Dog lance sa nouvelle franchise, évidemment sur PlayStation 2, et cette dernière s'inscrit toujours dans le style plate-forme cartoonesque, un poil plus "aventure" et adolescente, avec Jak & Daxter : The Precursor Legacy. Alors que le développeur californien a perdu la licence Crash Bandicoot, il reproduit sur PS2 le même schéma avec une trilogie suivi d'un spin-off orienté course, intitulé Jak X : Combat Racing (et qui fera office d'easter egg dans le DLC de The Last of Us ainsi que la suite de ce dernier). Le succès est cependant moindre : bien que jouissant encore d'une certaine popularité auprès des fans, la trilogie Jak & Daxter dépasse péniblement les 7 millions d'unités distribuées (le premier volet étant le seul à rencontrer un certain succès, chiffré à "seulement" 4,2 millions de ventes cependant). C'est moins que Crash Bandicoot 2 : Cortex Strikes Back (7,6 millions) et que Crash Bandicoot 3 : Warped (7,1 millions) et à peine mieux que le premier volet des aventures du marsupial (6,8 millions). D'autres studios maison font alors bien mieux, comme le "rival" (et ami) Insomniac qui prend sa revanche sur le passé avec Ratchet & Clank (autre duo devenu mythique sur les consoles PlayStation), Polyphony et les Gran Turismo de nouveau, ou encore Santa Monica Studio qui connaîtra un succès fou avec God of War, une licence bien plus adulte. Tiens donc…
Les débuts d'un voleur
Paradoxalement, le succès plus modéré de sa deuxième série n'enraye ni la confiance que Sony accorde à un de ses studios phares, pourtant dépassé en terme de ventes par Insomniac (pas encore racheté à l'époque, mais dont les productions sont exclusives PlayStation), mais aussi par Polyphony Digital et Santa Monica Studio. Désireux de suivre l'évolution technologique des consoles, Naughty Dog envisage de passer à la vitesse supérieure avec une franchise plus adulte et réaliste, pour ne pas dire cinématographique. C'est sous l'impulsion de Amy Hennig que la licence Uncharted voit le jour : réalisatrice et scénariste des Legacy of Kain, une des premières femmes à s'être notoirement imposée dans ce milieu très masculin estimait alors que le concept de simple platformer était dépassé, et que la scénarisation des jeux d'action/aventure devenait nécessaire pour leur évolution. Un comble pour la co-réalisatrice de Jak 3, ultime jeu sur lequel œuvra (à ses côtés) le co-fondateur Jason Rubin. Ce dernier, tout comme Andy Gavin, quittera en effet le studio 20 ans après l'avoir créé, refermant ce chapitre avec la trilogie Jak & Daxter et sans jamais travailler sur la série Uncharted, même s'ils seront tous deux crédités dans les remerciements spéciaux. La présidence du studio sera d'ailleurs reprise par Christophe Balestra, programmeur français qui le co-dirigera jusqu'en 2017, et connaîtra alors les années phares de Naughty Dog.
Cependant, ce n'est pas encore avec Drake's Fortune que la nouvelle IP maison de Sony va décoller. Sorti toute fin 2007, le premier volet des aventures de Nathan Drake est bien reçu dans la presse, crédité notamment d'un 16/20 dans nos colonnes, mais le premier Uncharted a un peu tout du coup d'essai à transformer ultérieurement en coup de maître, en conservant ses forces et en gommant ses défauts. L'une des premières exclusivités de la jeune PS3 est clairement une de ses meilleures, rendant hommage à sa puissance avec une réelle claque graphique qui fait déjà date à l'époque. Uncharted : Drake's Fortune est très beau, et nous offre un premier contact avec cette direction artistique très "carte postale" qui deviendra la signature visuelle de Naughty Dog. Ses personnages sont sympathiques, son ambiance est très réussie, jusqu'au sound design et à la bande son, et Tomb Raider prend un sacré coup de vieux. Cependant, en tant que jeu d'action-aventure, il propose un gameplay assez sommaire, ne révolutionne rien de particulier, s'avère relativement court et ne dispose pas d'une grande rejouabilité, à moins de vouloir chasser les trésors cachés et la collection de récompenses sous forme de médailles (pas encore converties en trophées à sa sortie). Plus étonnant encore, son écriture que l'on attendait vraiment au tournant ne brille pas tant que ça : l'humour est potache, les clichés nombreux, et les rebondissements assez prévisibles dans ce qui ressemble davantage à une caricature d'Indiana Jones. Les promesses sont là, mais il faut les concrétiser…
Fin 2008, le premier trailer d'Uncharted 2 change la donne : Naughty Dog est là pour écraser la concurrence.
