Cela fait depuis trop longtemps que nous n’avons pas pu chausser nos rollers pour aller recouvrir Shibuya de tags improbables. En effet, bien que des rumeurs laissent présager son hypothétique retour, la série des Jet Set Radio a disparu de la circulation depuis presque vingt ans. Vingt ans ! Ni l’épisode sorti sur Xbox en 2002, ni la version Game Boy Advance plus méconnue arrivée en 2003 n’ont permis à Beat et à toute sa clique de revenir enquiquiner les forces de l’ordre. Il est l’heure d’enfiler l’accoutrement le plus bariolé caché dans votre penderie, aujourd’hui, nous allons parler de héros qui ne portent pas de capes, mais qui sont cap’ de tout.
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
Sommaire
- Une claque graphique (et sonore)
- L’esprit rebelle, le cœur léger
- Apprendre de ses erreurs pour embrasser le futur
Une claque graphique (et sonore)
"Hey out there! This is Tokyo's very own number one, pirate powerstation, Jet Set Radio!". Ces quelques mots proférés par le volubile DJ Professor K pendant les premiers instants de l’aventure imaginée par Smilebit sont ancrés dans mon cerveau comme un graffiti sur une vieille rame de métro. Avant de continuer ce billet, je dois avouer que j’aime Jet Set Radio depuis que mes yeux se sont posés sur ses captures d’écran diffusées dans les magazines de l’époque tels que Le Magazine Officiel Dreamcast, Joypad ou encore Dreamzone. “On n’avait encore jamais vu ça” pouvait-on lire sur les pages évoquant le soft concocté par Sega. C’est vrai que nous n’avions encore jamais observé de tels visuels malgré quelques essais allant de ZPC à The Misadventures of Tron Bonne à la fin des années 1990.
La technique utilisée, Cel Shading, se fait un nom dans le milieu du jeu vidéo. Elle permet de donner un aspect “dessin animé 2D” dans un univers en 3D où les personnages crèvent l’écran grâce à leurs contours noirs semblant crayonnés. Au début des années 2000, nous pensions déjà avoir tout vu avec l’arrivée de la démocratisation de la 3D. Jet Set Radio est venu surprendre son monde en se servant de la puissance des nouvelles technologies non pas pour atteindre plus de réalisme, mais au contraire pour se permettre des délires visuels sortis de nulle part. À l’époque, la presse spécialisée ne se privait pas de parler de “révolution”. Portée par une bande-son de haute qualité composée par Hideki Naganuma, l’épopée des GG’s était un régal aussi bien pour les yeux que pour les oreilles.
L’esprit rebelle, le cœur léger
Une direction artistique sans égal, c’est bien, mais cela ne rend pas un jeu “mythique” pour autant. Heureusement, Jet Set Radio a plus d’une bombe de peinture dans son sac à dos. Les graphismes et les musiques qui sortent des clous sont au service d’un message résolument anticonformiste qui était loin d’être courant au début des années 2000. C’est peut-être cet élément qui m’a le plus marqué avec le titre de Sega. À l’instar d’un Oddworld : L'Odyssée d'Abe qui réussit à sensibiliser – à dose homéopathique – sur certaines questions liées à l’ultra-industrialisation, Jet Set Radio est une ode à la liberté, sous toutes ses formes. Celle de s’habiller comme on le souhaite, d’aller partout pourvu que ce soit aussi compliqué qu’interdit, ou encore de pratiquer un art jugé dangereux par la police et la mafia locales. Bien sûr, le fait de taguer les rues d’une ville peut s’apparenter à du vandalisme, ce qui a d’ailleurs causé quelques problèmes au soft de Smilebit aux États-Unis et au Japon, mais dans Jet Set Radio, le graffiti est autant un moyen d’expression que de lutte face à des lois liberticides. L'armée qui n’hésite pas à envoyer des hélicoptères lourdement équipés afin de mettre fin à tout ce grabuge en dit gros. Véritable condensé d’excentricité japonaise, l’œuvre de Sega ne se prend pas au sérieux... et c’est tant mieux.
Apprendre de ses erreurs pour embrasser le futur
Comme je le disais plus tôt dans l’article, oui, je suis un fan de Jet Set Radio. Je possède les trois jeux sur Dreamcast, Xbox et Game Boy Advance, et les OST trônent sur mes étagères, non loin d’une figurine de Beat conçue par First 4 Figures, de 35 cm, équipée de quelques diodes lumineuses pour impressionner en soirée. C’est pourquoi je n’ai pas été surpris quand Anagund m’a demandé de rédiger un petit billet sur cette fameuse création de Sega. Néanmoins, je me suis retrouvé bien embêté quand je me suis aperçu que tout ce qui était reproché à son gameplay était justifié. J’ai fait l’expérience de relancer Jet Set Radio grâce à son remaster (disponible sur consoles/PC) et force est de constater que le gameplay a pris des balles en caoutchouc dans les jambes. Caméra qui entre régulièrement en collision avec le décor, maniabilité globalement imprécise, difficulté en dents de scie… Les défauts sont bien présents et sautent d’autant plus aux yeux aujourd’hui. Perdre à une seconde de la fin car le personnage peine à s’aimanter sur une rampe ou se prend un projectile qui le fait chuter de deux étages est toujours terriblement frustrant.
Jet Set Radio Future, sur Xbox, adoucira cette difficulté (et les approximations) en retirant le temps limité, en simplifiant la réalisation des tags et en cloisonnant les bastons avec la police. Des choix qui furent vivement critiqués par les fans à l’époque, mais qui s'intégrèrent plutôt bien dans des niveaux à la superficie largement supérieure à ce que nous avions sur Dreamcast. Malheureusement, il n’est pas aisé aujourd'hui de se rendre compte à quel point Jet Set Radio Future a mieux vieilli que son prédécesseur, l’exclusivité Xbox n’ayant connu ni réédition, ni remaster, ni ajout au programme de rétrocompatibilité. Dommage !
Pépite visuelle quand il est sorti au début des années 2000, musicalement renversant, effronté dans ce qu’il raconte, fun, varié aussi bien dans ses environnements que dans les adversaires qu’il propose de rencontrer, Jet Set Radio est un jeu qui a apporté sa pierre à l’édifice du jeu vidéo. Une pierre sur laquelle reposent des graffitis composés de milliers de couleurs.