La célèbre espionne Joanna Dark ne s’attendait sûrement pas à se retrouver au chômage aussi longtemps après la parution du deuxième volet de ses aventures. “Zero”, c’est le sous-titre qu’a donné Rare à cette préquelle sortie au lancement de la Xbox 360. C’est aussi la note attribuée par un certain nombre de joueurs à l’épopée de la jeune héroïne. Qualifié de “Project Snowblind-like”, de “soft indigne de la 360” ou encore de “déchet” par la presse spécialisée, Perfect Dark Zero a été vivement critiqué. À juste titre ?
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
On ne vit que deux fois
Il est parfois amusant de voir comment certains souvenirs ne collent pas à la réalité. C’est le cas de tout ce qui concerne la sortie de Perfect Dark Zero. Demandez autour de vous si le jeu signé Rare est bon ou mauvais. Il y a fort à parier pour que vos interlocuteurs vous répondent à l’unisson qu’il s’agit d’un titre à oublier, avant qu’un joyeux laron n’ajoute que “de toute façon, Rare, c’est fini depuis que Microsoft a racheté le studio”. La presse française n’a pas été tendre avec les nouvelles aventures de Joanna Dark. Nous lui avions attribué un 11/20, tandis que Gamekult donnait un 6/10 et que Console + accordait un 14/20 plus généreux. Cela a peut-être participé à cette impression que PDZ est saumâtre. De manière générale, lorsqu’il est sorti à la fin de l’année 2005 aux États-Unis et en Europe, les critiques étaient loin d’être dithyrambiques. Pourtant, son Metacritic s’élève à 81/100, ce qui est loin d’être aussi catastrophique que nous aurions pu l’imaginer. Après tout, c’est la même moyenne que A Plague Tale Innocence, Splatoon, Condemned, Mario & Luigi : Dream Team, Tearaway Unfolded ou encore Hellblade, qui sont loin d’être considérés comme ratés.
L’espionne qui m’attirait
Ce qui a joué contre Perfect Dark Zero repose sur les espoirs suscités par son développement interminable qui n’a abouti “que” sur un FPS somme toute plutôt classique. Il est vrai que l’épisode fondateur sorti sur Nintendo 64 avait bouleversé son petit monde, au point de figurer dans le top 15 Metacritic des meilleurs jeux de tous les temps. C’est ce plébiscite aussi bien critique que commercial qui motiva le développeur britannique à produire une suite destinée au GameCube, avant que le rachat du studio par Microsoft ne le transforme en titre de lancement de la Xbox 360. Souvent qualifié de GoldenEye futuriste, le premier Perfect Dark nous a impressionnés grâce à ses armes originales, ses grands niveaux fourmillant de détails et ses gadgets amusants comme la mini-caméra à déployer. C’est surtout son multijoueur à la fois extrêmement complet et avant-gardiste qui a inscrit le soft de Rare au panthéon du FPS sur consoles. L’énorme campagne promotionnelle organisée par Microsoft, qui est allée jusqu’à proposer une interview de Joanna Dark (nous parlons bien d’un modèle 3D) dans les lignes du magazine FHM, a sûrement participé à la déception générale d'une partie des fans quand le produit final est arrivé.
Le chaud et le froid
Les reproches faits à Perfect Dark Zero sont nombreux. Le nouveau design de l’héroïne, à la fois réaliste et un peu plus “manga” selon le souhait de Kev Bayliss et Wil Overton de Rare, est jugé trop sexy, voire raté. Le scénario est comparé à celui d’une série Z, la lenteur de l’héroïne est pointée du doigt, les séquences d’infiltration sont qualifiées de frustrantes et l’intelligence artificielle est vivement critiquée. Les objectifs pas souvent clairs et la grande difficulté de l’aventure (même en Normal) n’ont pas aidé à redorer le blason de cette préquelle. Je ne vais pas contredire ces remontrances qui sont objectivement justes. Alors, vaut-il mieux définitivement l’oublier, ce Perfect Dark Zero ? Eh bien non.