Better, faster, stronger
Dans la désormais longue histoire du jeu vidéo, nombreuses sont les licences à avoir cartonné dès leur tout premier épisode, mais dont les suites n'ont pas toutes autant convaincu. Il est même peu commun de voir ces dernières totalement mettre à l'amende le premier opus au point de le rendre oubliable. Sur PS3, ce sera pourtant le cas de deux franchises "maison" : inFamous, dont le second volet pulvérisera le premier sur à peu près tous ses aspects, mais aussi et surtout celle qui nous intéresse ici, Uncharted. Fort d'une excellente réception critique (88 de moyenne sur Metacritic) et commerciale (4,8 millions de ventes, et 10è jeu le plus vendu de la console), Uncharted : Drake's Fortune avait quand même un peu laissé sur les joueurs sur leur fin. Il était en effet nécessaire pour Naughty Dog de passer à la vitesse supérieure et de conserver l'enrobage de grande qualité tout en améliorant tout ce qui pouvait lui faire défaut, de sa durée de vie faiblarde sans replay value au manque de relief de son scénario, en passant par son rythme. Le huis-clos d'une île aux trésors mystérieuse empêchait notamment le titre de se renouveler et d'offrir une grande variété de panoramas et de situations, un comble pour les aventures du supposé héritier d'un explorateur de légende ayant réussi un tour du monde au XVIè siècle…
Prévu pour suivre la sortie du modèle "slim" de la PS3 (arrivé tout début septembre 2009), Uncharted 2 : Among Thieves se doit également d'en être un ambassadeur XXL. Alors que de spectaculaires exclusivités comme Heavy Rain et l'éternelle arlésienne Gran Turismo 5 se font attendre, le nouveau jeu de Naughty Dog promet à l'époque d'exploiter les capacités de la console à plus ou moins 100%, un peu moins de trois ans après sa première sortie fin 2006. Là où Drake's Fortune n'utilise environ que 30% du Cell, le célèbre processeur de la PlayStation 3 ayant fait autant sa renommée que suscité de polémiques, le co-président du studio Evan Wells estime que sa suite en exploitera "entre 90 et 100%", et utilisera les 25 Go du disque blu-ray sur lequel le jeu sera gravé. Christophe Balestra expliquera également que l'architecture de la PS3 favorisait la lecture intégrale d'Uncharted 2 sans nécessité de l'installer sur le disque dur de la console, et surtout, sans aucun temps de chargement une fois le jeu lancé. En terme de prouesses techniques, le tout nouveau Naughty Engine 2.0 devait alors faire merveille, et témoigner de la maîtrise totale de la console par un studio ayant relégué à la préhistoire le premier Uncharted, faisant office avec le recul d'étape d'apprentissage du hardware si particulier de la PS3. Enfin, un mode multijoueur est prévu afin de lui apporter une durée de vie plus conséquente, et donnant davantage de relief à son gameplay certes plutôt sommaire (Uncharted reste un "cover shooter" assez basique) mais efficace.
Une aventure "game changer"
Cependant, derrière les performances purement techniques annoncées par Naughty Dog, il faut bien qu'il y ait un jeu vidéo intéressant et fun à jouer. La grande histoire du média nous effectivement a prouvé à plusieurs reprises, aussi bien avant qu'après Uncharted 2, qu'il ne suffit pas d'être techniquement impressionnant et irréprochable pour réaliser un chef-d'œuvre (on pensera évidemment à The Order : 1886 quelques années plus tard). Heureusement, le projet derrière la deuxième aventure de Nathan Drake est terriblement solide, et ce n'est clairement pas un hasard si un certain Neil Druckmann a pris du galon entre-temps au sein du studio. Initialement simple stagiaire après une rencontre ayant convaincu Jason Rubin de le mettre à l'essai peu avant le départ de ce dernier, il est ensuite promu programmeur sur Jak 3 puis Jak X, spécialisé dans le gameplay. Débordant d'ambition, l'homme à l'origine de The Last of Us fera tout pour se faire remarquer par Evan Wells, y compris travailler sur son temps libre pour le convaincre de ses qualités de futur game designer. Il intègrera in extremis le staff œuvrant sur le premier Uncharted pour assister Amy Hennig, avant de prendre davantage de responsabilités sur Among Thieves, la suite tant attendue, dont il sera lead game designer et co-scénariste, et qui portera clairement sa signature.
