C’est aux Game Awards 2020 que fut dévoilé le développement d’un nouvel épisode de Perfect Dark, un FPS futuriste originellement développé par Rare ayant illuminé les dernières heures de la Nintendo 64. Bien que l’énorme logo dataDyne visible à un moment de la vidéo ne laissait aucun doute quant au retour de Joanna Dark, c’est lorsque le titre du jeu est apparu à la fin de la bande-annonce que les streamers diffusant l’événement ont exulté. Il faut croire que personne n’était prêt à oublier la célèbre espionne qui régna sur le FPS console au début des années 2000, avant l’arrivée d’un certain Spartan.
Les années d’expérience de 007 au service d’une jeune aventurière
Ce qui saute forcément aux yeux lorsque l’on joue au premier épisode de Perfect Dark (sorti le 22 mai 2000 aux États-Unis), c’est à quel point le FPS de Rare comporte des similitudes avec son précédent titre en vue à la première personne, GoldenEye 007. La filiation est telle que l’épopée de Joanna Dark fut vendue un peu partout comme étant une suite spirituelle des aventures de James Bond. À la tête du développement des deux softs, nous retrouvons Martin Hollis, game designer talentueux ayant refusé de participer à l'adaptation vidéoludique de Demain ne meurt jamais afin de bénéficier de plus de liberté créative. Le studio britannique souhaitait en effet raconter une histoire qui se déroulait dans un futur dystopique, dont les influences allaient de Blade Runner à X-Files. Ce qui n’avait plus grand-chose à voir avec l'espion au service de sa Majesté, vous en conviendrez.
C’est donc l’équipe derrière GoldenEye 007 qui mit au monde Joanna Dark, un agent secret envoyé enquêter sur les agissements douteux d’organisations tentaculaires. C’est pourquoi nous retrouvons de nombreuses similitudes du côté du gameplay entre l’aventure de Bond et celle de Dark, que ce soit dans l’intelligence artificielle des adversaires, dans la manière dont la difficulté ajoute des objectifs ou encore dans la maniabilité. Il est bon de rappeler que le moteur du jeu qui anime tout ce petit monde est une version améliorée de celui de GoldenEye 007. Les années de production passées sur le FPS mettant en scène l’agent 007 ont en tout cas permis à l’équipe de se familiariser avec le jeu en vue à la première personne, tout en faisant germer diverses idées. Elles se retrouveront, pour la plupart d’entre elles, dans Perfect Dark.
Les petits trucs en plus
Perfect Dark est souvent qualifié de GoldenEye futuriste. Le voir comme un simple “reskin” des aventures de Bond serait cependant une grossière erreur. Malgré un développement tumultueux causé par les départs de plusieurs cadres (partis fonder Free Radical), les dirigeants du studio ont mis toutes les chances de leur côté pour que Joanna Dark frappe fort. Les frères Stamper, alors patrons de Rare, veillèrent à ce que leurs artistes ne subissent pas de pression en ne fixant aucun délai de production. Les grands boss souhaitaient que leurs employés “donnent le meilleur d’eux-mêmes” afin de livrer une œuvre “aussi innovante et aussi bonne que GoldenEye 007”, comme le relate Régis Monterrin dans l’Histoire de Rare Vol.2 (p.157). Un pari risqué qui s’est avéré payant.
Les développeurs ont profité de ce nouveau terrain de jeu non-assujetti à la licence Jame Bond pour développer des armes originales disposant pour la plupart de tirs secondaires, et surtout des environnements plus grands, fourmillant de détails. Joanna Dark avait la possibilité de jeter un coup d’œil furtif, et elle disposait de gadgets amusants comme la fameuse mini-caméra à déployer. Le projet était tellement ambitieux que l’Expansion Pak, petite carte à insérer dans la N64 pour doubler la RAM, était obligatoire pour lancer la campagne du jeu. Graphiquement, le soft était un des plus beaux jeux de la Nintendo 64, tout simplement.
Un multi pas comme les autres
L’élément qui a vraiment inscrit Perfect Dark au panthéon du FPS sur consoles, c’est son multijoueur à la fois extrêmement complet et avant-gardiste. Tout d’abord, les 17 niveaux de la campagne pouvaient se vivre à deux grâce à un mode coopération en écran partagé plutôt innovant pour l’époque. Ensuite, le mode “Contre-Opération” (ou Ennemi) donnait la possibilité à un joueur d’incarner un adversaire normalement dirigé par la machine dans les niveaux du solo. Son objectif ? Éliminer son camarade qui tente de réussir la mission. En cas de mort, le J2 réapparaissait dans la peau d’un autre personnage afin d’en découdre une fois de plus avec Joanna, un peu à la manière d’un Agent Smith dans Matrix. Enfin, il y avait bien évidemment une mode plus classique comme le chacun pour soi, sauf qu’ici, des bots pouvaient être intégrés à la partie, ce qui n’était pas le cas dans la plupart des jeux du genre sortis sur Nintendo 64 ou PlayStation.
L’histoire captivante, le gameplay aux petits oignons (pour l’époque) et le multijoueur plus que complet intégrant des bots ainsi que des modes originaux ont aidé Perfect Dark à s’imposer comme un des plus gros succès de Rare sur Nintendo 64. Un plébiscite qui motivera Rare à produire un nouvel épisode destiné au GameCube qui arrivera finalement sur Xbox 360 en 2005, sous le nom de Perfect Dark Zero. Malheureusement, cet opus dirigé par Chris Tilston ne connaîtra pas le succès escompté.
Il aura fallu attendre 15 ans pour que Microsoft officialise le développement d’un nouvel épisode, orchestré cette fois-ci par The Initiative plutôt que Rare. Si vous envisagez (re)découvrir l’œuvre de Rare, une version remasterisée est disponible sur le Store Xbox ainsi que dans Rare Replay.