Un amendement insolite vient d’être adopté à l’Assemblée nationale : il pourrait autoriser le fait de remplacer le carburant de certains véhicules diesel… Par de l’huile de friture. Une mesure qui prête à sourire, mais qui pourrait s’avérer vertueuse.
De l’huile recyclée pour faire tourner les moteurs diesel
Alors que l’Assemblée nationale se penche actuellement sur la loi pouvoir d’achat, les députés Europe Écologie-Les Verts ont déposé un amendement dans le but d’autoriser l’emploi d’huile alimentaire usagée comme carburant. À la surprise des écologistes, celui-ci a été adopté par une majorité de parlementaires, dans la nuit du 21 au 22 juillet.
L’amendement part d’une réalité méconnue : certaines huiles comestibles, une fois décantées et filtrées, peuvent servir de carburant à des voitures pourvues d’un moteur diesel d’ancienne génération. L’association Roule ma frite, pionnière dans la promotion de cette pratique, précise que ces véhicules doivent également avoir été équipés d’une pompe à injection spéciale, permettant de conduire l’huile jusqu’à la chambre de combustion.
L’huile peut être utilisée seule dans certains cas, ou plus généralement, mélangée à hauteur de 30 % avec un carburant diesel. Un moyen de réaliser des économies d’argent, mais aussi de préserver la planète : d’après les auteurs de l’amendement, « ce carburant rejette jusqu’à 90 % de gaz à effet de serre en moins qu’un diesel classique, et émet beaucoup moins de particules fines. » Un autre avantage : le recyclage des huiles usagées permettrait d’éviter l’encombrement des eaux usées, et faciliterait le travail des stations d’épuration.
« Ça peut faire sourire, mais c’est un élément d’indépendance énergétique : il vaut mieux dépendre des baraques à frites du Nord que du pétrole des monarchies pétrolières. » — Julien Bayou, député EELV, co-auteur de l’amendement
Bientôt une pratique légale en France ?
Une prise de conscience à ce sujet est déjà en marché à l’échelle européenne. Le projet RecOil a autorisé l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas, l’Espagne et la Belgique à expérimenter l’utilisation d’huile usagée et recyclée comme biocarburant.
En France, des dérogations ont été accordées localement : c’est le cas par exemple sur l’île d’Oléron, où œuvre l’une des antennes de l’association Roule ma frite, qui collecte et filtre les huiles pour les rendre propres à l’usage en tant que combustible. Mais dans le reste du pays, cette pratique demeure illicite. Elle est considérée comme une infraction douanière de fraude au carburant, puisque l’huile n’est pas taxée au même titre que les autres carburants homologués. De plus, les assurances ne couvrent pas les véhicules pour ce type de biocarburant. En l’état, un conducteur français qui ferait le choix de rouler à l’huile de friture s’exposerait donc à divers risques financiers.
Mais l’amendement des députés écologistes a remporté l’approbation de l’hémicycle, et même du gouvernement. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, s’est dite favorable à une forme d’encadrement légale de cette pratique actuellement clandestine. Le projet de loi est désormais examiné par le Sénat. S’il était adopté tel quel, il pourrait permettre, dans les prochains mois, l’emploi d’huile de friture comme biocarburant.