Comme nous le soulignions précédemment, Uncharted : Drake's Fortune avait introduit un casting sympathique et prometteur mais manquant de relief. Le petit groupe constitué par Nathan Drake, Elena Fisher et Victor Sullivan avait marqué les esprits, mais tout autant par son aspect caricatural que son énorme potentiel. Derrière les clichés du protagoniste gaffeur au grand cœur, de la blonde un peu potiche mais courageuse qui finit par en tomber amoureuse, et du vieux baroudeur servant de mentor au héros, réside un trio à peaufiner pour le rendre légendaire. La présence de deux scénaristes, tous deux désireux d'approfondir le lore de la jeune série et la personnalité de ses protagonistes, contribuera grandement à les développer dans des proportions dignes de ce nom. En introduisant surtout le personnage de Chloe Frazer, une aventurière au passé trouble, aussi charmeuse qu'impitoyable, Naughty Dog fait grandement évoluer les relations entre "Nate" et Elena, donnant beaucoup plus de corps à la personnalité de cette dernière, et forçant le héros à faire face à tout un tas de décisions bien moins évidentes que par le passé. Si Chloe semble quelque peu parodier Lara Croft, elle pousse Nathan à une certaine introspection sur son statut de chasseur de trésors, et surtout, elle incarne à sa manière le nouvel Uncharted, mieux écrit, plus complet et au rythme plus soutenu. Seule ombre au tableau : "Sully" est absent pendant les trois quarts de l'aventure, ce qui déçoit pas mal de fans de l'escroc moustachu au cigare.
Le train de la hype
C'est en complétant l'aventure d'exception que propose Uncharted 2 : Among Thieves que l'on réalise alors à quel point Naughty Dog a franchi un immense cap d'un seul coup. Avec cette suite beaucoup plus variée et également bien plus longue, on se retrouve en présence d'un des très rares cas de jeux vidéo dont les promesses, pourtant très ambitieuses, sont tenues de A à Z. Décrit par Rivaol dans le test d'époque comme "à ce jour le plus beau jeu sur PS3 et peut-être même sur consoles HD", ce deuxième volet explose dans les grandes largeurs son prédécesseur qu'il relègue au rang d'ancêtre, déjà daté deux ans après sa sortie. D'une beauté sidérante à travers une incroyable variété d'environnements traversés, tous plus détaillés les uns que les autres, il montre non seulement de quoi la console de Sony est capable, mais témoigne surtout d'un niveau de maîtrise ahurissant de la part d'un studio qui est désormais dans une autre dimension. Outre la beauté de ses graphismes donnant l'impression d'être sur une "PS3 Pro", c'est sa réalisation qui impressionne. Si le potentiel d'Uncharted avait déjà été bien exploité dans Drake's Fortune, cette nouvelle aventure va établir une nouvelle référence et marquer les esprits.
En plus de nous faire traverser beaucoup plus de régions différentes dans ce qui ressemble à une véritable aventure (un musée à Istanbul, la jungle de Bornéo, une ville en guerre au Népal, les montagnes tibétaines), Uncharted 2 souhaite clairement prendre une autre dimension au niveau de son rythme, bien plus soutenu, et de sa réalisation soignée jusque dans le moindre détail. Les plans sont bien plus travaillés, l'ensemble se rapproche beaucoup plus d'une expérience cinématographique que Drake's Fortune, entre panoramas saisissants de réalisme (et de beauté) et séquences techniquement bluffantes. Comment ne pas penser à cette séquence sur un train légendaire qui a tant marqué les esprits à l'époque, et n'a pas si mal vieilli lorsque l'on rejoue au titre de Naughty Dog en 2022 (tant qu'à faire, sur PlayStation 4 via la compilation remasterisée Uncharted : The Nathan Drake Collection) ? À l'heure où les jeux vidéo cherchent de plus en plus à devenir des films interactifs, c'est Uncharted 2 qui remplit le mieux ce rôle, et fait l'unanimité dans la presse spécialisée à ce sujet. Il ne reçoit que des critiques extrêmement positives, et beaucoup de notes maximales, comme en témoigne son impressionnant 96% sur Metacritic, deuxième meilleure note de la console derrière Grand Theft Auto IV, excusez du peu. Ce sera également la 5ème meilleure vente de la PS3 avec 6,5 millions d'unités, juste derrière… sa propre suite, tout simplement. S'il n'est évidemment pas parfait, Uncharted 2 est alors clairement le meilleur jeu que Naughty Dog ait conçu à ce jour, et surtout, il est sans doute meilleur dans le contexte de sa sortie que probablement n'importe quelle autre production de l'industrie.
