Parfois, un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Cet adage s’applique aussi au smartphone : quand le mien est tombé en panne quelques heures avant mon départ en vacances à l'étranger, j’ai compris que lui confier l’essentiel de mes données personnelles n’avait pas été la meilleure de mes initiatives.
Sommaire
- Quand soudain, le drame
- Deuxième stade, la panique
- Trahison ou stupidité ?
- Mon smartphone est KO, mais je suis OK
- L’heure du retour, et de l’introspection
Comme des centaines de millions de personnes sur terre, je suis accro à mon smartphone. Mon récent papier sur les statistiques autour de l’utilisation des terminaux mobiles m’a permis de me situer dans la catégorie des gens qui le savent, mais qui se disent que c’est comme ça et que lutter contre n’est pas évident. En particulier quand une partie de votre quotidien consiste à tester les smartphones qui sortent sur le marché.
Cependant, il faut bien admettre qu’être clairement dépendant d’un smartphone peut mener à la catastrophe lorsque celui-ci vient à nous claquer entre les doigts. C’est ce qu’il m’est arrivé, quelques heures seulement avant de m’envoler vers la destination de mes vacances. C’est là que j’ai pris conscience que non seulement j’en demandais beaucoup trop à mon terminal adoré, mais, qu’en prime, j’étais devenue totalement dépendante de cet appareil.
Quand soudain, le drame
À 3 heures du matin, alors qu’il était prévu que mon smartphone me réveille pour sonner le branle-bas de combat du départ à l’aéroport, il décide de faire grève. Heureusement, le smartphone de mon compagnon, lui, est bien au rendez-vous. Premier constat : mon smartphone, un terminal Android pourtant payé près de 1000 euros un an auparavant, refuse de s’allumer. Grosse panique : le départ est programmé dans moins de 30 minutes. Par chance, j’ai sous la main l’un des smartphones que je dois tester prochainement : j’anticipe alors sa mise en marche en y installant en quelques minutes mon compte Google et en me connectant aux services les plus essentiels. Heureusement, j’ai développé quelques réflexes utiles sur le sujet.
Faut-il préciser qu’en bonne technophile un poil feignasse et sous couvert d’une pratique pseudo-écologique essentiellement alimentée par le niveau d’encre à zéro dans l’imprimante, j’ai décidé de n’imprimer quasiment aucun document papier pour le voyage à venir ? Pourquoi gaspiller des feuilles A4 quand tout peut être consulté, à tout moment, depuis mon smartphone ? Énorme erreur.
Deuxième stade, la panique
Au fil des années, mon smartphone est devenu une sorte d’assistant à qui j’ai délégué une bonne partie des tâches contraignantes que l’on peut avoir dans un quotidien assez chargé. Il retient notamment tous mes mots de passe, contient des documents importants qui sont faciles d’accès et il a en sa possession la plupart de mes contacts. Le fait d’utiliser Android depuis toujours fait de mon compte Google le centre de beaucoup de mes données personnelles.
Mon compte Google est à peu de chose près le seul que j’ai pu activer durant les 20 minutes que j’avais sous la main pour configurer mon smartphone de secours, et en le faisant, je me suis rendue compte que j’avais tellement sécurisé le mot de passe que je ne le connaissais pas par cœur. Il est enregistré dans un « coffre-fort de mots de passe » qui se charge d’en générer, de manière aléatoire, pour la plupart des services que j’utilise. En contrepartie, je connais par cœur le mot de passe compliqué de ce locker.
Nouveau problème : pour « ouvrir » ce coffre-fort sur un nouveau smartphone, il faut valider la démarche avec l’Authenticator de Google. Vous voyez venir le problème ? Pour changer l’Authenticator de smartphone, il faut scanner un QR code présent sur l’ancien terminal avec le nouveau. Mais l’ancien appareil est hors service. C’est le serpent qui se mord la queue.
Trahison ou stupidité ?
Dans le terminal de l’aéroport où j’attends mon avion, entre deux tentatives de récupération de mot de passe (certaines avec succès, d’autres non), je ressens des sentiments un peu contradictoires. D’un côté, je me sens trahie par mon appareil en qui j’avais toute confiance, je me jure de ne jamais racheter un smartphone de cette marque, peu fiable malgré l’argent investi. Je suis aussi prise d’une petite crise de paranoïa qui me pousse à transférer absolument tous les mails liés à mon voyage, y compris les plus insignifiants, sur le téléphone de mon compagnon, « au cas où ce smartphone me lâcherait aussi ». Il n'y a aucune raison que cela arrive mais dans le fond, il n'y avait aussi aucune raison pour le précédent, alors pourquoi ?