Si l’on retire les graphismes plutôt jolis pour l’époque, malgré des modélisations malheureuses des différents protagonistes et l’effet de brillance sur la plupart des textures, Rare a su injecter des idées très intéressantes à son petit protégé. La première qui me vient à l’esprit vient de son mode coopération où les chemins des joueurs se séparent. Dans le deuxième niveau du jeu par exemple, un utilisateur se balade sur les toits avec un sniper tandis que son camarade s’infiltre dans les bâtiments, créant ainsi des interactions amusantes. À l’instar d’un certain Halo, la campagne de Perfect Dark Zero ne montre le meilleur d’elle-même qu’à partir du moment où deux utilisateurs découvrent ensemble les niveaux de l’épopée. Les deux missions se déroulant en Amérique du Sud (Tempête et Surveillance) restent un mauvais souvenir même 17 années après la sortie du jeu. Elles peuvent expliquer à elles seules toute la colère de la presse à l’encontre de PDZ, à cause d’une difficulté véritablement mal dosée et d’un level design simpliste.
Du côté de la maniabilité, les doubles sticks apportent de la souplesse. Rare a également implanté une roulade d’esquive ainsi qu’un système de couverture faisant se plaquer Joanna contre les éléments du décor, lui permettant de viser et de tirer via une vue passant à la troisième personne. Force est de constater que ça fonctionnait plutôt bien. Puisque nous évoquons les armes, celles de PDZ sont nombreuses, variées, et sortant des sentiers battus. Nous ne sommes pas dans un Turok, mais il est bon de pouvoir s’équiper du Psychosis Gun, du RCP-90, du SuperDragon, du Hawk Boomerang ou encore du Viblade pour faire des ravages dans les lignes ennemies. Le soft du studio britannique comporte aussi des passages à bord de deux véhicules afin d’apporter un peu plus de variété aux situations, avec le Jetpack et l’Hovercraft. Enfin, le mode multijoueur permettait jusqu’à 32 joueurs de s’affronter en simultané sur différents modes de jeu, un nombre élevé par rapport à ce que la concurrence proposait en 2005 sur consoles. Malheureusement, il est aujourd’hui impossible de faire des parties en ligne, les serveurs ayant fermé.
Old-school à en pleurer
Que ce soit dans ses menus (sponsorisés par Samsung), dans sa structure, dans certains choix du côté de la maniabilité (impossibilité de sauter, ralentissement en cas de tir encaissé), dans l’intelligence artificielle (avec des ennemis capables de faire mouche malgré une centaines de mètres de distance), dans son système de checkpoint (un seul par niveau, au milieu de ce dernier), Perfect Dark Zero ciblait déjà un public old-school à un moment où le grand public commençait à rechercher de nouvelles sensations. Bien qu’il semble laisser au joueur le choix de passer à l’action soutenue quand bon lui semble, PDZ doit être joué en privilégiant la méthode douce. La tactique doit absolument être privilégiée quand cela est possible, sous peine de transformer l’expérience en une bouillie infâme de frustration directement injectée en intraveineuse. Oui, comme dans le premier Perfect Dark, mais il faut croire que ce game design passait mieux sur Nintendo 64 que sur Xbox 360.
Malgré les idées mises sur la table par Rare pour une éventuelle suite, Microsoft laissera Joanna Dark au placard un bon paquet d’années. Ce n’est qu’aux Game Awards 2020 que fut dévoilé le développement d’un nouvel épisode, cette fois-ci réalisé par The Initiative. S’il mérite amplement sa réputation de titre vivant dans l’ombre imposante de son volet fondateur, Perfect Dark Zero n’est pas le déchet vidéoludique que l’on a trop tendance à présenter. Si vous l’abordez comme un FPS old-school où l’aspect strictement bourrin ne doit pas être privilégié, alors il aura des arguments pour vous faire passer de bons moments, surtout en coopération locale. Pour rappel, le jeu est disponible dans la compilation Rare Replay.