L'odyssée de Drake
Si Uncharted 2 a pris une telle dimension, et donné ses lettres de noblesse à Naughty Dog, c'est en grande partie grâce à son héros, devenu "un homme plutôt qu'une machine ne portant pas les stigmates d'une telle aventure" pour citer une nouvelle fois notre test de 2009. Avec Among Thieves, le studio a compris la nécessité de faire de Nathan Drake bien plus qu'un personnage jouable sympathique : il devient une icône. N'étant pas parvenu à conserver les droits de la licence Crash Bandicoot, le studio avait alors tenté de s'offrir une nouvelle mascotte avec le duo Jak et Daxter sur PS2, mais c'est bel et bien celui constitué par Ratchet et Clank qui s'imposa sur cette génération. Avec Nathan Drake, l'équipe de développement californienne s'est enfin trouvé son "incarnant", celui à qui tant de joueurs peuvent s'identifier, et elle prend alors soin de lui dessiner les meilleurs contours possible. Beaucoup plus humain dans un Uncharted 2 qui met davantage en lumière ses faiblesses, aussi bien au niveau de sa résistance physique que mentale, le véritable "Nate" que nous connaissons aujourd'hui et dont la carrière se finit en apothéose dans Uncharted 4 : A Thief's End trouve véritablement ses origines dans ce vrai départ après un Drake's Fortune qui ressemble de plus en plus avec le temps à une préquelle pas encore bien maîtrisée. Un rôle, certes, que Uncharted : Golden Abyss assumera davantage au lancement de la PSVita, les deux titres se ressemblant en fin de compte pas mal.
Fort logiquement, c'est avec Uncharted 3 : L'Illusion de Drake que viendra l'heure de la confirmation. Un poil moins acclamé par les critiques (son score sur Metacritic n'est "que" de 92%), celui que l'on considérera un peu à tort comme un "Uncharted 2.5" aura pour principal rôle de valider le génie d'un deuxième opus auquel il sera constamment comparé, et qui sera soumis à une pression sans précédent pour Naughty Dog. Le studio californien profitera néanmoins de la nouvelle dimension acquise avec le succès d'Among Thieves pour déménager dans de plus grands locaux début 2010, et surtout, se diviser en deux équipes. Celle de Amy Hennig œuvrera sur Uncharted 3, que certains pensent à l'époque être celui qui clôturera la troisième trilogie différente des créateurs de Crash Bandicoot en autant de générations de consoles PlayStation. Pendant ce temps, Neil Druckmann montera encore un peu en plus en grade, prenant la tête d'un autre projet encore plus ambitieux développé conjointement, et dont on ignore encore qu'il deviendra de très loin le titre le plus vendu de l'histoire de Naughty Dog.
Le studio d'une génération
En effet, si un certain The Last of Us existe, et qu'il est encore considéré comme un des plus grands jeux vidéo de tous les temps, c'est bien parce que Uncharted 2 l'a permis. L'immense succès de celui qui fit décoller la série de Naughty Dog changea absolument tout pour ce studio qui n'a cessé de grandir encore un peu plus à partir de là, et de ne s'autoriser aucune fausse note par la suite. Initialement parti sur un reboot de Jak & Daxter, comme il le révéla à nos confrères de GameSpot en 2015, Neil Druckmann (très attaché à la licence avec laquelle il débuta) et la seconde équipe de Naughty Dog dédiée au projet estimèrent toutefois que ce projet "ne rendrait pas hommage aux fans de la franchise", et ils partirent alors dans une toute autre direction, avec le succès que l'on sait. The Last of Us sera tout aussi acclamé que le fut en son temps Uncharted 2, et peut-même encore un peu plus tant son héritage semble essentiel dans l'histoire récente du jeu vidéo. Mais on n'oubliera pas à qui le fabuleux road-trip américian de Joel et Ellie doit son statut de mythe : sans Among Thieves, pas de The Last of Us…
En attendant l'arrivée de ce qui fut le titre le plus long à concevoir de l'histoire du studio à l'époque, Uncharted 3 fit exactement ce qu'on attendait de lui, conservant et exploitant avec brio les acquis de son illustre aîné, se vendant même un tout petit peu plus que lui, et développant vraiment très en profondeur le background de "Nate" et "Sully", ce dernier revenant d'ailleurs au premier plan au plus grand bonheur des fans après s'être montré trop en retrait dans Among Thieves. D'une manière générale, la relation entre le héros et son mentor, mais aussi avec une Elena de plus en plus mise en avant et à l'écriture enfin maîtrisée, achèvera de convaincre quant aux qualités scénaristiques d'une franchise ayant immensément mûri. Amy Hennig partira la tête haute, "sa" trilogie ayant écoulé quasiment 18 millions de copies en exclusivité sur une console dont Naughty Dog placera tout simplement ses quatre jeux dans le top 10 des meilleures ventes, The Last of Us dépassant même Uncharted 3 sur le fil pour atteindre le podium. Ce qui, vous l'aurez compris, signifie que le studio a tout simplement placé trois de ses jeux dans le top 5 des meilleures ventes de la PS3, derrière Gran Turismo 5 et l'évident Grand Theft Auto V, absolument hors-catégorie.