Mais dans le fond, j’ai surtout un peu honte de m’être entièrement reposée sur un appareil mobile pour conserver des données essentielles à mon quotidien, et de ne pas avoir été capable d’envisager sérieusement qu’une situation de ce genre puisse se produire. Au passage, je me rends compte également que certains outils, destinés à protéger le possesseur d’un smartphone, peuvent aussi se retourner contre lui lorsque les défaillances potentielles ne sont jamais envisagées : le cas de l’Authenticator est criant.
Mon smartphone est KO, mais je suis OK
Constatant rapidement que je n’avais pas vraiment le contrôle sur la perte d’accès à certains services, j’ai fini par laisser tomber la perspective de tout réinstaller au bout de quelques heures. La déconnexion lors de mon vol m’a permis d’effectuer une transition et de me dire que je règlerais les points problématiques au retour de vacances.
J’ai dû ponctuellement trouver le moyen de régler certaines contraintes en cours de route : des itinéraires GPS effacés de l’historique de mon téléphone (forcément), la nécessité de recréer mon pass vaccinal dans TousAntiCovid, l’absence de certains contacts téléphoniques non enregistrés dans mon annuaire personnel… à chaque fois, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire qu’il aurait été relativement facile d’éviter cela avec un peu plus de préparation, moins dépendante de mon smartphone. Heureusement, mon compagnon avait quelques éléments importants en sa possession, ce qui nous a permis de profiter de nos vacances sans nous demander comment récupérer telle ou telle information à longueur de journée.
J’ai aussi relativisé en me disant que la situation aurait pu être bien pire si mon smartphone avait décidé de tomber en panne au cours de mon voyage. Je n’avais avec moi ni ordinateur ni tablette, et je n’aurais pas été en mesure de me connecter aux services essentiels depuis l’appareil d’une autre personne, faute de connaître par cœur certains de mes identifiants.
L’heure du retour, et de l’introspection
À mon retour, la situation s’est miraculeusement arrangée lorsque mon smartphone, impossible à rallumer avant mon départ, a accepté de s’activer en mode Recovery. Cependant, méfiante, j’ai décidé de copier l’intégralité de son contenu sur un autre appareil, pour avoir un back-up complet « au cas où ».
Mais ça n’a pas été ma seule démarche. J’ai décidé de me détacher de mon smartphone pour certaines tâches et de me réapproprier certaines informations importantes, pour ne plus jamais me retrouver dans une telle situation. J’ai pris conscience qu’être accro à son smartphone est une chose, mais que tout lui déléguer en est une autre : on peut utiliser intensivement son terminal mobile au quotidien sans pour autant lui confier la moindre information utile pour s’alléger l’esprit.
J’ai donc :
- Changé certains mots de passe essentiels à mon quotidien pour les remplacer par d’autres, associés à des moyens mnémotechniques pour m’en rappeler efficacement.
- Fait une copie de mon Authenticator sur deux appareils, que je peux rallumer pour en disposer si besoin : il faut savoir qu’il est impossible de faire une capture d’écran du QR code généré par l’Authenticator de Google, mais qu’il est, en revanche, possible de le dupliquer sur plusieurs appareils.
- Fait le tour de toutes les applications nécessitant des mots de passe et d’autres moyens d’identification en m’assurant qu’il était possible de facilement en récupérer l’accès par un autre appareil que mon téléphone habituel. Dans certains cas, ce n’était pas possible. Je travaille encore à chercher des alternatives.
- Racheté de l’encre pour mon imprimante. Parfois, il faut mieux sortir du numérique pour se sécuriser. Ce n’est pas une révolution, mais gageons que c’est au moins le début d’une certaine émancipation.
Forcément, lorsque de prochaines vacances seront en vue, je repenserai à cette galère qui m’a poussée à m’interroger sur la relation bizarre que j’entretiens avec le petit ordinateur tactile qui n’est jamais bien loin de moi, et il est clair que je verrai les choses différemment. J’espère quand même que cette fois-ci, mon smartphone ne décidera pas de prendre des vacances sans moi.