Naughty Dog, la pépite de Sony ?
Devenu un studio référence non seulement du côté de Sony, mais aussi dans la sphère du jeu vidéo en général, Naughty Dog a poursuivi son irrésistible ascension sur PS4, tout d'abord en cédant à la facilité d'un remaster aussi rapide qu'efficace de The Last of Us. Sorti à peine plus d'un an après le "game changer" faisant office de chant du cygne de la PS3, The Last of Us Remastered deviendra provisoirement le jeu le plus vendu de l'histoire du studio, et le premier à dépasser les 10 millions d'unités, avant de se faire fort logiquement éclipser par Uncharted 4, qui lui franchira le cap des 15 millions. Il demeure encore à ce jour le titre le plus vendu de Naughty Dog, une distinction que le moins consensuel The Last of Us Part II ne sera jamais en mesure de lui disputer, ayant à peine dépassé les ventes du remaster du premier volet tant chéri par les fans. Cependant, les succès sont toujours au rendez-vous, aussi bien en terme de critiques que commercialement, et une fois de plus, aucun studio "maison" de Sony n'a fait mieux sur cette génération. Les "Dogs" se sont fait une réputation, même si celle-ci fut entachée de polémiques sur la pratique du "crunch" auquel ils n'ont hélas pas échappé, alors que le très convaincant spin-off Uncharted : The Lost Legacy centré sur Chloe donnait l'impression d'avoir été réalisé par une équipe ayant beaucoup pris de plaisir à le concevoir tout du long.
La trajectoire ascendante du studio créé par Andy Gavin et Jason Rubin aurait-elle été la même, et surtout, aussi inarrêtable d'apparence, sans Uncharted 2 ? Rien n'est moins sûr. De toute l'histoire de Naughty Dog, jamais le gap entre deux de ses productions sur la même génération n'a été aussi impressionnant (The Last of Us Part II ne pouvant être comparé au remaster du premier volet pour des raisons évidentes), et ce surtout pour des titres séparés d'à peine deux ans. En passant à la vitesse supérieure de façon aussi vive et efficace, Amy Hennig (partie dans la première moitié du développement d'Uncharted 4) et son équipe avaient non seulement transfiguré leur jeune licence en la faisant passer dans la dimension des AAA intouchables techniquement parlant, mais elle avait surtout changé la face d'un studio dont la réputation était passée de "solide et sérieux" à "au-dessus du lot et admiré de tout un milieu". Mais faut-il vraiment s'en étonner quand on sait que Uncharted 2 est le seul et unique projet sur lequel Amy Hennig et Neil Druckmann, à savoir les créateurs des deux franchises les plus rentables de Naughty Dog, ont travaillé intégralement ensemble de bout en bout ?
En publiant en octobre 2009 un jeu vidéo universellement acclamé par les critiques comme par les joueurs, Naughty Dog a totalement changé le cours de son destin. Celui qui n'était alors qu'un des nombreux "bons studios" de Sony a subitement pris une toute autre dimension, celle d'une marque offrant un gage de très haute qualité assurée à chaque production, au point de presque manquer de rival dans le microcosme du gaming. Indirectement à l'origine d'un chef-d'œuvre comme The Last of Us et de la carrière à succès de Neil Druckmann, Uncharted 2 : Among Thieves n'a jamais été trop considéré comme un "game changer" et pourtant, son empreinte dans l'histoire du jeu vidéo demeure très importante. Si chaque nouveau titre de Naughty Dog est attendu avec autant d'engouement, c'est bien parce que le studio a acquis en 2009 une immense valeur, celle d'un concepteur de miracles faisant rêver les joueurs du monde entier avec des jeux vidéo sublimes, bien écrits avec des personnages marquants, et agréables à jouer. Rien que pour cela, Uncharted 2 est un immense jeu qui n'accuse même pas trop le poids de ses 13 années, qu'on ne réalisera peut-être que si les "Dogs" lui offrent, lui aussi, un remake PlayStation 5 un jour.